wf *2^ I - QUEST DE JAVA LA RACE SOUNDANAISE SES RAPPORTS AVEC LES HOLIAA'DAIS ET LE PAIS OOLIE BARITE D’APRfiS LES SOURCES LES PLUS RfiCENTES PAR R. A. EEKHQUT DE SOEKABOEMI (JAVA) MEMBRE DR LA SOCIRTE ROYALS DE GEOGRAPRIB DES PAYS-DA3 MEMBRB CORRESPONDANT DE LA SOCIRTE DE G^OGRAPHIE DE GEn£:VE POUR LES INDE3 ORIENTALBS NEERLANDAISES EXTRAIT DU BULLETIN DE LA SOCIETE DE GEOGRAPHIE PARIS SOCIETE DE GEOGRAPHIE 184, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 184 1892 QUEST DE JAVA LA RACE SOUNDANAISE SES RAPPORTS AVEC LES IIOLLABAIS ET LE PAYS OE’ELLE HARITE D’AI'HES LES SOURCES LES PLUS RECENTES PAR R. A. EEKHOUT DE SOEKABOEMI (JAVA) MEMBUE DE L\ SOCIETE IlOYALE DE GEOGBAPHIE DES PAYS-DAS MEMUUE COUKESPONDANT DE LA SOCIETE DE GEOGUAPIIIE DE GENEVE POUR L£:3 INDE3 ORIENTALES NEEKLANDAISES EXTUAIT DU BULLETIN DE LA SOCIETE DE GEOGUAPIIIE 1‘AUIS SOCIETE DE GEOGRAPHIE 18J, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 184 1892 Digitized by the Internet Archive in 2016 https://archive.org/details/ouestdejavaOOeekh OUEST DE JAVA LA RACE SOUNDANAISE SES RAPPORTS AVEC LES HOLLA>’DAIS ET LE PAYS QU’eLLE HABITE D’APRES LES SOURCES LES PLUS RECENTES Le public croit que I’ile de Java n’est habitee que par une seule race d’indig^nes, les Javanais. C’est une erreur. Conimc la Graiide-Bretagne et I’lrlande, les iles de Java et de Madura, qui sont presque toujours consid^rees en- semble, possfedent trois races ou cal6gories d’indigenes, Ires dislinctes Tune de I’autre. Ce sont : dans I’ouest de Java, les Soundanais, qui comptent environ cinq millions d’imes; dans le centre de Java, les Javanais, qui fornient la plus grande partie de la population, soit environ quinze millions d'Ames; et dans I’extrSme estde Java et Tile de Madura, les Madurais, qui repr^sentent environ trois millions de Ifites. De meme que les Anglais, les Ecossais et les Irlandais ont toujours a cffiur de laire entre euxune grande distinction, — un Anglais pr^ferant n’fitre pas pris pour un Ecossais ou un Irlandais et cice rersa,— les indigenes de Java tiennent essentielle* menti fitre appel6s Soundanais, Javanais et Madurais et A faire serieusement la distinction entre ces trois races. On a d^jAbeaucoup parle de la race indigene pr^pond^- QUEST DE JAVA. rente de Java, des Javanais, et des conlr6es qu’elle habile. Ce n’est pas le cas pour la race soundanaise, qui habile I’ouest de Tile et qui, de concert avec les diverses popula- tions de Java, sera sans doute appelee un jour i coloniser toules les autres iles de la Sonde. Nous parlerons done quelques moments decepays admi- rable qui a nom I’ouest de Java et de la race sounda- naise qui I’habite. Les possessions n^erlandaises dans I’extreme orient sont presque cinquante et une fois plus grandes que la mfere- patrie, ou plus que trois fois plus grandes que la France. Nous ne parlerons pas ici des Etudes et des suppositions des savants pour d^montrer que la plupart des iles de la Sonde jusqu’au d^troit de Macassar ont appartenu autre- fois cl la terre ferme du continent de I’Asie. Ilsuffirade constater, enlre autres cboses, que, d’aprfeseux, la mer de Java n’existait pas aux temps prdbistoriques, el par consequent que Java et Borneo ne formaient qu’une seule terre. Sur ce point nous avons k faire remarquer que depuis le commencement de ce siecle on a constate un accroisse- ment annuel presque r^gulier de la cote septentrionale de Java, surtout vers le milieu de la cote ; on pourrail done calculer le temps au bout duquel cette mer de Java ne for- mera plusqu’un grand canal entre les deux iles, si toutefois les actions volcaniques ne viennent pas mettre ces calculs en defaut. - L’origine du nom de Java se perd, comme la plupart des anciens noms geographiques, dans les lenebres de I’an- tiquitd. Ce sont probablement les llindous qui furent les pre- QUEST DE JAVA. 5 miers navigateurs de Toccident qui d6barqu^rent siir les c6tes de Java. Enlrain6s par les vents de la mousson d’ouest, ces navi- gateurs intrdpides durent arriver d’abord h I’ile de Sumatra, qu’ils nommaient a Soewarna-Dwipa », ce qui signifie « He d’Or».Leurs connaissances de Tarchipel furent presque certainement aussi 6tendues que nos connaissances actuelles sur les parages du p61e sud, c’est-a-dire que les Hindous connaissaient seulement une partie du littoral de Java. Ce sont eux qui ont donn6 k I’lle de Java le nom de « Jawa-Dwipa », qui signifie :« Pays du Millet », une graine, le Panicum Italicum, qu’on pent trouver encore partout dans lesforfils vierges de I’ile. Nous trouvons le t6moignage le plus ancien concernant ce nom chez le g6ographe grec Claude Ptol6mde, qui vivait h Alexandrie dans le second si^cle de notre ere. C’esl lui qui, en enum^rant les noms des divers pays de la p6ninsule indienne et des lies de I’Archipel, nomme Tile de Java du nom de « Jabadioe », qu’il expliquait comme synonyme avec « He du Millet. ». Ptql6mee nous a donne le nom, comme il fut prononc6 dans la langue du peuple, ou le pracrit. Dans cettc langue, le « dioe » de « Jabadioe » est le mfime qu’en Sanscrit le mot « dwipa », comme on peut trouver encore dans les mots « Laquedives », Maldives, etc. L’honneur d’avoir d6montr6 cela revient tout k fait au cMfebre professeur Kern, de l’universit6 de Leyde. On lit dans I’edition de Bombay de I’annee 18G3 du livre « Ramajana », que les « singes », c’est-a-dire les « vents », de Hanoeman recevaient I’ordre de chercher pour llama la Sita vol6e, aussi dans l’extr6me orient. C’estpourquoi on trouve dcritesces ligncs : « Fouillez soi- gneusement « Jawa-Dwipa », dont sept royaumes font la parure, le pays d’or et d’argent, riche en mines d'or. » Selon le professeur Kern, le temps dans lequel le poeme 6 QUEST DE JAVA. (ie lUmajana fut compose ne peut differer beaucoup du temps de Ptoldm6e, ce qui rend doublement remarquable I’harmonie des deux informations. Ptol6m6e fait suivre imm^diatement son interpretation du nom de « Jabadioe » des lignes suivanles : « On dit que cet ile est tres fertile et produit beaucoup d’or. A son extr^mitd