^ ' v\ OUke ^Niv Ll ^^AR ERsiTy Th, CI '■in M °^<-tL<^?"-'o. ture LETTRES D'UNE PÉRUVIENNE. LETTERS O F A PERUVIAN PRINCESS. LETTRES ^r D'UNE PÉRUVIENNE, AUGMENTÉES ET SUIVIES DE CELLES D'AZA, TIRÉES d'un manuscrit ESPAGNOL, ET TRADUITES DE l'ANGLAIS, Par p. dur a ND. AVEC DE BELLES GRAVURES. TOME T. A PARIS, Chez Durand , libraire , rue de l'Hirondelle , n". 3o. I 80:2. Digitized by tine Internet Arciiive in 2010 witii funding from Duke University Libraries Iittp://www.arcliive.org/details/lettersofperuvia01graf (;!.„: f..,r I-'.' ',;:,„. ■/,. T. . ' :,/.,, :.. /■ ,■ <7// , w , vy, ./in.,/ .^„.- :>/< "/:./.;/,,,.. ,, /;.■„ .;,„/„ ,,.„/,..,. ,/ /'(/„/,■> LETTERS OF A PERUVIAN PRINCESS, TRANSLATED FROM THE FRENCH: WITH THE SEQUEL TAKEN FROM A SPANISH MANUSCRIPT. EMBELLISHED WITH SUPERB ENGRAVINGS, V o r, I. PARIS, Printed for Durand, Bookseller, n^ 3o; Swallow street. 1802, V I E DE MADAME DE GRAFIGNY. IVXabame de Grafigny naquit en Lorraine, le 12 décembre 16(^4 , et nu iirul à Paris , dans la soixante-qualrième année de son âge. — Son père, qni descendait de la maison d'fssembonrg eu Allemagne, passa les premières années de sa jçiniesse an service de la France. Il était aide-de-camp dn maréchal de Bouliers, au siège de INamnr. lonis XIY , en ré-« compense de ses services, le fil gentilhomme, comme il l'avait clé en Allemagne, et le conflima dans tous ses titres. Il s'attacha, dans la suite, à la cour de Xorraine. Sa fille épousa Francois Huguet de Grafigny , exempt dans les Gaidos-dn-Corps , et chambellan du duc de Xorraine. Elle eu! beaucoup ;\ soudVir de la part de son mari -,61 apiès plusieurs années de patience héroïque, elle s'en sépara judiciairement. Elle eut de lui plusieurs enfans , qui moururent tous avant leur père. Madame de Grafigny était d'iui caracLère grave; elle ne montrait pas en conversalion les lalens qu'elle avait recns de la nature. Un jugement solidt?, lui cœur tendre et bienveillant , un conduile an;il)le , uni- forme , ingénue , lui avaient concilié beaucoup d'amis mu LIFE ^y^CLSÈ OF MADAM DE GRAFIGNY. IVl ADA M DE Ghafigny was born in lorrain, dc'cember I3, i6(^5 , and died al Paris, in the sixly- foiulh year of her age. — Her faiher , who b_y des- cent was of the bouse of Issembiirg in Germ.iny, in his younger days , served in ihe French army. He was aid-de-camp lo marshal Bonders at the iiege of Karaur. Lewis XtA', in recompence for Iiis services, made him a gentleman of France, as he was belbre of Germany ; and confirmevi all fides. He afterwards altachcd himself to the court of Lorrain. His daughter was married lo Francis Hugiiet of Gra- fîgny , exempt of ihe body guards , and chamberlain to ihe duke of Lorrain. Much did she suffer from the Ireat- mentof herhusband : and after many years of heroic pa- tience , was juridically separated from him. She had some children by him, v.ho all died voiing , before iheir faiher. Madam Grafigny was of a grave disposition ; her conversation did not display those ta'ents which she had received from nature. A solid judgment , a heart iender and benevolent, and a behaviour affable, uni- form , and ingenuous, had gained her many friends. 6 VIE DE MADAME DE GRAFIGNY. Jon^-lems avanl qu'elle pût espérer d'avoir des admi- rateurs en littérature. Mademoiselle de Guise étant venue à Paris pour y épouser le duc deRichelieu, amenaavec elle madame de Grafigny; et sans cet incident elle n'aurait peut-cire jamais vu cette capitale ; au moins sa position ne lui permellait pas de l'espérer, et ni elle, ni aucun de ses amis d'alors , ne prévoyaient la réputation qui l'attendait. Plusieurs personnes d'esprit, réunies dans une société dont elle devint membre, la forcèrent de faire insérer quelques-unes de ses productions dans un recueil in-douze , qui parut en it^S. Le morceau qu'elle donna est le plus considérable de celte col- lection. Il a pour litie : Nouvelle Espagnole ; le mauvais exemple produit autant de vertus que de vices. On voit que le titre est une maxime , la Nou- velle en est pleine. Ce morceau ne fut pas goûté par quelques personnes de la société. Madame de Grafigny, piquée des plaisanteries de ces Messieurs sur sa Nou- velle Espagnole, composa, sans en rien dire, ses! Lettres dhwe Péruvienne , qui eurent le plus grand succès. Peu de tenis après, elle mit au théâtre Cénie , pièce en cinq actes et en prose, qui fut reçue avec un applaudissement qui a duré jusqu'à ce jour. C'est une des meilleures que nous ayons dans le genre senti- mental. La Fille d'Aristide , autre comédie en prose j LIFE OF MADAM DE GKAFIGNY. J a long lime before she had any prospect of haviug literary aclinirer?^. Mademoiselle de Guise coming to Paris fo celebrate her miplials with the duke de Richeheu , brought wilh^ her madam de Grafigny ; and, but for this incident, perhaps she would never have seen that city ; at least, her situation in life by no means gave her reason to think of it : neither had she, nor any of her friends, at that time , the least prospect of ihe reputation which attended her in that capital. Several persons of wit, who were united into a societv , of which she also became a member , insisted on her giving them some- thing for lheir/?ecHez7, which was printed in duodecimo, in the year 1745. The piece which she gave is ihe most considerable in that collection. It is called Nouvelle Es- pagnole ; le maui^ais exemple produit autant, de vertus ^«e (fe^^/ce.? (i). The title itself , we see , is a maxim, and the novel is fu|l of them. This little piece was not relished by some of the associates. Madam de Grafigny , picjued at the pleasantries of those gentlemen on her Spanish Novel , without saying any thing to the society , composed the Letters of a Penwian , which had the greatest success. A short time after she gave the French theatre, Ccnie , a piece of five acts, in prose , which was received with an applause that has continued to the pre- sent day. This play is one of the best we have of the sen- timental kind. La Fille d^ Aristide , another comedy in prose, had (r) A Spauish novel 5 bad example produces as many virtues as vices. , 8 VIE DE MADAME DE GRATIGNY. n'eut pas sur la scène le même succès que Ccnie ; elle parut après la mort de madame de Grafigny. On dit qu'elle en corri^^ea la dernière épreuve le jour même de sa mort. On assiue aussi que le mauvais ^uccès de cetle pièce sur le lliéalre , ne contribua pas peu à la maladie dont elle mourut. IVIadamede Grafigny «v.'iil pour sa rrpulalion celte louable sen.sibilité qui est là mère des talens ; elle avouait qu'une épigramme lui avait causé de grands chagrins. On Ire les deux pièces qui ont été imprimées, ma- dame de Grafigny a écrit un petit conte de fées en un acte , appelé Azor. Elle le fil jouer chez elle ; mais d'après l'avis de ses amis, elle ne le mit point au théûlre. jElle a aussi composé trois ou quatre pièces en un acte, qui fur?nt jouées à A ienne par les enfans de l'Em- pereur. Elles sont dans le genre simple et moral , eu égard au caractère des personnes qui devaient en faire leur profit. L'empereur et l'impéralrice reine de Bohême et de Hongrie ont honoré notre auteur d'une estime particulière , et lui ont fait plusieurs présens , aussi- bien que le prince Charles et la princesse Charlolle de Lorraine , avec qui elle eut le rare honneur d'en- iretenir une correspondance littéraire. Madame de Grafigny laissa sa bibliothèque à feu M. Guimont de la Touche, auteur d'Iphigénie en Tauride et de l'Epitre à l'Amitid. Il ne jouit de ce legs guère plus d'une année, car il mourut en 1760, au mois de lévrier. Elle laissa tous ses papiers à \n\ homme de lellres dont elle ékiit l'amie depuis plus ■LIT r. OF MADAM T) î S R A F I G N Y, ^ not, on representation, ihe same success with Ce'/ilt, It was published aller the death 'of madam Grafign} : it is said that the author corrected the last proof on iho very day of her death. It is also confidently reported , that the ill success of this piece on the stage, contributed cot a little to the disorder of which she died. Madam de Grafigny had that laudable regard for her reputation which is the parent of many talents : a censorious epi- gram had given her great chagrin ; and which she freely acknowledged. Besides these two printed dramas , madam de Gra- îîgny wrote a little fairy tale of one act, called Azor^ Vvhich was performed at her own apartments ; and which she was persuaded not to give to the comedians. She also composed three or four pieces of one act that were represented at Vienna , by the children of the Emperor. These are of ihe simple and moral kind , on account of the august characters who were to be instructed by them. The emperor and empress , queen of Hungary and Bohemia , honoured our author with a particular es- teem , and made ihcr frequent presents ; as did also their royal highnesses prince Charles , and the princess Char- lotte of Lorrain , wiih whom she had moreover (he dis- tingtiished honour of a literary correspondence. Madam de Grafigny left her books to the iafe M. Gu-^mont de la Touche, author of ihe modern tra- gedy of Tphigenia en Tauride , and of the Epislle to Friendship. He enjoyed this donation but little more than a year , for he died in the month offebruary 1760. 3he left all her papers to liae care of a aian of iellers ^ lO VIE DE MADAME DE C R / F I G N V. de Jreule ans, ovec la libellé d'en disposer coiunie il le jugerail à propos. , On peut juger du génie de Madame de Grafigny par ses écrits , et de sa moralité , par ses amis , qui tous étaient du plus grand mérite , et dont l'eslime est son plus bel éloge. Les marques dislinguées de soa caraclcre élaient une sensibilité el une boulé d'ame dont il est r.jre de Irouver des exemples. Toute sa vie ne fut qu'un acie de bienveillance. On n'en connaît que peu • de particularités , car elle ne parlait jamais d'elle , et ses actions étaient couverles du voile de la simplicité et de la modestie. Nous savons seulement , à n'en point douter, que sa vie ne fut qu'une suite de malheurs; et il est certain que c'est dans celte école qu'elle puisa, au moins en parlie , celte philosophie aimable et su- blime qui caractérise ses ouvrages, et qui les rendrci chers à, la postérité. LirS OF MADAM DE GRAFIGNY. IÎ who had been herfrieud for thiiiy years; with the hberiy ofdisposingoflhemin such manner as he thought proper. W^e may judge of the genius ofmadam de Grafigny by her writings ; and of her morals by her friends , for she had none but those of tlie greatest merit : and their esteem is her best eulogy. The distinguished marks of her character were a sensibility , and a goodness of heart , scarcely to be parallelled. Her whole life was one act of beneficence. V\ e know but few particular circumstances relating to it ; for she never spoke of herself, and her actions were covered with the veil of simplicity and modesty. We know in general , in- deed , that her life was a continued series of mis-?- fortunes; and, doubtless , it was from these that she drew , in part , that amiable and sublime philosophy of the heart, which characterises her works , and will inake them dear to posterity. AVERTISSEMENT. 