DC 280 2 ■ T4 Copy 1 POESIE Maine Eugenie de Montilo EX-IMPERATRICE DE FRANCE. VEUVE DE SA MAJESTE NAPOLEON III. (QUI KEGNA DE 1H52 A 1870) CYRILLE C. TI-IEARD. NOUVELLE-ORLEANS. Impriflaerie Philippe, 614-616, nu- Saint-] 1896. HoL. WITH COMPLIMENTS OF... w HOWARD f FISK FREE A CATALOG' MADAME EUGENIE DE MONTIJO, 1 ^ EX-IMPBRATRICE DE PRANCE, A PROPOS DE SON SEJOUR A PARIS EN JANVIER 1S9. ^ - V Quel spectacle attristant qu'un trone foudroye ! Que la grandeur qui tombe est digne de pitie ! L'Abbe Adrien Ronquette, de la Louisiana I. Puisque vous revenez, 6 sublime etrangere ! Puisque vous refoulez, touriste, passagere, Ces lieux, ce sol antique ou vous avez regne ; Et que le souvenir, de vous tout impregne, Redit les traits marquants que ce sejour evoque ; J sens mon cceur s'emplir de cette grande epoque, Ou florissaient la-bas, forts sous vos longs regards, L'Autel austere et pur et les brillants Beaux-Arts. L'Espagne est le berceau qui charma votre enfance. Vous aviez pour couler vos beaux jours d'innocence L'aspect de cette terre au fecondant soleil, Rivage hospitalier, au magique et doux ciel, Pays exuberant, ou la nature en seve Invite le passant a rever sur la greve ; Ou, gracieuse et belle autant que les houris, La fernme a des accents qu'elle n'eut pas appris : Voix argentine, emue, et qui captive Fame ; On la rencontre aussi dans l'ltalie en flamme ! Mais l'Eve a trop souvent, dans ces trop brulants lieux. La peau presque rletrie au contact de leurs feux. 1 - •- 59521 — 2 — Mais chez vous, pour graridir la grace Iberienne, Votre aieul Ecossais vous clota de la sienne : Teint de rose et d'albatre, yeux d'azur, cheveux d'or, Et tous les blonds attraits qu'ont les beautes du Nord, Vous les possediez, vous !. . . . Non, jamais la sagesse De Celui de qui viennent bonheur et richesse, Sur le front rayonnant d'un ange du Midi, N'avait a plus d'eclat, plus de grandeur uni ! Enfant, tout vous sourit au sein de l'opulence ; Puis vous vites Madrid, dans la magnificence De la Cour espagnole ou votre mere -sa^ait, Ou votre astre naissant deja se revelait. . . . II devait eclairer d'un jour incomparable Et Paris et le Monde, 6 princesse adorable ! Mais c'est ici surtout qu'il faut suivre vos pas. . . . Souveraine, salut : on s'incline bien bas !. . . . Princesse au cccur aimant, aux coutumes de France, Votre ame se preta sans effort, sans science, Et de l'esprit gaulois, primesautier, piquant, Le sel attique, en vous s'absorba plus brillant. . . . Oui, le nouveau Cesar, etincelant genie, Pour compagne de gloire attendait Eugenie ! Au trone imperial il manquait sa douceur, Sa haute piete, sa catholique ardeur. Pour ce peuple affole, leurs deux ames si grandes Venaient livrer a Dieu les plus nobles orfrandes ! . . . . Oui, vous sutes porter, Madame, le manteau, Magique vetement au prestige si beau, Dont les plis consacres couvrirent Josephine Et Louise d'Autriche en sa grace enfantine !. . . . Mais avant, quand Paris, dans l'admiration, En conseil assemble, tout d' acclamation, Votait des millions pour vos apprets de fete, Pour prix des diamants reves pour votre tete, Au jour trois fois heureux, ou, confondant vos mains, Monseigneur de Paris unit ses Souverains : Combien vous futes grande ! En leur munificence, lis vous laissaient le choix de vos bijoux cPurgence ! . . . O Sainte Charite, tu sais ce qu'elle fit : Pour tes enfants