occidentale elle possede une capilale du nom d’Argurfi, ce qui signifie : «r Ville d’Argent. » Done, le Rimajana de I’Hindoustan etPtolem6e d’Alexan- drie sont en meme tenlps d’accord que le pays est riche en or et en argent. Or, on ne pouvait dire cela que de Pile de Sumatra, car jusqu’i present nous savons que Tor et I’argent sont en petite quantite a Java, mais en grande abondance partout h Sumatra. II en faut conclure que dans les temps les plus recules, on parlait des iles de Sumatra et de Java comine si elles dtaient unies et ne forraaient qu’une ile, celle de « Jawa-Dwipa. » G’est seulement au xii' sibcle que le nom de « Soewarna-Dwipa » ou « lie d’Or », fut employ6 separ6- ment pour Pile de Sumatra, comme on peut le constater dans un ouvrage hindou, le « Kathas£lritsAgara », qui fut compile d’anciennes sources. De mfeme dans les anciennes histoires javanaises nous trouvons la preuve, que la traduction du nom de « Jawa- Dwipa » par celui « d’ile du Millet » est vrairnent la v6ri- table. Ces histoires raconlent que dans la premiere ann6e de Pere javanaise, qui commenqait le 8 aout de Pann6e 70 de la notre, un certain Praboe Djaja Bikja, descendant d’Ardj- oena, dans la cinquieme g6n6ration, d^barquait h Pile de Java. II trouva qu’une certaine graine connue sous le nom de « djawawoet » 6tait la principale nourriture de la popu- lation. Aussi cbangea-t-il le nom de « Noesa-Kendfeng » , nom que Pile avail port6 jusqu’alors, en celui de Noesa-DjawA. QUEST DE JAVA. 7 A present le nomjavanais pour millet est toujours celui de « djawawoet », mais ce nom n’est pas la forme origi- nale. II semble etre form6 par la reunion des mots « djawa » et « awoet », ce qui veut dire « millet aux fines graines. » Dans le malais, on nomme le millet encore djawa ; en langue des Dajaks de Borneo « djawae », et en langiie des Baltaks de Sumatra « djaba oerb », ou le mot « oerb » a lout h fait la mSme signification qiie le mot javanais « awoet. » One tons ces mots des langues de I’archipel malais, comme «: djawa », « djawae », « djaba », soient exactement synonymes avec le mot Sanscrit ajawa » et celui de « jaba >> de Ptol6m6e dans « Jabadioe », cela s’explique par le chan- gement frequent de la lettrej en dj, et de tv en b. Le premier changement surlout est tr6s remarquable. Le j du Sanscrit a 6t6 chang6 dans presqiie tons les dia- lectes de I’llindoustan en dj, cequi a 6le aussi le cas dans la langue javanaise. De mOme que les indigenes de Java changent toujours dans les noms bollandais qui commencent par unj elqu’ils ont adoptes dans leur langue, la leitre j en dj, de mftme les anciens Hollandais changeaient dans beaucoup de noms javanais qui comrnenQaient par dj les lettres dj en une simple j, comme dans Japara, Jacatra. De m6me le nom de Tile Java a 6tc modifi6 par les Ilol- landais de « Djawa » en Java, lequel estredevenu, par con- sequent, en exceptant le ctiangement de la letlre tv par la lettre r, que nous devons aux Portugais, semblable i la forme originaire du Sanscrit « Jawa ». Enfin, du c6l6 de rexlrfime orient la definition de Java, comme « He du Millet » s’est fray6 aussi un chemin dans les ecrits chinois, quoique ceux-ci datent de quelques sibcles plus tard. On pent presquc assurement admettre que les Hindous furent les premiers colonisateurs de I’Archipel. 8 QUEST DE JAVA. Ils y trouvferent une population barbare, qui avail une sorte de religion semblable h celle des anciensPolyn^siens. On a constate que la plus grande parlie des diverses populations des lies h. I’oiiest de Java ne fut autrefois qu’une seule race, celle des Malais, au moment oil proba- blement presque toutes ces lies ne formaient qu’un seul pays. Apr5s la formation des differentes lies, il s’est form6 la difference entre les diverses populations, dont les unes s’avanqaient plus k la civilisation que les autres. M6me dans les grandes iles comme Sumatra, Borneo, Java et Celebes, on commengait h. distinguer une dif- ference entre la population elle-m§me, suite des diverses situations de climat et de terrain. Et c’est pourquoi se sont formees i Java les trois races distinctes des Soundanais, Javanais et Madurais. Les Hindous, en s’etablissant dans les iles malaises, y inlroduisirent le premier developpement de leur civilisa- tion et de leur religion, brabmanique d’abord, bouddhisle ensuite. Ils enseignerent aux indigenes la culture du riz, dont les graines furent import6es par eux de I’Hindoustan, avec lequel ils restaient toujours en communication. Les Hindous qui retournaient dans leur patrie le firent pendant la mousson d’est, alors que les vents favorables conduisaient sans peine leurs bateaux vers les plages du pays natal. De I’autre c6t6, chaque mousson d’ouest apportait de nouveaux contingents de colonisaleursbindous, qui etaient toujours munis de nombre de choses utiles pour Tagricul- ture. On pent §tre presque certain que ce furent les Hindous qui inlroduisirent k Java I’arbre, ou au moins la graine de I’arbre connu sous le nom de « djati », qui est k peu pres de la m6me sorte que I’arbre de « teak », et dont les forfits knormes, probablement plant^es par eux, forment de nos QUEST DE JAVA. 9 jours line des plus riches possessions du gouvernement des Indes Nderlandaises. En outre ils introduisaient a Java la plante de coton et le buffle. 