1^1 la vérité perd orcliiiaireraent de son crédit aux yeux de la raison , lorsqu'elle s'éloigne de la probabilité, ce n'est que pour un tems; mais pour peu qu'elle se trouve en conlradic- tion avec le préjugé, elle trouve raiement grâce devant ce tribunal. Que n'a donc point à craindre l'Editeur de cet ouvrage , en présen- teint au public les lettres d'une jeune péruvienne dont îe style et les pensées sont si peu conformes avec les petites idées qu'un injuste préjugé nous a données de cette nation? Enrichis des précieuses dépouilles du Pérou , nous devrions , au moins , regarder les habitans de cette partie ADVERTISEMENT. X F triitli , when it strays from probability, usually loses ils credit in the eye of reason , it is for a short time only; but, let it contradict prejudice ever so little , and it will seldom find favour before that tri- bunal. What then ought not the editor of this work to fear , in presenting to the public the letters of a young Peruvian , whose slyle and thoughts so little agree with the mean idea which an unjust prejudice has cau- sed us to form of that nation ? Enriched by the precious spoils of Peru , whe ought , at least , to regard the inhabitants of that part ' Î4 AVERTISSEMENT. du monde comme un peuple magni-* fique; et le senliment de respect n'est pas très-éloigné de celui qu'inspire la magnificence. Mais nous sommes tou- jours si prévenus en notre faveur, que nous jugeons du mérite des autres na- tions , non-seulement d'après la res- semblance de leurs mœurs avec les nôtres , mais même d'après celle de leurs langues avec notre idiome. Com- ment peut-o a être Persan {i) ? On méprise les Indiens , et l'on ac- corde à peine une ame pensante à ces malheureux peuples. Cependant leur histoire abonde en monumens de la sagacité de leur esprit, et de la soli- dité de leur philosophie. L'apologiste (i) Le fraducicur pense que cetle phrase n'est qu'une critique tirée de quelqu'auteur français. Il y avait dans une ou deux de ces lettres quelques idées inarquées au même coin. Il les a laissé échapper, jugeant qu'uH Anglais ne pourrait les comprendre. ADVERTISEMENT. 1 5 of the world as a magnificent people ; and the sentiment of respect is not very remote from the idea of ma- gnificence. Bat so prejudiced are we always in our own favour ;, that we rate the merit of other nations not only in proportion as their man- ners imitate ours , but in pro- portion as their tongues approach nearer to our idiom. HoiP can anjj one be a Persian {i)? We despise the Indians, and hard- ly grant a thinking soul to those unhappy people : yet their history abounds with monuments of the sa- gacity of their minds , and the soli- dity of their philosophy. The apologist (l)The translator apprehends this sentence fo be a sati- rical repetition after some other French author. There were a lew stroke marked in the same mannei- in one or two ot'the letters, which he did not take notice of, as he sup- posed they would be unintelligible to the English reader. î6 A V E R T I s s E M E K T. de riiiimanité el de la belle nature (i) a tracé une esquisse des mœurs des Indiens dans un poëme dramatique où le sujet lui-même le dispute à la gloire de l'exécution. Avec autant de lumières sur les ca- ractères de ces peuples, il semble qu'il ne doit pas y avoir lieu de craindre que des lettres originales;, qui ne nous offrent que ce que nous savons déjà de l'esprit vif et naturel des Indiens , puisssent être regardées comme une fiction. Mais le préjugé n'est-il pas aveugle ? On doit redouter son juge- ment, et nous nous fussions bien gardés d'y soumettre cet ouvrage , si son ein- pire n'avait des bornes. Il paraît inu- tile d'observer que les premières lettres de Zilia ont été traduites par elle- même; et cette collection ayant été (i) M. de Yollaire. ADVERTISEMENT. 17 of humanitj , and of beautiful na- ture (i)^ has traced the out hnes of the Indian manners in a dramatic poem y the subject of which divides the glory with the execution. With so much light given us into the characlers of these people , there should seem no room to fear that original letters , vhich only exhibit what we already know of the lively and natural wit of the Indians , are in danger of passing for a fiction. But hath prejudice any ejes ? There is no security against its judgement, and we should have been careful not to submit this work to it ^ if its em- pire had been without bounds. It seems needless to give notice > that the first letters of Zilia were translated by herself : every one must easily (i) M. de Voltaire. Tome I, l8 AVERTISSEMENT. composée dans une langue et tracée d'une manière qui nous était in- connue, on se persuadera facilement qu'elle ne nous serait jamais parvenue, si la même main qui l'avait faite, ne l'eût écrite dans notre langue. Nous devons cette traduction aux loisirs de Zilia dans sa retraite : la complaisance qu'elle eut de les com- muniquer au chevalier Déterville , et la permission que celui-ci obtint enfin d'elle de les garder, furent les moyens qui les ont fait passer en Ire nos mains. Il est facile de voir , par la singu- larité du style , que nous avons été très-scrupuleux à ne rien ôter de cet esprit naturel qui règne dans cet ou- vrage. Nous nous sommes contentés de supprimer ( surtout dans les pre- mières let très) beaucoup d'expressions et de comparaisons orientales qui ont échappé à Zilia , quoiqu'elle ADVERTISE M ET^ T. 19 judge, that, being composed in a language, and traced in a manner equally unknown to us, this collec- tion could never have reached us, if the same hand had not written them over in our tongue. We owe this translation to Zilia's leisure in her retreat : her complai- sance in communicating them to the chevalier Déterville , and the per- mission he at last obtained to keep them, were the means that conveyed them into our hands. It will easily be seen , by tho peculiarity of style, that we have been scrupulously careful not to lake away any thing of the genuine spirit that reigns in this work. We have been content w^ith suppressing ( es- pecially in the first letters ) a great number of Oriental terms and comparisons , which escaped Zilia , B 2 20 AVERTISSEMENT. sût très-bien la langue française lors- qu'elle traduisit ces lettres : nous n'en avons laissé qu'autant qu'il en fallait pour faire voir la nécessité de re- trancher le reste. Nous avons cru aussi qu'il était possible de donner un tour plus intelligible à certains termes de métaphysique qui auraient pu paraître obscurs , ce que nous avons fait sans altérer la pensée (i). (l) A ce qui vient dèlre dit par l'éditeur , le traducteur croit devoir ajouler qu'il a rempli sa lâche avec un extrême plaisir, et qu'il croît n'avoir point fait tort à un ouvrage qui , selon lui ^ renférm(f de grandes beautés dans Toriginal. Le caractère des Péruviens , autant que nous les connaissons par l'histoire, ne peut être peint de couleurs plus fortes et plue naturelles que dans les lettres de Zilia , ainsi que ces exemples de bon sens , de vertu inflexible , de senljmens tendres et d'affections inaltérables qui s'y rencontrent ; et il est rare de voir les progrès de l'esprit humain tracés avec autant d'expression el d'une manière si correcte que dans ces lettres. Nous publions ici les lettres d'Aza, qui n'ont point «ucore paru. Cn voit, dans l'avcrlissement qui les ADVERTISEMENT. 21 tliougli she knew the French longue perfectly well when she translated them : we have only left so many of ihem as may shew the necessity of retrenching the rest. We thought it possible also to give a more intel- ligible turn to certain metaphysical strokes, which might have appeared obscure ; but this we have done without changing the thought itself (i ). (l) To "v^hat the eclilor has already said , the Irans- Jator begs leave to add, that, as he v\ent through his iask with peculiar pleasure , he hopes he has done justice to a \Tork "v\'hich appears to Kîm to have great beauty in the original. The Peruvian character . as far as "vre knoA^' it from history , joined to that of good sense, inflexible virtue, tender sentiments, and unchangeable affections , cannot be more strongly and naturally painted than in the letters of Zilia ; nor do V, e often see the progress of the human muid so correctly and expresssively dravs n as in these letters. To this edition are no'^.v fi.st added the letters of A^a 5 the advertisement prefixed to them shews by 22 AVERTISSEMENT. C'est la seule part que Féditeur ait eue dans ce singulier ouvrage. précède , comment elles nous sont parvenues. Il nous suffira dajouler que ces lettres compleltent l'histoire d'Aza et de Zilia ; et quant à la force , aux divers mouvemens de la passion qui les animent , quant à la délicatesse des sentimens qui y rognent, quant à la variété des incidens , aux réflexions judicieuses , à la dignité , à la justesse et à l'élégance des ex- pressions , nous osons affirmer qu'elles ne le cèdeni à aucune des lettres \gs plus admirées de Zilia. ADVERTISEMENT. 23 This is the only part that the editor has had in this singular work. •V^hat means they v. ere obtained. We shall only add here , that by these letters the history of Aza and Zilia is rendered complete. W e presume , moreover , that in the force and turns of passion , in delicacy of sentiment, in variety of incidents, in pertinent reflections , and in dignity , propriety , and elegance of expression , they ■v\iil not be ibuud in- ferior to the most admired among the letters of Zilia. INTROD U CTI ON HISTORIQUE AUX lette.es péruviennes. J. L n'y a point de peuple dont les connais* sances sur son origine et son antiquité soient aussi bornées que celles des Péruviens. Leurs annales renferment à peine quatre siècles. Maiicocapac , selon la tradition de ces peuples, fut leur législateur et leur premier Jnca. Le soleil , qu'ils appelaient leur père , et qu'ils regardaient comme leur dieu , touché de la barbarie dans laquelle ils vivaient depuis !ong-tems , leur envoya du ciel deux de ses enfans , un fils et une fille , pour leur donner des lois , et les engager , en formant des villes et en cultivant la terre , à devenir des hommes raisonnables. C'est donc à Majico- çapac j et à sa femme Coya-Mama-Oello' Jluaco y que les Péruviens doivent les principes; les mœurs et les arts qui eu •/- ^/*- AN HISTORICAL INTRODUCTION TO TH^ PERUVIAN LETTERS. JL HERE is no people the knowledge of whose origin and antiquities is more confined than that of the Peruvians. Their annals scarcely contain the history of four centuries. Mancocapac^ according to the tradition of these people , Avas their legislator and their first Inca. The sun , whom they call their father , and regard as a god , touched , they say 5 with that barbarity in which they had for a long time lived , sent ihem from heaven two of his children , a son and a daughter , who w^ere to give them laws , and to induce them, by cultivating the earth and raising of cities, to become rational beings. It was therefore to Mancocapac and to his wife Çoyçi - Mama - Hoello - Huaco , that the Peruvians owed those principles , those 20 INTRODUCTION IIISTORIQLE. avaient fait un peuple heureux , lorsque l'avarice , du sein d'un monde dont ils ne soupçonnaient pas même l'existence, jeta sur leurs terres, des tyrans dont la barbarie fit la honte de l'humanité et le crime de leur siècle. Les circonstances où se trouvaient les Pe'ruviens , lors de la descente des Espagnols, ne pouvaient être plus favorables à ces der- niers. On parlait depuis quelque tems d'un ancien oracle qui annonçait , qu'après un certain nombre de rois , il arrii^'crait dajis leur pays des hommes extraordinaires , tels qu'on n'en avait jamais vus, qui en^ valiiraient leur royaume, et détruiraient leur religion. Quoique l'astronomie fût une des prin- cipales connaissances des Péruviens , ils s'effrayaient des prodiges , ainsi que bien d'autres peuples. Trois cercles -qu'on avait apperçus autour de la lune , et surtout quelques comètes , avaient répandu la ter- reur parmi eux : une aigle poursuivie par d'autres oiseaux , la mer sortie de ses bornes, tout enfin rendait l'oracle aussi infaillible que funeste. Le fils aîné du septième des Incas , dont AN HISTORICAL INTRODUCTION. 