errants un asile s'ouvrit ; Retraite, ecole immense ou chaque pauvre mere Peut envoyer sa fille a la lecon severe. . . . Que de cceurs qu'eiit ravis la spoliation, Que de tresors gardes pour la Religion ; Que de vivantes fleurs a 1' ombre de ce cloitre, Pour les plages du Ciel, 6 Seigneur ! ont pu croitre !. . Lorsque leurs voix vers Vous, toutes pleines d'espoir, Montaient, encens du cceur, le matin et le soir, Oh ! n'est-ce pas, grand Dieu ! que, cl'un ceil tutelaire, De l'ange au front royal, qui sut si bien vous plaire, Vous paracheviez l'ceuvre, et, benissant ses jours, L'armiez du bouclier de la foi, pour toujours ! Semblable en sa douceur a Blanche de Castille. Elle adorait son peuple autant que sa famille ! . . . , Souveraine hero'ique, au milieu des fleaux, Des noirs pestiferes elle allegea les maux ! Eugenie, Eugenie, 6 la noblesse meme ! Quand de votre beau front tombait le diademe ; Quand votre auguste epoux, enferme dans Sedan, De ses derniers heros ne maitrisa l'elan Que dans l'espoir qu'un jour la plus heureuse France Saurait mieux employer tant d'amour, de vaillance ; Quand l'Empereur-Martyr — car on sait aujourd'hui, Que plus de verite sur cette epoque a lui, En dehors des soucis, de l'amere tristesse Dont s'abreuva son ame aux jours de la detresse (Jour ou Celui dont, seul, les droits sont souverains De la France brisait l'epee entre ses mains), Tout ce qu'il endura de physiques tortures, EtoufFant dans son cceur, gemissements, murmures — Quand l'Empereur-Martyr, etudiant son camp, Trente heures fatigua son coursier haletant ; Qu'en vain il medita, creusa sa forte tete, Appelant le moyen d'eviter la defaite, Jusqu'a ce que, vaincu, se soumettant a Dieu, II dit a la Fortune un long et triste adieu : Et quand la Capitale, insultant a l'histoire, Votait sa decheance au mepris de sa gloire ; Qu'elle oubliait l'eclat dont ce Napoleon, Son fetiche d'hier avait pare son nom. Le bruit de votre chute, en traversant le monde, Y devait imprimer line douleur profonde ! Oh ! qui done, comparant a toutes vos grandeurs, Votre exil, vos affronts^ n'eut pas verse des pleurs ! Mais vous aviez, du moins, alors une famille : Pres de vous, votre epoux, votre enfant; en Castille, Une mere aux cheveux tout blanchis a cherir. Deux des trois dans vos bras sont venus s'endormir ; Quant a l'autre, un heros rayonnant d'esperance, Votre fils jeune et beau, gloire, honneur de la France, Dans un coin de l'Afrique, un lieu presque inconnu, II a verse son sang cTEmpereur meconnu ! Mais, malgre vos malheurs, vivez, vivez, Madame, On a besoin de vous : Imperatrice ou femme, Qui vous remplacerait aupres des malheureux ? . . . . Les bons sont clairsemes en ces jours tenebreux. " Redde Cassari quas sunt Csesaris et quae sunt Dei Deo." — Evangile. II. Dans les fastes des temps, glorieuse epopee (Chevaleresque empire !) en trois jours emportee, Oui, je t'admire encor. . . .Peu partisan des rois, Trop souvent contempteurs des plus augustes lois, J'ai soufFert un instant, quoique loin de la France, Tout plein d'accablement aux jours de ta puissance ! Mais le choc dura peu : ce prestigieux nom M'eblouit et me charme. . . .O Dieu ! Napoleon !. . . . On a dit du premier, qu'en lui s'etait faite homme La Revolution ; et le dernier, en somme, Est bien aussi l'enfant, le superbe heritier Du verbe populaire en son essor altier. Le peuple, en renversant