11s apprirent i la population I’emploi de la charrue et de la herse, la construction des terrasses et des conduiles d’eau pour la culture du riz, le fllage et le lissage des etoffes de coton, la manipulation des mdtaux, la fabrica- tion des armes, la taille des pierces de trachite et la fabri- cation des briques et de la polerie. C’esl sous leur direction que les indigenes construisaient des chemins et des vaisseaux avec lesquels ils coururent la mer. Java regut des Hindoos le jeu de la « wajang » et le « gamelan », institutions qui sont conservees encore de nos jours, qui forment la musique et le tli6iltre nationaux du pays, et qu’on a pu voir i Paris pendant I’exposition de 1889. En un mot, presque tons les Elements de I’art et de I’in- dustrie de Java sont d'origine hindoue. La langue des indi- genes fut enrichie par celle des Ilindous, Les caractferes de l’6criture javanaise furent empruntes ii I’alphabet des Ilindous, et la litterature javanaise est encore un echo de la po(5sie qui fut transplantee par les Hindous i Java. Mais, fait plus important, les Hindous introduisirent i Java I’institution des communes, qui forme encore de nos jours la base de la socidt6 r^gl^e; elle s’est maintenue intacte dans le cours des si5cles et le gouvernement n6er- landais la respecte comme une des bases de son autorit6. Les Ilindous fondferent dans I’archipel des royaumes ou les indigenes furent consider^s comme des esclaves. Peu a peu, en se mariant avec les femmes indigenes, ils s’assimi- Iferent le peuple. C’est pourquoi on ne pent plus retrouver h present dans 10 OUEST DE JAVA. les nations indigenes qui habitent I’ile de Java une trace des v6ritables anciens Hindous. Le peuple originaire a 6t6 civilis6 par eux et ils se sont perdus dans ce peuple. C’est surtout au centre et h Test de Java qn’on retrouve encore les preuves de la domination bindoue dans les ruines de ces temples magnifiqnes et splendides que sa civilisation avanc6e savait construire. A I’ouest on ne trouve que quelques monuments infe- rieurs de I’art bindou, et il semble ddmontre par toutes les investigations qu’on a faites a ce sujet que ces conlrees sont resides les plus en retard pour I’adoption d’une cer- taine civilisation. Les royaumes de Java fond^s par les Hindous dispa- rurent dans le cours des siecles et furent remplaces par d’autres, tout comme cbez nous. On se faisait la guerre pour avoir la supr^matie, mais dans ces dilferentes guerres la plus grande parliede I’ouest de Java restait toujours subordonnee aux seigneurs du centre et de Test, qui traitaient les populations monta- gnardes de ces conlrees comme leurs veritables vassales et esclaves. II est inl^ressantde constater que jusque dans nos jours les Soundanais considerent cbaqne individu de la race javanaise avec un certain respect, tandis que les Java- nais considerent toujours les Soundanais comme un peuple au-dessous d’eux. Cela prouve une fois de plus, si c’^tait encore necessaire, I’etat d’asservissement dans lequel les Javanais ont toujours tenu les Soundanais. G’6laitpour eux une nation taillable et corvdable ^ inerci, et ils en ont abusd. A present encore on pent reconnaitre ainsi la grande diffdrence entre un Javanais et un Soundanais; le premier, fier, se sentant un bomme en etat de defendre ses droits, et rdsolu i retenir sa place dans I’bistoiredn monde ; I’autre, soumis, acceptant toujours I’opinion des autres et tenant QUEST DE JAVA. 11 ses propres chefs en grand respect, mfeme s’ils abusent de leur pouvoir. Et lorsque les Hollandais, en devenant apres les Java- nais les maitres de I’ouest de Java, ont abus6 aussi de celte situation envers les Soundanais, c’est en grande partie parce qubls trouvaient le terrain prepare dans cette voie. Si nous avons de temps en temps relev6 les fautes com- mises par les Hollandais envers la race Soundanaise et sur ce qu’ils ont neglige de faire pour elle, c’est parce quenous nous souviendrons toujours que le patriotisme consiste i avouer ses fautes, afin de s’en corriger, et non pas i les cacher de fagon en prolonger les consequences. Mais, en nieme temps, nous esp^rons demonlrer ce que I’ouest de Java peut encore atteiidre d’un gouvernement hollandais qui sait reparer d’une main ferme les fautes du temps passd. C’est pendant la domination hindoue, que s’est forme le premier etat dont on retrouve les traces dans Thistoire soundanaise. .Mais, par le manque presque absolu de toutes sources certaines, on ne peut pas determiner dans quel temps ce royaume a existe. On sail seulement qu’il etait silue dans I’ouest de Java, et subordonne i celui du centre, pour domiiier le peuple montagnard, souche de la nation soundanaise. Ce royaume fut remplace par un autre, egalement bindou, connu sous le nom de royaume de « Padjadjaran. » De celui-ci, nous trouvons plus de traces. Les inscriptions sur pierre etsur cuivre qu’on a trouvees nous font connaitre le nom exact de ce royaume, et aussi I’emplacement desa capitate, qui se trouvait, selon quelques personnes, environ i la place actuelle de la ville de Bui- tenzorg, le «Bogor» des Soundanais et la residence du gou- verneur g^n^ral des Indes N6erlandaises. Une autre inscrip- tion trouv^e sur une pierre raconte les fails et gestes d’un 12 ODE ST DE JAVA. certain prince Parfeboe-Ratoe Poerana, dont on parle aussi dans les anciens 6critssoundanaiscommeleRadja-Poerana. On le nomme dans cette inscription le fondateur de Pakoewon et roi du royaume de Pakoewon-Padjadjaran. Selon ce que nous avons appris pendant notre s6jour dans les pays soundanais, ce ne serait pas iBuitenzorg que I’on devrait chercher I’ancienne capitaledu royaume de Padjad- jaran, mais plut6t Ik ou se trouvent k present les planta- tions de th6 de I’entreprise Parakansalak, dont une des divisions porte encore aujourd’hui le nom de Pakoewon et oil on pent reconnaitre assez aisement des fosses quise sue- cfedent les uns les autres avant d’arriver a un plateau qui fut probablement le centre de la residence royale, et qui ont tout k fait I’aspect d’avoir 6t6 creus6s par la main des hommes. En outre, cette place se trouvebeaucoup plus situ6edans le vrai pays soundanais que la ville de Buitenzorg. Quant k la date exacte de la fondation de ce royaume, on n’a pas pu la d6couvrir. On trouve une difference de quelques sikcles. La religion des Hindoos, telle qu’elle fut transplanlde et modiflee k Java, 6tait la glorification des forces dela nature. C’est pourquoi cette forme de religion ne pouvait pas influer encore favorablement sur les moeurs de la popu- lation javanaise. Quant a cela, il faut reconnaitre que I’introduction de I’islamisme par les Arabes, qui succedait au brabmanisme etaubouddhisme, ameliorabeaucoup la situation gkndrale et fit ressorlir de nouveau les bonnes qualilks