27 manners and art.s, i-y w.uch they were made a happy people : before avarice , issuing from a world of whose existence they had no idea, brought tyrants to theirland,whose barbarity was a disgrace to human iia t ure , and the pecu- liar infamy of the age in w^hi( h they lived. The particular situatio 1 of the Peruvians at the time the Spaniards made their descent, was the most favourable to the latter that can. be conceived. There had been , for some time past, a report of an oracle which had decla- red , « That after a certain number of kings reigns , there should arrive in that country a wonderful sort of men , such as had never yet been seen , who should usurp their go- vernment, and destroy their religion ». Though astronomy was one of the chief sciences among the Peruvians, they were yet as much frighted by prodigies as other nations. Three circles that were seen round the moon 3 but especially certain comets which then appeared 3 an eagle pursued by other birds ; the sea that overflowed its bounds 3 all made the predictions of the oracle to appear as infailHble as they were fatal. The eldest son of the seventh Licas , whose 28 INTRODUCTION HISTORIQUE. le nom annoncciit dans la langue péruvienne la f.ifalité de son époque (i) , avait vu au- trefois une figure fort différente de celle des Péruviens. Uae barbe longue , une robe qui couvrait le spectre jusqu'aux pieds , un animal inconnu qu'il menait en lesse 3 tout cela avait effrayé le jeune prince , à qui le fantôme avait dit qu'il était fils du soleil , frère de Mancocapac , et qu'il s'appelait Viracocha. Cette fable ridicule s'était malheureuse- ment conservée parmi les Péruviens 3 et dès qu'ils virent les Espagnols avec de grandes barbes , les jambes couvertes , et montés sur des animaux dont ils n'avaient jamais connu l'espèce , ils crurent voir en eux les fils de ce Viracocha qui s'était dit fils du soleil; et c'est de là que l'usurpateur se fit donner, par les ambassadeurs qu'il leur envoya, le titre de descendant du dieu qu'ils adoraient. Tout fléchit devant eux : le peuple est partout le même. Les Espagnols furent reconnus pres- que généralement pour des dieux , dont on (i) Il s'appeloit Yahuarhuocac ; ce qui signifiai^ liUéraleraent Plenre-san^. AN HISTORICAL INTRODUCTION. 1C) nameCi),!!! I he Peruvian language, declared the fatalily of his speech , had formerly seen a figure quite different from that of the Peru- vians. A robe covered the spectre quite to the feet ; he had a long beard, and was seated oui an unknown animal jV^diich he governed. All this astonished the young prince , to whom the phantom declared that he Tvas descended from the sun, was the brother of Mancoca- pac , and that he was called Viracocha. This ridiculous story had been unluckily preserved among the Peruvians , and when they saw the Spaniards with long beards , their limbs covered , and mounted on animals they had never before seen , they took them, to be the children of Viracocha, who called liimself the offspring of the sun ; and from thence it came that the usurper assumed, by the ambassadors he sent among them , ths title of the descendant from the god they adored. All things bowed before the con- querors. Mankind are every were the same. The Spaniards were almost generally (i) Yahuarhuocac , which literally signifies, Bloody tears. .3o INTRODUCTION HISTORIQUE. ne parvint point à calmer les fureurs par les dons les plus considerables , et les hommages les plus humiliaus. Les Péruviens s'étant apperçus que les chevaux des JEspagnols mâchaient leurs freins , s'imaginèrent que ces monstres domptés , qui partageaient leur respect , et peut - être leur culte , se nourrissaient de métaux : ils allaient leur chercher tout l'or et l'argent qu'ils possédaient , et les entou- raient chaque jour de ces offrandes. On se borne à ce trait , pour peindre la crédulité des habitans du Pérou , et la facilité que trouvèrent les Espagnols à les réduire. Quelque hommage que les Péruviens eussent rendu à leurs tyrans , ils avaient trop laissé voir leurs immenses richesses pour obtenir des ménagemens de leur part. Un peuple entier , soumis et demandant grâce , fut passé au fil de l'épée. Tous les droits de l'humanité violés laissèrent les Espagnols les maîtres absolus des trésors d'une des plus belles parties du monde. « Mécaniques victoires ( s'écrie Montagne, en se rappelant le vil objet de ces conquêtes ) ! » Jamais l'ambition ( ajoute-t-il ) , jamais » les iniquités publiques ne poussèrent les AN HISTORtCAL INTRODUCTION. 3l acknowledged as a kind of godSjWhose wrath was not to be appeased by ihe most profuse offerings, nor the most abject humiliation. The Peruvians perceiving that the horses of the Spaniards champed their bits , ima- gined that those tractable monster , who partook of their respect , and perhaps their worship , w^ere nourished by that melal. They therefore daily brought a vast quantity of gold and silver and laid it before them, by way of oflering. We mention this circunis- tance merely to shew the credulity of the Peruvians, and the facility with which the Spaniards were enabled to subdue them. Whatever homage the Peruvians might render the ty rants» , they had displayed too much of their riches ever to have any sort of indulgence from them. A whole people, submissive and supplicating mercy , "were put to the sword. By the violation of every law of humanity , the Spaniards became absolute masters of all the treasures of one of the richest dominions of the earth. « Despica- > ble victories (exclaimed Montagne, on re- collecting the vile object of these conquests) ! > Never did ambition ( adds he ) , never 5> did public animosities urge mankind to 32 INTRODUCTION HISTORIQUE. 5> hommes les uns contre les autres à si horrî' » blés hostilités, ou calamités si misérables. » C'est ainsi que les Péruviens furent les tristes victimes d'un peuple avare , qui ne leur témoigna d'abord que de la bonne-foi, et même de l'amitié. L'ignorance de nos vices et la naïveté de leurs mœurs les je- tèrent dans les bras de leurs lâches ennemis. En vain des espaces infinis avaient séparé les villes du soleil de notre monde 3 elles en devinrent la proie et le domaine le plus précieux. Quel spectacle pour les Espagnols, que les jardins du temple du soleil, où les arbres , les fruits et les fleurs étaient d'or , travaillés avec un art inconnu en Europe ! Les murs du temple revêtais du même métal } un nombre infini de statues couvertes de pierres précieuses , et quantité d'autres l'ichesses inconnues jusqu'alors , éblouirent le conquérans de ce peuple infortuné. En donnant un libre cours à leurs cruautés, ils oublièrent que les Péruviens étaient des hommes. Une analyse aussi courte des mœurs de ces peuples malheureux , que celle qu'on vient de faire de leurs infortunes , terminera l'introduction qu'on a cru nécessaire aux lettres qui vont suivre. AN HISTORICAL INTRODUCTION. 33 » persecute each other with such horrible > hostilities, or such deplorable calamities ». Thus didthe Peruvians become the Woeful victims of an avaricious people, who at first gave no signs but those of peace and evea friendship. An ignorance of our vices , and the simplicity of their own manners , threw them into the arms of a base enemy. In vain had immense tracts of land and water separated the cities of the sun from our world , for they became our prey , and even the most precious part of our dominions. What a sight to the Spaniards were the gardens of the temple of fhe sun ! where the trees , fruits and flowers were of solid gold, and worked with an art unknown to Europeans. The walls of the tem- ple itself lined with the same metal : an infinite number of statues covered with precious sto- nes, and an immense quantity of other treasu- res , till then unknown , dazzled the conquerors ofthatunhappypeople,andmadethemf()rget, in the midst of ih cruelties , that the Peru- vians were men. An analysis of the manners of these unfortunate people , equally concise with that we have here given of their calami- ties , shall finish that introduction which was thought necessary to the subsequent lelteis. G 34 INTRODUCTION HISTORIQUE. f Ces peuples étaient , en général , francs et humains ; l'attachement qu'ils avaient pour leur religion , les rendait observateurs rigides des lois , qu'ils regardaient comme l'ouvrage de Mancocapac , fils du soleil qu'ils adoraient. Quoique cet astre fût le seul dieu auquel ils eussent érigé des temples, ils reconnaissviient , au-dessus de lui , un Dieu Créateur qu'ils appelaient Pacha- camac ; c'était pour eux le grand nom. Le mot de Pachacamac ne se prononçait que rarement , et avec des signes de l'ad- miration la plus grande. Ils avaient aussi beaucoup de vénéralion pour la lune, qu'ils traitaient de femme et de sœur du soleil. Ils la regardaient comme la mère de toutes choses ) mais ils croyaient , comme tous les Indiens , qu'elle causerait la destruction du monde , en se laissant tomoer sur la terre 'qu'elle anéantirait par sa chute. Le tonnerre, qu'ils appelaient It^alpor, les éclairs et la foudre passaient parmi eux pour les mi- nistres de la justice du soleil 5 et cette idée ne contribua pas peu au saint respect que leur inspirèrent !es premiers Espagnols , dont ils prirent les armes à feu pour des inslru- mens du tonnerre. AN HISTORICAL INTRODUCTION. 35 Tlie Peruvians were in general of an inge- nuous and humane disposition ; the attach- ment which fhey had to their reHgion , made them rigid observers of the laws , fur they re- garded them as the work of Mancocapac , the sun of that luminary which they adored. Though the sun was the only god to whom, they erected temples, yet they acknov\7|edged, as superior to him , a God the Creator, whom they called Pachacauiac ; and this was witk them the supreme appellation , was rarely pronounced, and always accompanied ^vitli signs of the most awFul admiration. They had moreover a great veneration for the moon , which they regarded as the wife and sister of the sun. They considered her also as the mother of all things ; but they believed, as do ail the Indians , that she v> ould cause the dissolution of the world , by falling upoa the earth , and thereby destroying it. The thunder, which they called Yalpor, and the lightning, passed among them as ministers of justice to ilie sun y and this idea contributed not a little to inspire them with that a\vful res- pect they had for the first Spaniards whose fire arms they look to be the inslrumenls of thunder. e 3 36 INTRODUCTION HISTORIQUE. L'opinion de l'immortalifé de Tame était établie chez les Péruviens j ils croyaient , comme la plus grande partie des Indiens, cjue l'âme allait dans des lieux inconnus , pour y être récompensée ou punie selon son mérite. L'or , et tout ce qu'ils avaient de plus précieux , composaient les offrandes qu'ils faisaient au soleil. Le Raymi était la prin- cipale fête de ce dieu , auquel on présentait., dans une coupe , du maïs , espèce de liqueur forte que les Péruviens savaient extraire d'une de leurs plantes , et dont ils buvaient jusqu'à l'ivresse , après les sacrifices. Il y avait cent portes dans le Temple superbe du Soleil. L'Tnca régnant , qu'on appelait Capa Inca , avait seul droit de les faire ouvrir ; c'était à lui seul aussi qu'appartenait le droit de pénétrer dans l'intérieur de ce temple. Les vierges consacrées au Soleil y étaient élevées presqu'en naissant, el y gar- daient une perpétuelle virginité , sous la conduite de leurs mamas ou gouvernantes , à moins que les lois ne les destinassent à épouser des Incas , qui devaient toujours s'unir à leurs sœurs , ou, à leur défaut, à la première princesse du sang j qui était vierge AN HISTORICAL INTRODUCTION. Zj The opinion of the immortality of the soul was estabHshed among the Peruvians. They supposed , as do the greatest part of the Indians , that the soul went into some unknown region ', w^here it was rewarded or punished according to its merit. Gold, and all that was the most precious among them , composed the offerings which ihey made to the sun. The Raymi was the principal feast of tha t god , to whom they pre- sented a cup QÏmays , a kind of strong liquor, , which they were skilful in extracting from one of their plants, and of which they drank even to intoxication after their sacrifices. To the Temple of the Sun there were an hundred doors. The reigning Inca, whom they called Capalnca, had the sole right of opening these doors : and also to him alone belonged the right of penetrating into the interior parts of the temple. The virgins , who were devoted to the Sun , w^re there educated , almost from their birth 3 and they there preserved a perpe- tual virginity, under the conduct of their ma- mas, or governors 3 unless when the law had ordainedany of themto espouse thelnca, who wsis always to marry his sister , or when he bad 110 sister, the first princess of the blood , 38 INTRODUCTION HISTORIQUE. du Stilfil. Une des principales occupations de ces Tierges était de travailler aux dia- dèmes des Jncas , dont une espèce de frange faisait toute la richesse. Le Temple était orné des différentes idoles des peuples qu'avaient soumis les Incas, après leur avoir fait accepter le culte du soleil. La richesse des métaux et des pierres précieuses dont il étail^embelli , le rendait d'une magni-» ficence et d'un éclat digne du dieu qu'on y servait. L'obéissance et le respect des Péru^- viens pour leurs rois , étaient fondés sur l'opinion qu'ils avaient que le soleil était le père de ces rois ; mais l'attachement et l'amour qu'ils avaient pour eux , étaient le fruit de leurs propres vertus et de l'équité des Incas. On élevait la jeunesse avec tous les soins qu'exigeait l'heureuse simplicité de leur morale. La subordination n'effrayait point les esprits , parce qu'on en montrait la nécessité de très-bonne heure , et que la tyrannîe et l'orgueil n'y avaient aucune part. Ea^modestie et les égards mutuels étaient ;!'ies premiers fondemens de l'édu- c ,tion des enfans; attentifs à corriger leurs premiers défauts , ceux qui étaient chargés de les instruire arrêtaient les progrès d'une f AN HISTORICAL INTRODUCTION. oij who was a virgin of theSun. Oneof ihe prin- cipal occupations of these virii,nis was lc> pre- pare the diadems tor ihel ncas, of wiiich a sort of fringe composed the only oruamenl. This temple was decorated with ihe different idols of nalions who had siibmilled to thelncas, after they had been made to embrace the vs'^orship of the sun. The richness of the metals, and of the precious stones with which it was embeUished , gave it a magnificence and splen- dour worthy of that divinity to whom it was consecrated. The obedience and reverence of the Peruvians for their king , was founded on the belief that the sun was the father of their monarchs3 but their fidelity and affection for them^vas the fruit of the virtue and equitable government of the Incas themselves. The youths of the country were educated with all that care which the happy simplicity of their morals inspired. Subordination was there sub- mitted to with alacrity , because they were early accustomed to it, and tyranny, and pride had there no place. Modesty and mutual affection ^vere the first principles of their edu- cation. Careful to correct each error in its in- fancy , they who had the charge of their youth , either suppressed a rising passion, or 40 INTRODUCTION HISTORIQUE. passion naissante , ou les faisaient tourner au bien de la société. Il est des vertus qui en supposent beaucoup d'autres. Pour donner une idée de celles des Péruviens , il suffit de dire qu'avant la descente des Espagnols , il passait pour constant qu'un Péruvien n'avait jamais menti. Les Amautas, philosophes de cette nation, enseignaient à la jeunesse les découvertes qu'on avait failes dans les sciences. La nation était encore dans l'enfance à cet égard ; mais elle était dans la force de son bonheur. Les Péruviens avaient moins de lumières , moins de connaissances , moins d'arts que nous ; et cependant ils en avaient assez pour ne manquer d'aucune chose né- cessaire. Les quapas , ou les qiiipos (i) leur tenaient lieu de notre art d'écrire. Des cordons de coton ou de boyau , auxquels d'autres cordons de différentes couleurs étaient attachés, leur rappelaient, par des nœuds placés de distance en distance, les choses dont ils voulaient se ressouvenir. (i) Tes quipos du Pérou élaîent aussi en usage parnai plusieup peuples de l'Amérique méridionale. AN HISTORICAL INTRODUCTION. 4I turned it lo the advantage of society. There are some virtues which necessarily inckide many others. To give an idea of those of the Peruvians , it is sufficient to say , that before the descent of the Spaniards , it passes for an indisputable fact, that no Peruvian was ever known to utter a falsity. The Amiitas , or philosophers of that nation , taught their youths the discoveries they had made in the sciences. The Peru- vians were yet in the infancy of that sort of knowledge : they were however in the full vigour of happiness. This people had less information , less knowledge , fewer arts than we have, and yet they had sufficient to provide them with every necessary of life. The quapas or quipos (i) serving them instead of our writing. Strings of cotton or of guts , with which other strings of different colours were united, reminded them, by means of knots placed at cer- tain distances , of things they desired to remember. By the help of these , they (i)The quipos ofPeru vrere also in use with many other nalions of South America. 42 INTRODUCTION HISTORIQUE. lis leur servaient d'aimales , de codes , de rituels , etc. Us avaient des officiers publics , appelés Qidpocnmaîos , à la garde desquels les quipos étaient confiés. Les finances , les comptes , les tribus , toutes les affaires , toutes les combinaisons étaient aussi aisé- ment traités avec les quipos, qu'ils auraient pu l'être par l'usage de l'écrilure. Le sage législateur du Pérou , Mancocapac , avait rendu sacrée la culture des terres 3 elle s'y faisait en commun ) et les jours de ce travail étaient des jours de réjouissance. Des canaux d'une étendue prodigieuse distribuaient par- tout la fraîcheur et la fertilité. Mais ce qui peut à peine se concevoir , c'est que , sans aucun instrument de fer ni d'acier , et à force de bras seulement , les Péruviens avaient pu renverser les rochers , traverser les montagnes les plus hautes pour conduire leurs superbes aqueducs , et les routes qu'ils pratiquaient dans tout leur pays. On savait au Pérou autant de géométrie qu'il en fallait pour la mesure et le partage des terres. La médecine y était une science ignorée, quoi-» qu'on y eût l'usage de quelques secrets pour certains accidents particuliers. Garcilasso AN HISTORICAL INTRODUCTION. 4') preserved their annals , their codes , their rituals , elc. They had also public offirers whom they called Qulpocamalos , lo the care of whom their quipos were committed. The finances, the di^mrsements , the tributes , all matters , all combinations , w^ere as easily cegul iled by quipos , as they could have been by writing. The sage legislator of Peru , Man- cocapac , had instituted the culture of the earth as a sacred rigth ; they enjoyed their lands in common , and the days of their labour were the days of festivity. Canals of a prodigious extent, distributed every where refreshment and fertility ; and what is scarce credible , -svithout any instrument of iron or steel , but by the mere force of labour , these people were able to overthrow rocks, and cut through the highest moun- tains , in order to carry their stupendous aqueducts , or their public roads , through every part of their dominions. The Peru- vians knew as much of geometry as was necessary to measure and divide their lands. Physic was there unknown as a science, though they had some medical sec rets which were practised on particular occasions. 44 INTRODUCTION H IS Tt)llIQ UE. dit qu'ils avaient une sorte de musique , et même quel(jue genre de poésie. Leurs poètes , qu'ils appelaient Hasavec , composaient des espèces de tragédies et des comédies , que les fils des caciques (i) ou des curacas (2) représentaient , pendant les fêtes , devant les Incas et toute la cour. La morale et la science des lois utiles au bien de la société , étaient donc les seules choses que les Péruviens eussent appris avec quelque succès. « Il faut avouer , dit un historien (3) , qu'ils ont fait de si grandes choses , et établi une si bonne police j qu'il se trouvera peu de nations qui puissent se vanter de l'avoir emporté sur eux en ce point. » (i) Caciques, espèces de gouverneurs de province. (2) Souverains d'une petite contrée ; ils ne se pre'sen- taient jamais devant les Tncas et les reines , sans leur offrir un tribut des curiosités que produisait la provinos où ils commandaient. ( 3 ) Puffendorf , Iiitrod. à VHist. AN HISTORICAL INTRODUCTION. 46 Garcilasso reports', that they had a sort of music, and even some kinds of poetry. Their poets , whom they called Hasavec ^ compo- sed a species of tragedy and comedy, which the sons of the caciques (i), or the curac- cas (2) represented , during their festival times before the Incas and the court. Morality, and the knowledge of the laws necessary to the welfare of society , were therefore the only sciences in wich the Peruvians appear to have been well skilled. « Itmustbe allowed, says an historian (3) , that they have made such great advances in the science of policy, and have established so solid an œconomy, that there will be found but few nations who can boast of having excelled them in these matters ». (i) The caciques v; ere a sort org')vernors of provinces. (2) Sovereigns of a small It^rritory. Tliese never appea- red before the incas and the queens, without offering them a tribute of the curiosities which the province Vthere they commanded produced. (3 ) Puflendorf , IntrodiicHoii to History, LETTRES D'UNE PÉRUVIENNE. LETTRE I. A AzA : BéciJ de son enlèvement du Temple du Soleil , par les Espagnols. XTl z a ! mon clier Aza ! les cris de ta tendre Zilia, tels qu'une vapeur du malin, s'exhalent et sont dissipés avant d'arriver jusqu'à toi j en vain je t'appelle à mon secours 3 en vain j'attends que tu viennes briser les chaînes de mon esclavage : hélas! peut-être les malheurs que j'ignore, sont-ils les plus affreux! peut- être tes maux surpassent-ils les miens ! T.a ville du Soleil , livrée à la fureur d'une nation barbare , devrait faire couler mes larmes; et ma douleur, mes craintes ; mon désespoir , ne sont que pour toi. L E T 1' E R s O F A PERUVIAN PRINCESS. LETTER I. To AzA : account of her being taken out of ihe Temple of the Sun by the Spaniards. .A. ZA ! my dear Aza! the cries of thy tender Ziha, hke a morning vapour , exhale and are dissipated before they arrive in ihy presence : in vain I call thee to my succour^ in vainlex- pect thy love to come, and break the chains of my slavery ; alas! perhaps the misfortunes I am yet ignorant of are the most terrible! perhaps, thy woes surpass even mine I The city of the Sun , delivered to the fury of a barbarous nation , should make mv eves overflow with tears \ but my grief, my fears, my despair, are for thee alone. 