la vieille Monarchie, S'etait jusques au cou plonge dans l'anarchie : Les deux Napoleon, peuple autant que Marat, Mais geants et lui nain, ont jete leur eclat Pendant que sous leurs pieds s'elaborait dans l'ombre Le plan d'un univers ou l'iniquite sombre ; lis pouvaient, seuls, guider de leurs puissantes mains, Le chariot d'Etat vers nos grands lendemains ! — 6 — Les deux Napoleon ?. . . .Silence !. . . .a l'aureole Du vainqueur d'Austerlitz que ferait ma parole ? Heros-legislateur, architecte ideal D'un monde qu'il tenait sous son doigt triomphal, Ses lauriers verdiront au temple de Memoire Tant que l'humaine espece aura soif de la gloire. Mais l'autre est pres de nous : Nous avons assiste, Presque, a son Brumaire 2 sombre. . . .il m'en a coute Au souvenir brulant du sanglant Deux Decembre, De ne point accabler le vaincu de Septembre .... Non .... Revoyons en lui le fier liberateur Aux elans genials, aux reves de grandeur, Qui voulait l'unite, l'austere autonomie Des Nations vos sceurs, bravant la tyrannic C'est lui qui dans la Chine aux cruels errements A voulu qu'on portat vos emerveillements ; C'est lui, c'est l'Angleterre, alors son alliee, Qui sauverent Byzance, en tenailles liee ; Le colosse de l'JEst, la Russie aux abois Se rappela longtemps ses immortels exploits ; C'est lui que 1'Italie, — helas ! plus tard, ingrate ! A vu voler vers elle, et que son Autocrate, L'Autriche, a contemple vainqueur a Magenta ; Toujours ami du peuple, au Mexique il tenta D'ajouter un fleuron de gloire a votre France. . . . O Maximilien 3 Martyr ! de ta souffrance II n'avait pas prevu toute l'intensite : Ton trone renverse, Charlotte en liberte, Mais de maux si cruels, malheureuse heritiere ; Mais, desormais privee, 6 mon Dieu ! de lumiere, Des clartes de l'esprit : oui le noir peloton Dont les mousquets maudits te briserent le front, Tuait le meme jour la noble intelligence De Carlotta, ta femme, en contre-coup immense ! Mais je termine ici. Paix aux cendres du Mort, Paix au dernier Cesar ! . . . . Quand on pense a son sort, Au sto'icisme fier que son ame guerriere Garda pendant l'exil jusqu'a l'heure derniere, Aussi serein qu'au temps de son regne fameux, (Eh ! ne l'etait-il pas avant ces jours heureux ?) On se courbe, on se tait. . . .Fabuleuses carrieres Des deux Napoleon, vous etes les dernieres Dont les modernes temps garderont souvenir : A la democratic appartient l'avenir ! Cyrille C. Theard, Professeur aux Ecoles Publiques de la N-ouvelle- Orleans* NOTES. 1. — Napoleon III, nouvellement Empereur, epousa Mile Eugenie de Montijo, Comtesse de Teba, en Janvier 1853. 2. — Le COUP d'Etat (2 decembre 1851), par lequel le Prince-Presi- dent (plus tard Napoleon III) s'empara d'un pouvoir dictatorial, en pro- rogeant de dix ans, pour la forme, son mandat de premier magistrat de la Republique Frangaise, ne rappelle-t-il pas un peu, quoique sanguinaire, les preliminaires au premier Empire, par le Consulat (18 Brumaire 1799), de son oncle Napoleon Ier. 3. — Charles-Francois-Maximilien, Archiduc d'Autriche, devint Em- pereur du Mexique le 10 juillet 1863; fut fusille le 19 juin 18(57 dans son nouvel empire. Sa femme, Carlotta, princesse beige, retiree alors deja de ce pays, exista longtemps, privee de raison. ' §sl EN VENTE : Ch(3z HANSELL Bros, Rue du Canai. Wharton', Rue Carom TkuoE^u, 1224, Riie LIBRARY OF CONGRESS 019 650 397 3 m