de la race ma- laise. Et cene fut pas par la conqukte,comme les Hindoos, que les .krabes introduisirent leur religion dans I’ile de Java. Ce fut par le commerce. Jusqu’au vii® sikcle de notre ere, les Arabes n’avaient QUEST DE JAVA. 13 pas eu une influence importante en dehors de leur pays, nonobstant les grandes qualit6s dont la nature les avail dotdset la haute situation civilisee qu’ilsavaientatleintesous heaucoup de rapports. Ils ^taientdivises en de nomhreuses tribus, qui guer- royaient les unes contre les autres. Par la propagande dela religion juiveetdu christianisnie, ils furent m&16s dans des querelles de religion qui les affai- blissaient encore davantage. C’est au conamencement de ce vii® sibcle que parut chez eux un prophbteet conqu^rant qui inaugura une nou- velle religion compos6e des Elements des divers cultes de I’Arabie, et qui reunit sous une seule domination les tribus divis6es,en formant d’elles des soldatsirr6sistibles. Nous avons nomra6 Mahomet. Dbs ce moment les Arahes devenaient la premiere nation de I’Asie, et pendant un certain temps la premibre nation du monde. L’energie qu’ils avaient emprunt6e de Mahomet les fit devenir les premiers commergants de I’orient et fit naitre en eux le d^sir des expeditions et ddcouverles lointaines, qui se r^pandirent bienldt jusqu’aux mers de I’archipel malais. II semble qu’ils visitbrent tout d’abord les c6tes nord de I’ile de Sumatra; rnais dans les plus anciens bcrits arabes, en commengant par le journal de voyage de Soleiman, dalant de I’annbe 851 de notre bre, on retrouve chez tous les gbographes arabes la description de I’empire de « Zabedj », le grand royaume des Hindoos avec ses branches nomhreuses. Dans ce nom on a reconnu unanimement le nom de Jabadioe de Ptolembe. Les commergants arabes, qui visitbrent ces lies et y rbsi- dbrent parfois longtemps, ont probablement prbpare I’in- troduction de la nouvelle religion par la conversion des u QUEST DE JAVA. femmes indigenes qu’ils 4pousaient et des personnes qu’ils prenaient dans leur service ou avec lesquelles ils nouaient des relations commerciales. Et quand ils trouvaient le terrain favorable, ils essayaient des conversions sur une plus grande 6chelle. Le premier de ces essais dont la l^gende parle fut fait dans le royaume de Padjadjaran, k I’ouest de Java, par un Arabe nomm6 Hadji Poerwa. Get essai n’aboutit pas. On fut plus heureux dans Test de Java, ou un certain Maulana Malik Ibrahim fut, selon les plus anciens Merits, le premier qui y precha I’islamisme. On a retrouv6 sa tombe au cimetiere de la petite ville de Griss6e, pres la ville de Soerabaya. D’apres I’inscription de cetombeau, on voit qu’il mourut le 12rebioe’ 1 awal de I’ann^e 822 de la « Hedjra » ; cette dale correspond au 8 avril 1419 de noire chronologic. G’est depuis ce temps que des Arabes de distinction, en 6pousant les fllles ou parentes des seigneurs de I’est, parvin- rent k convertir kla nouvelle religion des royaumes entiers, qui ensuite faisaient la guerre aux royaumes non convertis. Et quoiqu’il s’^coula encore beaucoup d’annees avant que toute Pile de Java ne fut convertie, on peut dire que e’est de cette date que I’islamisme est devenu la nouvelle religion du peuple. Quoique I’influence des Arabes sur I’histoire de Java ait 6t6 tres grande, on ne peut pas dire qu’ils ont possedd I’archipel comme une colonie, les royaumes qui se succd- derent sous I’islamisme 6tant des Etats tout k fait indepen- dants. Dans I’ouest de Java, ce fut un chdik arabe, Noerroe’ddin Ibrahim ibn Maulana Israil, qui y introduisit I’islamisme, 11 obtint ensuite une grande reputation par la guerison d’une femme attaquee de la lepre et fut reconnu par les chefs indigenes comme leur seigneur. QUEST DE JAVA. 15 II s’^tablit i I’endroit ou se trouve i present la ville de Ch^ribon et en devint par consequent le fondateur, comme il fut le fondateur de la dynastie des sultans de Ch6ribon. C’est dans ces temps qu’on trouve pour la premifere fois les noms des regents de Galoe, de Soekapoera et de Lim- bangan, qui embrasserent la nouvelle religion et s’unirent a la dynastie de Ch^ribon. Encore i present la r^gence de Galoe forme une des divisions de la province de Ch^ribon, comme les rdgences de Soekapoera et de Limbangan forment deux des cinq divisions de la province du Pr6anger. Et c’est dans ce dernier pays surtout, qui est reconnu comme le berceau de la nation soundanaise dans I’ouest de Java, que le vrai type soundanais s’est conservd le mieux. La province actuelle de Bantam, dans I’extrfime ouest, n’a 6t6 qu’une colonie des Javanais de Test, ensuite un sultanat ind^pendant auquel les Hollandais mirent fin dans le commencement de notre siecle. La province actuelle de Batavia, quoique dans la region raontagneuse encore en partie peupl6epar des Soundanais, n’est plutbt qu’une colonie malaise, tandis que la province de Krawang dans le nord et I’ouest de Java, ne conserve plus dans la population le caractbre vraiment originaire des Soundanais, qu’on trouve encore a present dans la province montagneuse du Pr^ang^r. Ce sont done surtout les Soundanais de la province du Pr^ang^r et le pays splendide qu’ils habitent que nous avons k coeur de faire mieux connaitre. Apr6s les Arabes, ce furent les Portugais qui arriverent de I’occident comme troisieme nation preponderante dans I’orient et I’archipel Malais. Tandis que I’islamisme se d^veloppait dans I’orient, cette nation commengait k se preparer dans l’extr6me Occident i poursuivre aussi sur les mers et les cotes de I’orient le 16 QUEST DE JAVA. combat contre les adherents de celte m6rae religion, qu’elle avail combattue avec tant de succ^s et de gloire dans rii^misphfere septentrional. La jalousie de la grande ddcouverte de Colbrab, accom- plie an service de I’Espagne, la soif de Tor et des aven- tures se r6unirent avec I’emportement de la croyance pour diriger les vaillants enfants du Portugal vers I’orient. Vasco de Gama passa le 18 octobre 1497 le cap de Bonne-Esp6rance. Neuf anndes plus tard Alfonso d’Albuquerque conquit