48 LETTRES d'une PERUVrENNE. Qu'as-tu fait dans ce tumulte affreux , chère âme de ma vie ? Ton courage a-t-il été funeste ou inulile? Cruelle alternative! mortelle inquiétude ! ô mon cher Aza ! que tes jours soient sauvés, et que je succombe, s'il le faut , sous les maux qui m'accablent. Depuis ce moment terrible ( qui aurait dû être arraché de la chaîne du tems , et re- plongé dans les idées éternelles ) , depuis le moment d'horreur où ces sauvages impies m'ont enlevée au culte du Soleil , à moi- même , à ton amour -, retenue dans une étroite captivité , privée de toute commu- nication avec nos citoyens , ignorant la langue de ces hommes féroces dont je porte les fers , je n'éprouve que les effets du malheur , sans pouvoir en découvrir la cause. Plongée dans un abîme d'obscurité, nies jours sont semblables aux nuits les plus effrayantes. Loin d'être touchés de mes plaintes, mes ravisseurs ne le sont pas même de mes larmes 3 sourds à mon langage, ils n'entendent pas mieux les cris de mon dé- sespoir. Quel est le peuple assez féroce pour n'être point ému aux signes de la douleur? Quel désert aride a vu naître des humains insensibles à la voix de la nature gémissante ? LETTERS OF A PERUVIAN. 49 Dear soul of my life, what wert thou doing in that frightful (umult ! Was thy courage fatal or useless to thee*? Cruel alter- native ! distracting anxiety! O my dear Azaî mayest thou yet live in safely, and may I sink , if it be needful , under the ills that op- press me. Since the terrible moment ( which should have been snatched out of the chain of time, and replunged into the eternal ideas) ^ since the moment of horror \vherein these ini pious saVages bore me away from the worship of the sun , from myself, from my love; retained in close captivity, deprived of all communication, ignorant of the language of these fierce men ; I experience only the effects of misfortune , without being able to discover the cause of it. Plunged in an abyss of obscurity , my days résemble the most dreadful nights. Far from being affec- ted with my complaints , my ravishers are not touched even with my tears ; e(]ually deaf to my language and to the cries of my despair. What peopl are there so savage, as to be unmoved at the signs of anguish ? W^hat dreary desart could produce human beings insensible to the voice of groaning Nature ? O the barbarians , savage masters of the Tome I. D / So LETTRES d'lNE PERUVIENNE. Les barbares ! Maîtres du F'aJpor (i) , fiers de la puissance d'exterminer, la cruauté est le seul guide de leurs actions. Aza! comment échapperas-tu à leur fureur ? Où es-tu ? Que fais-tu? Si ma vie t'est chère , instruis - moi de ta destinée. Hélas ! que la mienne est changée ! com- ment se peut-il que des jours si semblables çntr'eiïx , aient , par rapport à nous , de si funestes différences ? Le tems s'écoule ', les ténèbres succèdent à la lumière ; aucun dé- rangement ne s'apperçoit dans la nature | et moi , du suprême bonheur, je suis tombée dans l'horreur du désespoir , sans qu'aucun intervalle m'ait préparée à cet affreux pas^ sage. Tu le sais , ô délices de mon cœur î ce jour horrible , ce jour à jamais épouvantable devait éclairer le triomphe de notre union,i A peine commenea-itrii à paraître , qu'im- patiente d'exéculer un [Drojet que ma ten- dresse m'avait inspir^^ pendant la nuit , je courus à meSi Qaipos (i); et, profitant du (1) Nom du tonnerre. (2) Un gtand nombre de pelils cordons de difFe- rentes couleurs, dont les' Indiens se servaient, au défaut de l'^riturG, pour -faire le paiement des LETTERS OF A PERUVIAN. Si thunder ( I ), and of the power tt^exterminate^ cruehy is the sole guide of their actions. Aza , how wilt thou escape their fury ? Where art thou ? In w^hat situation ? If my life is dear to thee , inform me of thy destiny. Alas ! how is mine changed. Whence can it be , that days , in themselves so like one another, should , with respect to me, have such fatal differences? Time rolls on , dark- ness succeeds light , nothing in nature ap- pears out of order; but I, of late supremely happy , lo I am fallen into the horror of despair! nor was there an interval to prepare me for this fearful cha-nge. Thou knowest^ O delight of my heart, that on that terrible day , that day for ever dreadful , the triumpli of our union was to have shone forth. Scarce •did it begin to appear, when impatient to execute a project which mfy tenderness had inspired me with in the night , I ran to my Quipos (2) , and , taking advantage of the (i) Alluding to Ihe cannon. (2) A fjreat number ol" strings of difTerent colours , v^ hich the Indians use for ■v\'ant ofv^'riting, in accoun- ting ihe pay of (heir troops and tiie number of their D 2 52 ' LETTRES D'UNE PÉRUVIENNE. silence qui régnait encore dans le Temple," je me bâtai de les nouer , dans l'espérance qu'avec leur secours , je rendrais immortelle l'histoire de notre amour et de notre bonheur. A mesure que je travaillais, l'entreprise me paraissait moins difficile : de moment ea moment, cet amas innombrable de cordons devenait sous mes doigts une peinture fidelle de nos actions et de nos sentimens , comme il était autrefois l'interprète de nos pensées, pendant les longs intervalles que nous pas- sions sans nous voir. Toute entière à mon occupation , j'oubliais le tems, lorsqu'un bruit confus réveilla mes esprits , et fit tressaillir mon cœur. Je crus que le m.ament heureux était ar- rivé, et que les cent portes (i) s'ouvraient pour laisser un libre passage au soleil de mes jours ; je cachai précipitamment mes ■Quipos sous un pan de ma robe , et je Iroupes et le dénombrement du peuple. Quelques auteurs prétendent qu'ils sea servaient' aussi pour transmettre à la postérité les actions mémorables de leurs Incas. , , , (i) Dans le Temple du Soleil , il y avait cent portes; •.JTnca seul avait le pouvoir de les faire ouvrir. LETTET^S OF A PERUVIAN. 53 silence which then reigned in the Temple, hastened to knot them, in hopes that by their assistance I might render immortal the his- tory of our love and our felicity. As I proceeded in my work , the undertaking appeared to me less difficult : the clue of innumerable threads by degrees grew under my fingers a faithful painting of our actions and our sentiments ; as it w^as heretofore the interpreter of our thoughts during the long intervals of our absence from each other. Wholly taken up with my em- ployment , I forgot how time passed , when a confused noise awakened my spirits , and put my heart in a flutter. I thought the happy moment was arrived , and that the hundred gates (i) were opening to give a free passage to the sun of my days : precipitately I hid my Quipos under the lappet of my robe, and ran to meet thee. people. Some authors pretend that they make use of them also to transmit to posterity the memorable actions ol" iheir Incas. (i) In the Temple of (he Sun Were an hundred gates, VNhich the Inca only had power (o have opened. 54 LETTRES d'une PERUVIENNE. courus au-devant de tes pas. Mais quel lior* rible spectacle s'offVil à mes ^'^eux î Jamais son souvenir affreux ne s'effacera de ma mémoire. Les pavés du Temple ensanglantés, ri mage du Soleil foulée aux pieds , des soldats fu- rieux poursuivant nos vierges éperdues , et massacrant tout ce qui s'opposait à leur passage ; nos 772û!77zûf^ (i) expirantes sous leurs coups , et dont les habits brûlaient encore du feu de leur tonnerre ; les gémissemens de l'épouvante , les cris de la fureur répandant de toute part l'horreur et l'effroi, m'ôlèrent jusqu'au sentiment. Revenue à moi-même , je me trouvai, par un mouvement naturel et presqu'involontaire , rangée derrière l'au- tel que je tenais embrassé. Là , immobile de saisissement , je voyais passer ces barbares j la crainte d'être apperçue arrêtait jusqu'à ma respiration. Cependant, je remarquai qu'ils ralentissaient les effets de leur cruauté à la vue des ornemens précieux , répandus dans le Temple 3 qu'ils se saisissaient de ceux dont l'éclat les frappait davantage, et qu'ils (i) Espèce de gouvernantes des vierges du solyjl. I, a eraiiKc cl c(Po anporouc ai-i^etoil lustiua ina I'csniralioii . ItVfW.-f.î- I.A.nh.' ^^■^^^■assi LETTERS OF A PERUVIAN. 55 But how horrible was the spectacle that appeared before my eyes ! The frightful idea of it will never be effaced out of my memory. The pavement of the Temple stained with blood j the image of ihe Sun trodden under foot j our affrighted virgins flying before a troop of furious soldiers , who massacred all that opposed their passage j our 77zfl/7Zff^ (i) expiring under their wounds , their garments still burning with the fire of the thunder 3 the groans of dismay , the cries of rage , spreading dread and horror on every side , brought me at last to a sense of my misery. Being returned to myself , I found that by a natural , and almost involuntary motion , I was got behind the altar , which I embraced. There I saw the barbarians pass by : I did not dare to give free passage to my panting breath , for fear it should cost me my life. I remarked 5 however, that the effects of their cruelty abated at the sight of the precious ornaments that overspread the (l) A kind of governante over the virgins of the Sua, 56 LETTRES D'une péruvienne. arrachaient jusqu'aux laines d'or dont les jîiurs ('taienf revêtus. Je iu2;eai que le larcin était le motif de leur barbarie , et que , ne m'y opposant point, je pourrais échapper à leurs coups. Je formai le dessein de sortir du Temple, de me faire conduire à ton palais, de demander au Capa-lnca (i) du secours et un. asile pour mes compagnes et pour moi 3 mais, aux premiers mouvemens que je fis pour m'éloigner , je me sentis arrêter. O mon cher Aza, j'en frémis encore ! Ces impies osèrent porter leurs mains sacrilèges sur la fille du Soleil. Arrachée de la demeure sacrée , traînée ignominieusement hors du Temple, j'ai vu, pour la première fois , le seuil de la porte céleste , que je ne devais passer qu'avec les ornemens de la royauté (2). Au lieu des fleurs que l'on aurait semées sous mes pas j'ai vu les chemins couverts de sang et de mourans 3 au lieu des honneurs du trône (i) Nom générique des Tncas régnans. (2) Les vierges consacrées au Soleil entraient dans le Temple presqu'en naissant, et n'en sortaient que la jour de leur mayiage, LETTERS OF A PERUVIAN. 67 Temple; ihat they seized those whose lustre struck them most sensibly 3 and that they even plucked off the plates of gold that lined the walls. I judged that theft wa.s the motive of their barbarity , and , that , to avoid death , my only w^ay Avas to conceal myself from their sight. I designed to have got out of tlie temple, to have been conducted to thy pa- lace, to have demanded succour of the Capa^ Inca (i), and an asylum for my companions and me : but no sooner did I attempt to stir, than I was arrested. Oh my dear Aza ! then did I tremble ! these impious men dared to lay their hands upon the daughter of the sun. Torn from the sacred abode , dragged igno- miniously out of the temple, I saw for the first time the threshold of the celestial gate , which I ought not to have passed but \vith the ensigns of royalty (2). Instead of the flowers w^hich should have been strcAved un- der my feet, I saw the Avays covered with blood and carnage : instead of the honours of (i) The general name of the reigning incas, (2) The virgins consccralecl to ihe Sun entered the Temple almost as r,oon as born , aiid never came out till the day of" their marriage. i8 LETTRES d'une PERUVIENNE. que je devais partager avec toi , esclave de la tyrannie , enfermée dans une obscure prison , la place que j'occupe dans l'univers est bornée à l'étendue de mon être. Une natte baignée de mes pleurs reçoit mon corps fatigué par les tourmens de mon âme -y mais , cher soutien de ma vie , que tant de maux me seront légers , si j'ap- prends que tu respires ! Au milieu de cet horrible bouleverse-^ ment , je ne sais par quel heureux hasard jai conservé mes Oiiipos. Je les possède , mon cher Aza ! c'est aujourd'hui le seul trésor de mon cœur, puisqu'il servira d'in- terprète à ton amour comme au mien ; les mêmes nœuds qui t'apprendront mon existence , en changeant de forme entre tes mains, m'instruiront de ton sort. Hélas! par quelle voie pourrai-je les faire passer jusqu'à toi? Par quelle adresse pourront- ils m'être rendus ? Je l'ignore encore , mais le même sentiment qui nous fit inventer leur usage , nous suggérera les moyens de tromper nos tyrans. Quel que soit le Chaqui (i) (i) Messager. LETTERS OF A PERUVIAN. S(j the throne , which I was to have partaken of with thee , I find myself a slave under the lavNls of tyranny , shut up in an obscure pri- son 5 the place that I occupy in the universe is bounded by the extent of my being. A mat, bathed with tears, receives my body fatigued by the torments of my soul : But dear sup- port of my life, how light v\ill all these evils be to me , if I can but learn that thou yet breathest. In the midst of this horrible desolation , I know not by ^A'hat happy chance I have pre- served my Quipos. I have them in possession, my dear Aza ; they are the treasure of my heart , as they serve to interpret both thy love and mine 3 the same knots which shall inform thee of my existence , changing their form under thy hands , w ill instruct me also in my destiny. Alas ! by waht way shall I convey them to thee ? By wath address can they be restored to me again ? I am igno- rant at present : but the same understandina; which taught us their use , will suggest to us the means to deceive our tyrants. Whoever the faithful Chaqui (i) may be tliat shall i- , . , e . (l) Messeoger. 6o LETTRES D'UNE PERUVIENNE. fidèle qui te portera ce précieux dépôt , je ne cesserai d'envier son boniieur. Il le verra , mon cher Aza ! Je donnerais tous les jours que le Soleil me destine, pour jouir im seul moment de ta présence. LETTERS OF A PERUVIAN. 6 1 bring thee this precious deposit , I shall envy his happiness. He will see thee , my dear Aza , and I would give all the days allotted me by ^the sun , to enjoy thy presence one moment. LETTRE II. A A z A : Histoire de sa première entrevue , et de son engagement avec lui. y) u E l'arbre de la vertu , mon cher Aza , répande à jamais son ombre sur la famille du pieux citoyen qui a reçu sous ma fenêtre le mystérieux tissu de mes pensées , et qui l'a remis dans tes mains ! Que Pacha- camac (i) prolonge ses années en récom- pense de son adresse à faire passer jusqu'à moi les plaisirs divins avec ta réponse. Les trésors de l'amour me sont ouverts : j'y puise une joie délicieuse dont mon âme s'enivre. En dénouant les secrets de ton cœur , le mien se baigne dans une mer parfumée. Tu vis^ et les chaînes qui devaient nous unir ne sont pas rompues. Tant de bonheur éîait l'objet de mes désirs , et non celui de mes espérances. (i) Le Dieu Ciéateur, plus puissant que le soleil. LETTER II. To AzA : History of her first sight of, and engagement to him. IVLay the tree of virtue, my dear Aza, for ever spread its shadow over the pious citizen who received under my window the mysterious tissue of my thoughts , and delivered it into thy hands. May Pacha- camac (i) prolong his years , as the recom- pense of his address in conveying to me divine pleasures with thy answer. The treasures of love are open to me j I draw from thence a delicious joy that inebriates my soul. V\ hile I unravel the secrets of thy heart, my own bathes itself in a sea of perfumes. Thou livest , and the chains that were to unite us are not broken. So much felicity was the object of my desires, but jDot of my hopes. (i) The Creator God , more powerful than the sun. 64 LETTRES d'une PERUVIEVNE* jDans Tabandon de moi-même, je ne craignais que pour tes jours 3 ils sont en sûreté : je ne vois plus de malheur. Tu A m'aimes : le plaisir anéanti renaît dans mon cŒur. Je goûte avec transport la délicieuse confiance de plaire à ce que j'aime 5 mais elle ne me fait point oublier que je te dois tout ce que tu daignes ap- prouver en moi. Ainsi que la rose tire sa brillante couleur des ra^^ons du soleil , de même les charmes que tu trouves dans mon esprit et dans mes sentitilens n'ie' sont' que les bienfaits de ton génie luiiiineux i rien n'est à moi que ma tendresse. Si fif élais un homme ordinaire , je serais restée dans l'ignorance à laquelle rnon'^exè 'est condamné. Mais ton âme, supérieure aux coutumes, ne les a regardées que comme des abus : tu en as franchi les barrières pour m'élever jusqu'à toi. Tu n'as pu souffrir qu'un être semblable au tien fût. borné à l'humiliant avantage de donner îà^ vîe à ta postérité. Tu as voulu que ^ n'es 'divins Amauias (i) ornasssent mon èutéiidêmeut (t) rhiksoplies indiens. LETTERS OP A PERUVIAN. 65 Wiltst T abandoned all thought of myself, my fears for thee deprived me of all plea- sure. Thou restorest to me all that I had lost. I taste deep draughts ofthe sweet satisfaction of pleasing thee , of being praised by thee, of being approved by him J love. But , dear Aza , \vhile I swim in these deligJhs , I do not forget that T owe to thee what I am. As the rose draws his brilliant colours from the rays of the sun , so the charms which please thee in my spirit and sentiments are the benefils of thy luminous genius ; nothing is mine, but my tenderness. If thou hadst been an ordinary man, I had remained ia that ignorance to Avhich my sex is condem- ned 5 but thou, not the slave of custom, hast broken the barrier, in order to elevate me to thyself. Thou didst not suffer a being like thy own to be confined to the humble advan- tage of only giving life to thy posterity : it was thy pleasure that our Amutas (i) should adorn my understanding with their (l) Indian philosophers. Tome I. €^5 66 LETTRES d'une PERUVIENNE. de leurs sublimes connaissances. Mais , ô lumière de ma vie ! sans le désir de le plaire , aurais-je pu me résoudre à abandonner ma tranquille ignorance , pour la pénible occu- pation de l'étude ; sans le désir de mériter ton estime , ta confiance , ton respect , par des vertus qui fortifient l'amour, et que l'a- mour rend voluptueuses , je ne serais que l'objet de tes yeux^ l'absence m'aurait déjà 'effacée de ton souvenir. Hélas î si tu m'aimes encore , pourquoi suis-je dans l'esclavage? En jetant mes re- gards sur les murs de ma prison , ma joie disparaît , l'horreur me saisit , et mes crain- tes se renouvellent. On ne t'a point ravi la liberté ; tu ne viens pas à mon secours! Tu es instruit de mon sort ; il n'est pas changé ? jS^on , mon cher Aza , ces peuples féroces que tu nommes Espagnols , ne te laissent pas aussi libre que tu crois l'être. Je vois autant de signes d'esclav^age dans les honneurs qu'ils te rendent , que dans la captivité où ils me retiennent. Ta bonté te séduit j tu crois sin- cères les promesses que ces barbares te font faire par leur interprète , parce que tes pa- LETTERS OF A PERUVIAN. 67 sublime intelligences. But O light of my life , could I have resolved to abandon my tranquil ignorance, and engage in the painful occupation of study , had it not been for the desire of pleasing thee ? Without a de- sire to merit thy esteem , thy confidence , thy respect, by virtues that fortify love, and which love renders voluptuous , I had been only the object of thy eyes 5 absence would already have effaced thee out of my memory. But , alas ! if thou lovest me still , why am I in slavery ? Casting a look upon the walls of my prison , my joy disappears , horror seizes me , and my fears are rencAved. They have not robbed thee of liberty, yet thou comest not to my succour: Thou hast been informed of my situation , and it is not changed. No, my dear Aza , among these savage people , ^vhom thou callest Spaniards , thou art not so free as^ thou ima- ginest thyself. I behold as many signs of slavery in the honours which they render thee , as in my own captivity. Thy good- ness seduces thee; thou thinkest the promi- ses , w^hich those barbarians make thee by their interpreters , sincere , because thy E 2 68 LETTRES D'iXE PERUVIENNE. rôles sont inviolables ; mais moi qui n'en- tends pas leur langage, moi qu'ils ne trouvent pas digne d'être trompée, je vois leurs ac- tions. Tes sujets les prennent pour des dieux , ils se rangent de leur parti. O mon cher Aza , malheur au peuple que la crainte dé- termine ! Sauve-toi de cette erreur , défie- toi de la fausse bonté de ces étrangers. Aban- donne ton empire , puisque Viracocha (i) en a prédit la destruction. Achète ta vie et ta liberté au prix de ta puissance , de ta grandeur , de tes trésors ; il ne te restera que les dons de la nature. Nos jours seront en sûreté. Riches de la possession de nos cœurs, grands par nos vertus , puissans par notre modération , nous irons dans une cabanne jouir du ciel , de la terre et de notre ten- dresse. Tu seras plus roi en régnant sur mon âme qu'en doutant de l'affection d'un peu- ple innombrable ; ma soumission à tes vo- lontés te fera jouir sans tyrannie du beau droit de commander. En t' obéissant , je (r) Viracocha élalt regardé comme un dieu. Les Indiens croient qu'en mourant il prédit que les Espagnols détrôneraient un de ses descendans. LETTERà OF A PERUVIAN. 69 o\vn words are inviolable ; bat I , who understand not their language, whom they thinknot worthy to bedeceived, behold their actions. Thy subjecfs take them for gods , and join their party. O my dear Aza , wret- ched the people who are determined by fear ! Extricate thyself from thy error , and suspect the false groodness of these forei- gners. Abandon thy empire ; since the Inca Viracocha (i) has predicted its destruction. Redeem thy life and thy liberty at the price of thy power , thy grandeur , and thy treasures ; the gifts of nature alone will then remain to thee , and our days -sliaU pass in safety. Rich in the possession of our hearts , great by our virtues , powerful by our moderation , we shall in a cottage en- joy the heaven , the earth , and our mutual tenderness. Thou wilt be more a king ia reigning over my soul , than in doubling of the affection of a people without number : my submission to thy will shall cause thee to enjoy, without tyranny, the i.mdisputed right of commanding. Whilel obey thee , (i) Viracocha was looked upon as a God , and ihe Indians firmly believe that at his death he predicted that the Spaniards should dethrone one of his desceûdants. JO LETTRES D'uNE PÉRUVIENNE. ferai retentir ton empire de meè chants d'allégresse : ton diadème (i) sera toujoui-s l'ouvrage de mes mains j tu ne perdras de ta royauté que les soins et les fatigues. Combien de fois , chère âme de ma vie , t'es-tu plaint des devoirs de ton rang ? Com- bien les cérémonies , dont tes visites étaient accompagnées , t'ont fait envier le sort de tes sujets ? Tu n'aurais voulu vivre que pour moi \ craindrais-tu à présent de per- dre tant de contraintes ? Ne suis - Je plus cette Zilia que tu aurais préférée à ton em- pire ? Non , je ne puis le croire : mon 'v^ cœur n'est point changé j pourquoi le tien le serait-il? J'aime 3 je vois toujours le même Aza qui régna dans mon âme au premier mo- ment de sa vue 3 je me rappelle ce jour for- tuné où ton père , mon souverain seigneur, te fit partager , pour la première fois , le pouvoir , réservé à lui seul , d'entrer dans l'intérieur du temple (2) 3 je me représente (1) Le diadème des Incas clail une espèce de liange. C'était l'ouvrage des vierges du soleil. (2) L'Inca régnant , avait seul le droit d'en lier dans 1« temple du soleil, LETTERS OF A PERUVIAN. 