Goa dans I’Hindoustan et dirigeases vues vers I’archipel ma- lais, on le royaume de Malacca, grand et puissant par son commerce florissant, fut consid6r6 comme la clef des pays de I’extreme orient. Avant les Portugais il n’y avail que trbs peu d’Euro- p6ens qui s’^laient aventur^s dans ces parages. Des plus connus etaient Marco Polo, de Venise, vers l’ann6e 1290; le moine italien Fra Odorico d’Udine, vers 1318; le Venitien Nicolo de Conti, vers 1430, et Ludovico di Varlhema, de Bologne, vers 1505. De meme que dans I’ancienne histoire indigene de Java, qui est plus ou moins fantastique et comme envelopp6e de nuages, il est tres difficile de se former une id6e exacte de I’dtat des populations de Java d’apres les 6crits portugais, mais pour d’autres raisons. Partout on y trouve une tendance 4 exagdrer et 4 faire des rodomontades qui font une curieuse difference avec la sobribld des anciens rdcits de voyage hollandais. Mais en g6n6ral on ne pent pas dire que c’^tait expres qu’on forqait la v6rit6. Les Portugais ne connaissaient pas la langue des peoples au milieu desquels ils se trouvaient aux Indes. Ils n’avaient aucune idee de leur etat politique et social; de leurs moeurs ni de leur religion. On n’y trouve aucune trace d’une couleur vraiment locale, QUEST DE JAVA. 17 etils firent i chaque moment les plus grancies erreurs quant i ce qu’ils voyaient et entendaient. Mais ce qui dans leurs Merits estle comble de I’invraisem- blance, e’est leur mutilation des noms propres. Les Portugaisse distinguent par une oreille trfes peu sure pour I’inlerpr^tation des sons 6lrangers. C’est h quoi Ton doit probablement attribuer les muti- lations curieuses que des mots latins aussi bien que des mots arabes ont subies dans leur langue. Sans la connaissance des langues, ils ne reproduisirent les noms que dans la forme dans laquelle ils les entendaient, ct qu’ils rendaient selon leurs organes peu flexibles. Nous savons par les ecrits portugais que dans ces temps les royaumes de Java avaienl 6tabli leur puissance partout sur les lies de I’archipel, en y fondant des colonies, et en outre que la lutte de I’islamisme contre le siwaisme n’^tait pas encore tout i fait finie par la victoire de la .adigion arabe. Les Portugais furent les premiers Europ6ens qui nou^rent des relations avec I’ouest de Java. Effrayes par les combats continuels qu’ils durent soulenir dans Test de Pile contre les indigenes javanais, ils visitferent dans l’ann6e 1521 pour la premifere fois les ports de I'Ouest du pays de Soenda, dont les noms « Xacatara », « Tanga- ram j> el dans les deparlements de la France, sur lequel M. Waddington, ambassadeur de France en Angleterre, a public un article trSs intdressant dans le Nineteenth Century de juin 1888. Maisces « prestations en nature », qui exigent des indi- genes encore aujourd’hui un temps considerable de travail 28 ODEST DE JAVA. annuel, seront sans doule am61ior6es, aussil6l qu’on inlro- duira les « subventions industrielles » etles« gouvernemenls locaux )), qui permettront de prdlever des « centimes addi- tionnels », comme dans les ddpartements franQais. Aujourd’hui, c’est encore le gouvernement central de Batavia et de Buitenzorg, qui dirige tout dans les Indes, m6me les affaires les plus insigniflantes. Mais le d^veloppement constant du pays tend irresisti- blement, qu’on le veuille ou non, vers la decentralisation et ^introduction du sysieme des gouvernements locaux. Aussi loin qu’il pourra 6tre d6velopp6 avec succ^s, ce systeme tendra ielever le pays k la vie publique. II enlevera au gouvernement central les actes odieux d’interventions mesquincs et les petites lois impopulaires. 11 diminuera tons les sentiments d’anlagonisme entre le peuple et le gouvernement central et il donnera une connais- sance plus exacte des buts v6ritables de ce dernier. 11 popularisera les impots et ouvrira pour les indigenes aises des carri^res utiles, sinon 61ev6es. - 11 associera enfln les bommes 6minents aux grandes entreprises et ^ la stability des institutions dans lesquelles ils auront des lors un int^iAt personnel et preeminent. Et, s’il y a une contr6e aux Indes oil le gouvernement central aurait le plus de succes en faisant les premiers essais de I’introduction d’un gouvernement local, ce serait incon- testablement celte mfeme province des r4gences du Preanger, la patrie de la race soundanaise et le pays qui commence a se d6veloppersi admirablement par la seule introduction du cbemin de fer de I’Elat, qui le parcourt au centre dans toute sa longueur. , Et, quand la nation hollandaise commencera enfm k comprendre plus clairement la puissance des chemins de fer comme un instrument de prosperity nationale, — non comme une industrie qui se remunere elle-meme, mais comme un levier pour toutes les autres industries, — alors QUEST DE JAVA. 29 lamarche en avant deM’opinion publique sera de plus on plus acc616r6e pour la creation des milliers de kilorabtresde chemins de fer dont nos possessions ont besoin pour leur developpement progressif. La province des r6gences du Pr^angfer, qui forme la partie montagneuse de I’ouest de Java, est une des contrees des plus belles du monde. Elle rivalise, pour la beaul6 de sa nature, avec les pays les plus privil6gies de la terre. Elle peut etre compar^e i la Suisse pour la majest6 de sesmontagnes imposantes et enchev6lr6es; elle est I’^gale de la Scandinavie par la splendeur de ses forftts vierges et de ses cascades, et elle peut rivaliser avec I’ltalie pour le cbarme de ses po^tiques vall6es. Mais elle surpasse lous ces pays par la beaut6 terriflante de ses volcans, qui rappellenttoujours le memento mori. II n’est pas de pays au monde qui contienne sur une surface aussi restreinte que les r6gences du Pr^anger un plus grand nombre de volcans actifs, 6teints ou en mines, et dont ellestirent pour la plus grande partie leur extreme ferlilite. C’est pour cela que ce pays est plul6t un pays d’agri- culteurs. Le terrain}’ consistepresqueparlout en mati6res6ruptives, quoiqu’on y ait d6couverl aussi dans le cours de