7 1 T will make tliy empire resound with my joyous songs; thy diadem (i) shall be always tiie work of my hands , and thou shalt lose nothing of royalty but the cares and fatigues. How often , dear soul of my life, hast tliou complained of the duties of thv rank ? How have the ceremonies , which accompanied thy visits, made thee envy the- lot of thy sub- jects ? Thy wish was to live for me only. Art thou now afraid to lose so man^^ cons- traints? Shall I be no more that Zilia , whom thou preferredst to thy empire ? 1 cannot en- tertain the thought : my heart is not chan- ged , and ^Yll3' should there be a change in tiiine ? I love ; the same Aza wlio reigned in ni}^ heart the first moment I saw^ him . is for ever before me : continually do my thoughts recal that happy day , when thy father , my so- vereign lord , gave thee for the first time a share of that po\', er , reserved for him only , of entering the inner part of the temple (2). ( I ) The diadem ofthe Incas \Yas a kind of fringe wrought by the virgins of the Sun. (2) The reigning Tnca alone has a right to enlcv into the temple of the Sun. 72 LETTRES D*UNE PERUVIENNE." le spectacle agréable de nos vierges rassem- blées , dont la beauté recevait un nouveau lustre par l'ordre charmant dans lequel elles étaient rangées ; telles que , dans un jardin , les plus brillantes fleurs tirent un nouvel éclat delà symétrie de leurs compartimcns. Tu parus au milieu de nous comme un so- leil levant , dont la tendre lumière prépave la sérénité d'un beau jour : le feu de tes yeux répandait sur nos joues le coloris de la modestie : un embarras ingénu tenait nos regards captifs 3 une joie brillante éclatait dans les tiens ; tu n'avais jamais rencontré tant de beautés ensemble. Nous n'avions ja- mais vu que le Capa-Tnca : l'étonnement et le silence régnaient de toutes parts. Je ne sais quelles étaient les pensées de mes com- pagnes 3 mais de quels sentimens mon cœur ne fut-il point assailli ! Pour la première fois j'éprouvai du trouble, de l'inquiétude, et cependant du plaisir. Confuse des agita- tions de mon âme , j'allais me dérober à ta vue ; mais tu tournas tes pas vers moi ; le respect me retint. O mon cher Aza ! le sou- venir de ce premier moment de mon bonheur me sera toujours cher. Le son de ta voix ^ LETTERS OP A PERUVIAN. j2 Fancy sfill figures to mc the agréable specta- cle of our virgins , who , being there assem- bled , received a new lustre from tlie admi- rable order that reigns among them : so in a garden we see the arrangement of the finest flowers add a brilliancy to their beauty. Thou appearedst in the midst of us like a rising sun, ^vhose tender light prepares the serenity of a fine day : the fire of thy eyes overspread on cheeks with the blushes of modesty, and our looks were held captive in sweet confu- sion : thy eyes , at the same time, shot forth a brilliant joy 5 for never before had they met so many beauties together. The Capa- Inca was the only man we had till then seen. Astonishment and silence reigned on every side. I know not what were the thoughts of my companions : but the sentiments that at- tacked my own heart , who can express ? For the first time I had the united sense of trouble, inquietude and pleasure. Confused with the agitations of my soul , I was going io hide myself from thy sight : but; ihou tur- nedstthy steps towards me, and I was retai- ned by respect. O my dear Aza, the remem- brance of this first moment of my happiness 74 LETTRES d'une PERUVIENNE. ainsi que le chant mélodieux de nos hymnes, porta dans mes veines le doux frémissement et le saint respect que nous inspire la pré- sence delà divinité. Tremblante , interdite , la timidité m'a- vait ravi jusqu'à l'usage de la voix 3 enhar- die enfin par la douceur de tes paroles , j'osai élever mes regards jusqu'à toi, je ren- contrai les tiens. Non , la mort même n'ef- facera pas de ma mémoire les tendres mou- vemens de nos âmes qui se rencontrèrent et se confondirent dans un instant. Si nous pouvions douter de notre origine , mon cher jAza, ce trait de lumière confondrait notre incertitude. Quel autre , que le principe du feu , aurait pu nous transmettre cette vive intelligence des cœurs , communiquée , répandue et sentie avec une rapidité inex- plicable. J'étais trop ignorante sur les effets de l'amour pour ne pas m'y tromper. L'i- magination remphe de la sublime théologie de nos Cucipatas (i) , je pris le feu qui m'animait pour une agitation divine ; je crus que le soleil me manifestait sa volonté (i) Frêlres du soleil. LETTERS OF A PETIUVIAN. ^S will be always dear to me. Tlie sound of thy voice , like the melodious chanting of our hymns , conveyed into my veins that soft tremor, and holy respect, which is inspired by the presence of the divinity. Trembling, dismayed , my timidity had taken from me even the use of my speech: but, emboldened at last by the softness of thy words , I dared to lift up my looks towards thee and meet thine. No , dc£ith itself shall never efface from my memory the tender movements of our souls at this meeting , and how in an instant they were blended toge- ther. If we could doubt of our origin , my dear Aza , this glance of light would have destroyed our uncertainty. What other prin- ciple J but that of fire could have transmit- ted betwixt us this lively intelligence of hearts , which was communicated , spread, and felt with an inexplicable rapidity ? I ^vas too ignorant of the efîecls of love, not to be deceived by it. With an imagination full of the sublime theology of our Cucipa- tas (i) , I took the fire which animated me for a divine agitation; I thought the Sun had manifested to me his will by tiiee his organ , (l) Priests oi the sun. 76 LETTRES d'une PERUVIENNE. par ton organe et qu'il me choisissait pour son épouse d'élile : j'en soupirai j mais , après ton départ , j'examinai mon cœur j et je n'y trouvai que ton image. Quel changement , mon cher Aza , ta présence avait fait sur moi ! Tous les objets me parurent nouveaux -, je crus voir mes compagnes pour la première fois. Qu'elles me parurent belles ! Je ne pus soutenir leur présence. Retirée à l'écart , je me livrais au trouble de mon âme , lorsqu'une d'en- tr'clles vint me tirer de ma rêverie en me donnant de nouveaux sujets de m'y livrer. Elle m'apprit qu'étant ta plus proche pa- rente , j'étais destinée à être ton épouse, dès que mon âge permettrait cette union. J'ignore les lois de ton empire (i) ; mais depuis que je t'avais vu, mon cœur était trop éclairé pour ne pas saisir l'idée du bonheur d'être à toi. Cependant , loin d'en connaître toute l'étendue , accoutumée au (i) Les lois des Indiens obligeaient les lucas d'é- pouser leurs sœurs, et quand ils n'en avaient point, fie prendre pour femme la première princesse du sang des Incas qui était vierge du soleil. LETTERS OF A PERUVIAN. 77 that he chose me for his selected spouse ! I sighed in rapture : — but after thy departure, examining my heart , I found there nothing but thy image. What a change , my dear Aza , did thy presence make in me Î All objects appeared to me new and it seemed as if I now saw my fellow virgins the first time. How did their beauty brighten ! I could not bear their presence , but , retiring aside , gave ^vay to the anxiety of my soul , when one of them came to waken me out of my reverie , by giving me fresh matter to heighten it : she informed me that being thy nearest relation, I was destined to be thy wife, as soon as my age would permit that union. I was ignorant of the laws of thy empire (i) 5 but, after I iiad seen thee, my heart "vvas too much en- lightened not to have the idea of happiness in an union with thee. Far, however , from knowing the whole extent of this union , and (i) The laws of ihe Indians obliged the Incas to marry Jheir sisters ; and when they had none, to take the flrit princess of the blood of the Incas that was a virgin of the sun. 78 LETTIli'S d'une péruvienne. nom sacré d'épouse du soleil , je bornais mon espérance à te voir tous les jours , a l'adorer , à l'ofirir des vœux comme à lui. C'est toi , mon cher Aza , c'est toi qui , dans la suite , comblas mon âme de dé- lices , en m'apprenant que l'auguste rang de ton épouse m'associerait à ton cœur , à ton trône , à ta gloire, à tes vcrius; que je jouirais sans cesse de ces entreliens si rares et si courts au gré de nos désirs, de ces entretiens qui ornaient mon esprit des perfections de ton âme, et qui ajoutaient à mon bonheur la délicieuse espérance de faire un jour le tien. O mon cher x\za , combien ton impatience contre mon ex- trême jeunesse , (]ui retardait notre union , était flatteuse pour mon cœur ! Combien les deux années qui se sont écoulées t'ont paru longues , et cependant que leur du- rée a été courte I Hélas ! le moment for- tuné était arrivé. Quelle fatalité l'a rendu si funeste ? Quel dieu poursuit ainsi l'in- nocence et la vertu ? ou, quelle puissance infernale nous a séparés de nous-mêmes ? L'horreur me saisit , mon cœur se déchire , mes larmes inondent mon ouvrage. Aza î mon cher Aza î — LETTERS OF A PERUVIAN. 