ce sibcle des gisements d’excellent charbon et quelques mineraux, commc le cuivre el le zinc. Quant au charbon, I’altention du capital et de I’energie europdenne commence i se tourner vers lui, et ce serait un nouveau levier pour le ddveloppeinenl de la prosperite des Soundanais, si les efforts qu’on fait pour Texploitalion de ces houilleres aboutissent i un resultat serieux. Tout ii I’heure, nous parlions des Portugais et de I’idde qu’on avail jadis que I’ouest de Java dlait une lie k part. 30 QUEST 1)E JAVA. Eh bien, i present, on a ddcouvert des gisements de charbon prfes de la bale de Plaboean, au nord-ouest dcs r6gences du Preanger. Ces gisemenls se trouvcnt sur une mfeme ligne que dcs gisements de charbon de la mfirae formation, qu’on a decouverts dans lesplaines de Soekaboemi, de Radjaman- dala et de Palimanan en Ch6ribon, prfes de la c6te septen- trionale de I’ile. Un ing^nieur des mines aux Indes N6erlandaises 6mettail done I’hypothfese que ces gisements ne formaient autrefois qu’un seul ensemble, et qu’on doit chercher id, entre la baiede Gh6ribon au nord et celle de Plaboean au sud, la v6ritable ligne oil I’ouest de Java 6tait s6par6 par la mer de I’autre partie de I’ile. Selon lui, les gisements de charbon ont 6te brisks dansle cours des sifecles par des soulevements de terrain, tandis que la mer a 6t6 repoussee par les duptions successives des volcans avoisinants, qui Pont combld par les matiferes ^ruptives qui forment k prdent la terre fertile de ces regions. (Pest une hypothfese qui peut ^tre contest^e, mais qui a n^anmoins beaucoup de vraisemblance. Une autre hypoth^se, 6mise par ce meme ing4nieur, se rapportait i la r^cente ddouverte de veines de cuivreet de zinc au sud de la ville de Soekaboemi. Jusqu’alors, on n’avait pas presume la presence de mdaux dans la province des r^gences du Prdanger. Les veines de cuivre et de zinc furent d6couvertes, il y a six ans, d’une manifere assez curieuse par des indigenes qui travaillaient ^ une conduite d’eau pour leurs riziferes. Les veines de ces m6taux furent mises k nu par le ddblayement, el on aurait fait certainement des recherches plus minutieuses pour une exploitation dentuelle, si la baisse du prix de cuivre n’avait pas d6courag6 les personnes qui s’y 6taient int^ressds. Get ing^nieur a aussi d6couvert autrefois ces memes mind- QUEST DE JAVA. 31 raux sur les pentes m6ridionales’de la montagne Sawal. dans la province de Ch^ribon, h la mSme latitude que les veines qui onl 6t6 d^couvertes au sud dela ville de Soekaboemi. II pari de li pour 6mettre I’hypothbse que toute la partie m6ridionale de la province des regences du Pr^angfer, qui se trouve h la latitude de 7® 15 au sud de l’6quateur, doit renfermer par ci et par li, partout des veines decuivre et de zinc, parce que selon sa supposition les deux places de d^couverte doivent se relier ensemble. Or, cette partie m6ridionale est encore i present peu prbs inconnue ^ cause de sa petite population et de son accbs difficile. Pour cela, nous avons la conviction bien fondle que cette partie mdridionale du pays soundanais donnera encore beaucoup de surprises au point de vue de la science g6olo- gique et des resul tats pratiques qui en decouleront, aussitbt que ratlention se porterasur cesconlrees pour les ouvrir i I’agriculture et a I’industrieparla construction d’un cheinin de fer. Tout h I’heure nous disions que les Soundanais dtaient en premier lieu des agriculteurs. Ce n’est pas notre but do parler i prdsent des grandes cultures pour le marche europeen, inaugur6es par le capital et I’^nergie de I’occident; ni de la culture encore toujours forc6e du caf^ier qui, nousl’esp6rons, sera bienlbt tout i fait volontaire; mais de fixer I’atlenlion sur une culture du people, qui possfede loutes les chances de de- venir, aussi bien que le riz, une des plus grandes industries du pays. Nous voulons dire la culture du coton, qui est connue i Java depuis Toccupalion des Hindous. Cette culture est Irfes aim6e par les Soundanais, mais jusqu’i present elle n’est pas du tout developp6e. Ils plantent ce qui est ndcessaire pour leurs propres 32 QUEST DE JAVA. besoins et ne pensentpas k planter le coton pour I’expor- talion, parcequeni le gouverneraent nile capital europ6en ne s’interessaient a cette culture pour l’61ever a la hauteur qu’elle inerite. A cet 6gard, les Hollandais pourraient prendre dans les Jndes anglaises une serieuse legon. Sans devenir planteur lui-mSme, le gouverneraent, dans ce pays classique des Hindous, a su d4velopper I’initiative de la population pour I’ancienne culture du coton pendant Ja guerre de S6cession des Etats-Unisde I’Am^rique. Ler6sultat oblenu i present est que les Indes Anglaises occupentavec le coton, aprfesles Etats-Unis, la place princi- pale sur le raarch6 du raonde, Ce fut sur la ferrae initiative des vice-rois, lord Mayo et lord Lylton, qu’on a obtenu ce r6sultat raagniflque pour •I’industriecotonniferedes Indes anglaises. Devant cet exeraple frappant, il y eut heureuseraent des Hollandais qui se dirent qu’il n’y a aucune raison pour que Java, et surtout la partie ra6ridionale de la province des rdgences du Pr6ang6r, ne put devenir un grand pays de production du coton. Parrai eux, il y eut un jeune horarae de nos amis, M. Hendrik Willink, dont le pfere et la faraille oni une situation iraportante dans I’industrie cotonniere de la Hol- .lande. Il rail toute son ambition k d^velopper la culture du coton chez les Souiidanais, afin d’en faire une importation ,sur les marchds europ6ens. En 6tudiantles conditions idenliques aux Indes anglaises, il voyait clairement la prosp6rit6 dont les Soundanais bdn^ficieraient de cette culture, aussitol que le capital europ^en aiderait i son d6veloppement. Ayant pris toutes les mesures n^cessaires, au moment de commencer son oeuvre, — il succombait, au mois de d6cembre 1890, il’age de vingt-trois ans, par la maladie la plus funesle des tropiques, la fifevre pernicieuse, la malaria. QUEST DE JAVA. 33 C’etait le plus jeune des fils de la famille, et le seul qui aitet6 aux Indes, et on craignait que cet essai ne fut plus poursuivi. Mais, Dieu merci, la perseverance hollandaise n’est pas encore morte aujourd’hui et cet essai sera poursuivi par d’autres Hollandais. Toute nation colonisatrice, de mSme que la France, — qui pleure i present la mort d’un de ses plus jeunes pionniers, M. Paul Crampel, — paye chaque ann6e I’ceuvre qu’elle se propose avec le sang de ses enfants. Mais il estsublime de voir qu’il y a toujours des nouveaux pour suivre le chemin trac6 par les os blancliissants de leurs prddecesseurs. Et, esp6rant toujours dans I’avenir, on pent alors se consoler de ces vies sacrifiees avec ces beaux vers de Victor Hugo: Souvenir ! present celeste, Ombre lies biens que I’on n’a plus, Est encore un plaisir qui nous reste Apres tous ceuv qii’on a perdus ! On a souvent 6mis des theories sur la race soundanaise, par lesquellcs on serait port6 i accepter, que ce fut une race qui n’avait pas grande valeur, et que c’6tait peine inutile de ticher de la developper. De toute I’dnergie dont nous sommes capable, nous protestons contre cette opinion. Cette race promet de jouer encore un r61e trbs important dans I’histoire de Java, aussitbt qu’elle pourra employer toute sa vigueur, tout son temps, it travailler i son d6velop- pement, gr^ce it la civilisation et aux connaissances euro- p6ennes. A ce propos, nous recommandons tout h fait les paroles suivantes d’un Hollandais du commencement de ce si^cle. Le comte Dirk de Hogendorp pr6disail comme un clair- 3 34 QUEST DE JAVA. voj^ant I’avenir dcs indigenes, aiissil6t qu’un gouvernement liberal s^rieux aurait d6chir6 d’une main ferrae les liens qui entravent leur ddveloppement nature!, et qui vivrait assez longtemps pour travailler h I’accomplissement de son oeuvre. Ses Merits furent d’ailleurs d^^laignes de ses contemporains born^s. II parlait ainsi ; « La religion dii Soundanais est en g^ndral le mahome- tisme, mais mel6 de beaucoup d’id(5es superstitieuses, ddrivdes de I’ancien paganisme. « Cependant, les Soundanais sontlrSs 61oign4sde ce fa- natisme qui distingue d’ordinaire les adherents de I’lslam. c( Ils sont d’une nature douce et traitable et quoiqu’ils n’oublient ni ne pardonnent bien vile une offense qu’on leur fait, ils auraient dte un peuple paisible et regulier sous des lois bonnes et un gouvernement raisonnablc. « II faul attribuer les assassinats et les m6faits, qui se font maintenant de temps en temps, plutol au systeme d4fectueux du gouvernement, qu’aux penchants mauvais du peuple. (( On pent dire de meme de la paresse et de I’indifference qui les distinguent. « Le paysan n’a pas de propridte fonciSre. « II n’est pas certain s’il pourra labourer l’ann6e suivante le mftme terrain. « II ne sail pas combien il devra donner de sa r6colte comme impot. « II ne sail qu’une chose avec s^curite, e’est qu’on ne lui laissera pas plus que ce qu’il n’est n^cessaire pour lui et les siens pour nourriture; et qu’il devra regarder cela encore comme un grand honheur extraordinaire. « Est-ce qu’on pent attendre alors que ce meme paysan se donnera la peine de tirer du sol tout le profit que sa fertility lui promet? « Et comment est-ce qu’en general une population pourrait QUEST DE JAVA. 35 appr6cier I’amelioralioii de sou sort, et travailler au deve- loppement de sa prosperite, si, quand elle aura acquis une petite piece de monnaie ou un joyau quelconque, elle n’est jamais assuree qu’on ne le lui redemandera pas, sans pouvoir trouver quelque part justice centre ses oppres- seurs ? « Mais assurez une fois aux indigenes la propri6t6 de la terre; la liberte de disposer de ses produils; la security de sa personne et de ses Liens, et une proportion fixe dans les impdts, et vous verrez qu’ils changerunt Lien vite leurs habitudes et qu’ils deviendront laborieux. a On a beau dire que, si on donne aux indigenes un tel gouvernement, ils deviendront plus 6clair6s et plus sages et, en sentant leurs forces, qu’ils nous chasseront. « Pour ma part, je ne comprends pas ce raisonnement. « Moi, je craindrais plutdt, quand on oppresseun people, qu’on court beaucoup de danger qu’il se fatiguera de I’op- pression et qu’il ebassera ses oppresseurs. « Mais quand on mec une fin i cette oppression, et que Ton donne aux indigenes un meilleur gouvernement, je suis convaiucu pour ma part qu’ils sont assez civilises pour le sentiret pour le compreudre, et pour reconnaitre, en mSme temps, qu’ils ne pouvaient jamais attendee cela de leurs propres princes et regents. « Ils bdniront la main qui leur donnera ce bienfait, et qui les relbvera de betes de somme, ce qu’ils sont maintenant, ii la dignite d’hommes ! » Ces mots fiirent Merits au commencement de ce sibcle. Cinquante ann^es plus tard on entendait de nouveau un jugement sur les Soundanais. Un ing6nieur, M. de Bruijn, qui fut plus tard directeur des travaux publics aux Indes, ecrivait, au commencement desmesures liberales et reformatrices que le gouvernement venait d’adopter, ces mots : 36 QUEST DE JAVA. ft Un Soundanais est un homme comme un autre, — un melange de vertus et de vices. « II aime ce qui lui est agr^able, il a une horreur de ce qui lui d^plait. « 11 aime i 6tre bien log6; pr6f(^re une bonne table, de bons babils; d6sire parer sa femme et ses enfants et aime lesf&tes, tout comme chez nous, mais k sa manibre, selon I’enlourage ou il se trouve; de sorle quetres souvent nous irouvons laid, dkgoutant, criard, ennuyeux, ce qu’il trouve beau, agr^able, job, amusant. ft II ne donne pas d’expansion k ses impressions ; mais c’est une grande erreur, donnant lieu k des jugements trks mal places, que d’en conclure, comme il arrive trks souvent, qu’il ne posskde pas ces impressions. ft II est tres attachk a son chez soi dans le voisinage des tombeaux de ses ancktres. ft II est trks hospitalier. ft II y a seulement une cause, qui pourra faire qu’il se rdvolte, c’est le fanatisme mahomktan. ft C’est la seule chose dont nous devons nous inquieter. ft Pour le resle, I’indigene est d’une nature douce et se contente de faire des commentaires au sujet de ses chefs ou des fonctionnaires europeens, qui lui font faire beaucoup de travail inutile sans payementaucun, ou centre un salaire minime. ft II a surtout un dkgout des travaux forces, que les indi- genes rachetent ou payent entre eux autant que possible, et selon la contr^e et les circonstances locales. ft II va sans dire que la somme assez considerable de cent francs en moyenne par an, qui est necessaire pour cela, est trouvke par eux par un travail quelconque, qu’ils prefkrent aux services forcks et oil ils ont aussi en vue leur propre avantage. ft C’est le cas de beaucoup d’indigenes, qiii doivent contri- buer a ces services farc6s et dont on ditalors qu’ils ne veulent QUEST DE JAVA. 37 travailler que par I’ordre de leurs chefs et que contraints et forces. « Voici ce qui en est de leur civilisation : « Le Soundanais parle tres bien la langue soundanaise correcte etle patois, c’est-i-dire deux langues qui different entre elles autant que les langues frangaise et hollandaise. « L’indigfene est toujours poll, ne jure jamais, se met rarement en colere, n’est jamais ivre et ne se bat pas. « 11 travaille tr5s habilement le bambou; fait du tronc, des fruits et des feuilles du cocotier une grande vari6t6 de choses utiles i son existence, et connait par coeur tons les noms et toutes les qualitds des animaux et des plantes de son sol. « 11 est trfes bon ouvrier. « 11 aime h. travailler avec ses outils et i sa maniere, ce qui est tres naturel. « Quandon le dirige dans cette voie avec tact et patience, on pent obtenir beaucoup de lui. « Quand on ne lefait pas, onvoit arriver le contraire, et c’est alors qu’on prdtend que I’indigfene ne veut travailler que contraintet forc6. « Les indigenes sont des observateurs excellents. « On est 6tonn6 de voir comment ils jugent si vite et si exactement les qualit6s des Europdens, avec lesquels ils sont en contact, et comment ils savent discuter entre eux leurs propres interfits, surtout au sujet de I’agriculture et des travaux forces. « Au-dessous de ce niveau de civilisation il n’y a rien; et au-dessus il n’y a pas grand’chose, grilce au manque d’edu- cation ! Heureusement, les Ilollandais ont commence, surtout dans les quinze derniferes ann^es, i s’imposer la ticbe d’ai- der de tout leur pouvoir au ddveloppement de I’education indigene comme i la base d’une civilisation bien fondle. 38 QUEST UE JAVA. La consliuclion des cliemins de fer et des grands Iravaux publics, aussi bien quele service topographique, ont form6 surlout de tres bons ouvriers, qui certainement semeronl parlout leurs connaissances acquises. On perQoit a pr6sent une tendance it d^velopper I’in- dustrie des arts et i clever par cela le sentiment des indi- genes vers les arts. Conduit dans ce chemin, I’art ancien des Hindous, qui sommeille toujours dans les indigenes, s’ajoutera sans doute h. ce qu’ils peuvent produire deja raaintenant, pour ouvrir ii I’industrie et aux arts indigenes un vaste champ de labo- rieuse activite, rivalisant avec les nations les plus civilis6es. Enfin, nous concluons en rappelant au souvenir ces paroles, pleines de signification, du c61ebre indologue hol- landais, M. le professeur Veth : « Un jugement general sur I’intelligence de la race sounda- naise devrait se baser sur une experience beaucoup plus considerable que celle que nous possedons dSs & present. (( Que croit-on que les anciens Grecs auraient bien pense des peuples etrangers, qu’ils designaient sous le nom de barbares, ou les Remains de nos ancSlres Germains? « Croit-on, en verit6, que jamais ils se les seraientrepr6- sentes comme leurs semblables quant i la disposition natu- relle et a I’intelligence? « Onl-ils jamais eu une vague idee de ce que leurs descen- dants deviendraient ? « Et en effet, ils ne furenl pas leurs semblables dans ces temps, et il fallut une p6riode de beaucoup de siecles pour les conduire i une telle eldvation. « L’ennoblissement d’une race d’bommes est un travail du temps. « II n’y a pas seulement I’education des individus, niais aussi celle des races entieres; car ce qui a et6fait pour etpar une generation, ne se perd pas tout i fait pour la suivante. « Ily abeaucoup d’beredite dans nos donset nos capacites, QUEST DE JAVA. 39 et quandles parents ont el6eleves a uneplus haute situation, les enfants naissent avec une predisposition qui leur permet de s’elever encore plus haut. « Et cela se transmet de generation en generation, si tou- tefois on a pris au commencement la bonne direction. « La science des temps modernes reconnalt memeravan- cement des animaux. « Est-ce qu’elle interdirait alors cette dispostion i une race d’hommes quelconque? « Si nous reconnaissons i present que la race soundanaise se trouve actuellement beaucoup en arriere de I’Europeen, il n’y a aucune raison de desesperer de son avenir. « L’histoire ne nous donne pas le droit de conclure, qu’il manquerait h une race d’homraes quelconque la disposition de s'eiever a une plus haute intelligence, « Quand on considere la question ice point devue,on se forme alors un lout autre jugemcnt des quelques traces dispersees d’une disposition et d’un developpement plus eieves. « On nelesreconnaitra passeulementcornmedesetincelles ephemeres, mais comme le crepuscule encore trSs faible, qui peut-etre sera suivi, dansl’avenir des si6cles, par un jour d’un 6clat que jusqu’i present on n’a passoupconne I I..-Imprimories reunics, B, rue Million, — M.\Y el .MotTEUOZ, dirccteur.'?. f • •: ,n Jt ^', ''*^'\V' **•% (■^Tll i St 'i^ -• - 4 :**k, . 1 *^, . . ' '* f - I. .IH -. %V , «•* * " .^* •-■|f^»'..’4 llU,!\"-^f’V >1 » ■ U, # i®o . f.*if-r u • *■#* I I ->A *^V ^^-rHi( i(_iij{ji •!! •*i.‘jr' Vi .. , • : *^^'^Nr"' ''? ‘ ,( ’rfi> ^ ' .•> (f./-^. , \i V'K< ■' ^.i .f'/v®|‘i4f' (iiif I'iS^ ] t. fc / < ^- - .M- IH ''5 'I • ^ •% _ ji" ' ''7r-7* :A' * I • ^ ,| 4 /« 'I'Mft * t. ^ ^ ^ « .- / I c f «JW*- •T .| < ' ' ' » ♦ ■fH. / f[ > ^*n' ■■ H It ^ '^f ' •^- r*' ^ * ^ “ 0 •5 ' :V 4 - 0i i 4 L.-Impritiieries r^unies, B, rue Mignnn, 2. — Mav et Motteroz, dircctenrs.