79 accustomed to the sacred name of spouse of the sun. my hopes were bounded to the seeing of thee daily , the adoring of thee, and of- fering my vows to thee , as to that divinity. Thou, my amiable Aza, thou thyself filledst up the measure of my delight, by informing me that the august rank of thy wife ^vould as- sociate me to thy heart , to thy trone, to thy glory , to thy virtues; that I should incessantly ejijoy those so precious conversations, those conversations so short in proportion to our de- si res , v\diich would adorn my mind with the perfections of thy soul, and add to my fe- licity the delicious hope of being hereafter a happiness to thee. O my dear Aza , how flattering to my heart was that impatience of thine , so often expressed on account of my youth which retarded our union ! How long did the course of two years appear to thee , and yet how short was their duration! Alas ! the fortunate moment was arrived. V\ hat fatality rendered it woe ful ? What god was it who punished innocence and virtue in this manner ? or , what infernal power se- parated us from ourselves ? Horror seizes me , my heart is rent , my tears bedew my work. Aza ! my dear Aza ! LETTRE III. A AzA : Son cmbarquemcnf , sa maladie. Elle est prise par les Français. Vj'est toi , chère lumière de mes jours , c'est toi qui me rappelles à la vie : vou- drais-je la conserver si je n'étais assurée que la mort aurait moissonné d'un seul coup tes jours et les miens? je touchais au mo- ment où l'étincelle du feu divin dont le soleil anime notre être , allait s'éteindre : la nature laborieuse se préparait déjà à donner une autre forme à la portion de matière qui lui appartient eu moi 3 je mourais : tu per- dais pour jamais la moitié de toi-même, lorsque mon amour m'a rendu la vie , et je t'en fais le sacrifice. Mais comment pour- rais-je finstruire des choses surprenantes qui me sont arrivées? Comment me rappeler des idées déjà confuses au moment où je les ai reçues , et que le tems qui s'est écoulé depuis , rend encore moins intelligibles ? A peine , mon cher Aza , avais-je confié à notre fîdellc Chaqui le dernier tissu de LETTER III. To AzA : her being put on ship-board , sickness and capture by the French. J.T is thou , clear liglit of my soul , it is thou who callest me back to life. Would I pre- serve it , if I was not sure that death , by a single stroke , ^vould mow down thy days and mine? I touched the moment in which the spark of divine fire, wherewith the sun animates our being , Tvas going to expire. Laborious nature was already preparing to give another form to thai portion of matter which belonged to her in me : T was dying : thou wast losing for ever half of thyself, when my love restored my life , ^a hich I now sacrifice to thee. Bui how can I inform thee of the surprising things that have hap- pened to me? How shall I call back ideas that were confused even when I received them , and\Yhich the time that is since passed renders still less intelligible? Scarcely , my dear Aza , had I entrusted Tome I. F 82 LETTPxES d'une PERUVIENNE. mes pensées , (jue j'cnlcnclis un grand mou- i^emenl dans notre liabilalion : vers le mi- lieu de la nuit , deux de mes ravisseurs vin- rent m'enlever de ma sombre retraite avec autant de violence qu'ils en avaient em- ployé à m'arraclier du temple du soleil. Eniin, arrivés apparemment où l'on voulait aller , une nuit ces barbares me portèrent sur leurs bras dans une maison dont les approches , malgré l'obscurité , me paru- rent extrêmement difficiles. Je fus placée dans un lieu plus étroit et plus incommode que n'avait jamais été ma première prison. Mais, mon cher Aza ! pourrais-je te persua- der ce que je ne comprends pas moi-même, si tu n'étais assuré que le mensonge n'a ja- mais souillé Icslèvres d'un enfant du soleil (i)? Cette maison que j'ai jugé être fort grande par la quantité de monde qu'elle contenait 5 cette maison , romme suspendue , et ne te- nant point à la terre , était dans un balan- cement continuel. Il faudrait, ô lumière de mon esprit , que Ticaiviracocha eût comblé mon âme , comm? la tienne, de sa divine (i) Tl passait pour constant qu'un Përuvien n'avait jamais menti. Doux do mos raxisseiii-s sinroiU iiiomIonot do jua si)inl>PO roliwito . I LETTERS OF A PERUVIAN. 83 oilr faithful Cliaqui with the last tissue of my thoughts , \". hen I heard a great motion in our habitation : about midnight two of my ravishers came to hurry me out of my gloomy retreat , with as much violence as they had J^nployed in snatching me from the temple (^^f the sun. Though the night was very dark , they made me travel so far , that, sinking under the fatigue, they w^ere obliged to carry me into a house, which I could per- ceive, notwithstanding the obscurity , it was exceeding dijBFicult to get into. I was thrust into a place more strait and inconvenient than my prison had been. Ah, my dear Aza! could I persuade thee of what I do not com- prehend myself, if thou wast not assured that a lie never sullied the lips of a child of the sun (i) ? This house , vhich I judged to be very great by the quantity of people it contained , w^as not fixed to the ground , but being as it Were suspended , kept in a continual balancing motion. O light of my mind , Ticaiviracocha should have filled my soul like thine with (i) It passed for ceilaia lliat no Peruvian ever lied. F 2 84 LETTRES d'une PERUVIENNE. science , pour pouvoir comprendre ce prodige. Toute la connaissance que j'en ai , est que cette demeure n'a pas été construite par un être ami des hommes ; car , quelques momens après que j'y fus entrée , son mouvement continuel , joint à une odeur malfaisante , me causèrent un mal si violent que je suis éton- née de n'y avoir pas succombé : ce n'était que le commencement de mes peines. Un teras assez long s'était écoulé ; je ne souffrais presque plus , lorsqu'un matin je fus arrachée au sommeil par un bruit plus affreux que celui du Yalpor : notre habita- tion en recevait des ébranlemens tels que la terre en éprouvera , lorsque la lune , en tom- bant , réduira l'univers en poussière (i). Des cris qui se joignirent à ce fracas le rendaient encore plus épouvantable : mes sens , saisis d'une horreur secrète, ne portaient à mon âme que l'idée de la destruction de la nature entière. Je croyais le péril universel 3 je trem- blais pour tes jours : ma frayeur s'accrut en- fin jusqu'au dernier excès à la vue d'une troupe d'hommes en fureur , l6 visage et (l) Les Indiens crovoient que la fin du monde arri- verait par la lune qui se laisserait tomber sur la terre. LETTERS OF A PERUVIAN. 85 his divine science , to have enabled me to comprehend this prodigy. All that I know of it , is that this dwelling was not built by a being friendly to mankind : for some mo- ments after I had entered it , the continual motion of it , joined to a noxious smell, made me so violently ill , that I am surprised I did not die of the malady. This was the begin- ning only of my pains. A pretty long time passed , and I had no considerable suffering , when one morning I was frighted out of sleep by a noise more hideous than that of Yalpor. Our habitation received such shocks as the earth w ill expe- rience , when the moon by her fall shall re- duce the universe to dust (i). The cries of human voices , joined to this w ild uproar , rendered it still more frightful. My senses seized with a secret horror , conveyed to my soul nothing but the idea of destruction , not of myself onlv, but of all nature. I thoudit the peril universal ; I trembled for thy life : my dread grew at last to the utmost excess, when I saw a company of men in fury , (i) The Indians believe ihat the end of ihe world will be broughtabout by ihefallof the moon upon the e&rlh. 86 LETTRES d'une PÉRUVIENNE. les habits ensanglantés , qui se jetèrent en tumulte dans ma chambre. Je ne soutins pas cet horrible spectacle 3 la force et la connaissance m'abandonnèrent : j'ignore en- core la suite de ce terrible événement. Re- venue à moi-même , je me trouvai dans un lit assez propre , entourée de plusieurs sau- vages qui n'étaient plus les cruels Espagnols. Peux-tu te représenter ma surprise en me trouvant dans une demeure nouvelle , parmi des hommes nouveaux, sans pou- voir comprendre comment ce changement avait pu se faire ? Je refermai prompte- ment les yeux, afin que, plus recueillie eu moi-même , je pusse m^assurer si je vivais ou si mon âme n'avait point abandonné mon corps pour passer dans les régions inconnues (i). Te l'avouerai-je , chère idole de mon cœur 3 fatiguée d'une vie odieuse, rebutée de souffrir des tourmens de toute espèce ; accablée sous le poids de mon horrible destinée , je regardai avec indif- férence la fin de ma vie que je sentais (i) les Indiens croyaient qu'après la mort, l'ame allait dans des lietix inconnus pour y être récompen- sée ou punie selon sou mérile. LETTERS OF A PERUVIAN. 87 Willi bloody countenances and cloatlis, rash tumuUuousIy into my chamber. I could not support the terrible spectacle , my strength and understanding left me : still am I igno- rant of the consequence of this terrible event. But %vhen I recovered , I found myself in a pretty handsome bed , surrounded by several savages , who were not , however , any of the cruel Spaniards. Canst thou imagine to thyself my surprise, when I found myself in a new dwelling , among new men , without being able to comprehend how this change could be brought about ? I shut my eyes , the better to recollect myself , and be assured vrhe- ther I was alive , or w^hether my soul had not quitted my body to pass into unknown regions (i). T confess to thee, dear idol of my heart , that , fatigued w^ith an odious life , disheartened at suffering torments of every kind , pressed down under the weight of my horrible destiny , I regarded with in- difference the end of my being which I felt (i) The Tudians believe that the soul, after death , goes inio unknown places , to be there recompensed or punished according to ils deserts. 88 LETTRES d'une PERUVIENNE. approcher ; je refusai constamment tous les secours que l'on m'offrait : en peu de jours je touchai au terme fatal et j'y touchai sans regret. L'épuisement des forces anéantit le sentiment : déjà mon imagination affaiblie ne recevait plus d'images cjue comme un léger dessin tracé par une main tremblante; déjà les objets qui m'avaient le plus affec- tée, n'excitaient en moi que cette sensa- tion vague que nous éprouvons en nous lais- sant aller à une rêverie indéterminée : je n'étais presque plus. Cet état , mon cher Aza , n'est pas si fâcheux que l'on croit : de loin , il nous effraie , parce que nous y pensons de toutes nos forces : quand il est arrivé , affaiblis par les gradations des dou- leurs qui nous y conduisent , le moment dé- cisif ne paraît que celui du repos. Cepen- dant j'éprouvai que le penchant naturel qui nous porte à pénétrer dans l'avenir, et môme dans celui qui ne sera plus pour nous , semble donner de nouvelles forces. Transportée dans l'intérieur de ton palais, j'y arrivais dans le moment où l'on venait de t'apprendre ma mort. Je te vis , mon cher Aza , pâle , défiguré , privé de sentimens , tel qu'un lys desséché par la brûlante ardeur du midi. LETTERS OF A PERUVIAN. 89 approaching: I constantly refused ail the sus- tenance that was offered me , and in a few days was on the verge of the fatal term,which I beheld ^vithout regret. The decay of my strength annihilated my sentiments: already my enfeebled imagination received no images but like those of a slight design traced by a trembling hand ; already the objects "which had most affected me , excited in me only that vague sensation which we feel when we in- dulge to an indeterminate reverie : almost I was no more. This state , my dear Aza , is not so uneasy as it is thought. At a distance itfrightens us, because ive think of it with all our powers : when it is arrived , enfee- bled by the gradations of pain which con- duct us to it , the decisive moment appears only as the moment of repose. A natural propensity which carries us to^vards futu- rity , even that futurity which will ncA^er exist for us , reanimated my spirit, and trans- ported it into thy palace. I thought I arri- ved there at the instant when thou hadst re- ceived the news of m}" death. I represented to myself thy pale disfigured image, such as lil}^ appears \yhen scorched by the burning heat of noon. Is the most tender love then 90 LETTRES D'uNE PERUVIENNE. L'amour est-il donc quelquefois barbare? Je jouissais de la douleur , je l'excitais par de tristes adieux ; je trouvais de la douceur, peut-être du plaisir à répandre sur tes jours le poison des regrets ; et ce même amour , qui me rendait féroce , déchirait mon cœur par l'horreur de tes peines. Enfin réveillée comme d'un profond sommeil , pénétrée de la propre douleur, tremblante pour ta vie , je demandai des secours ; je revis la lumière. Te reverrai-je , toi , cher arbitre de mon exislence ? Hélas! qui pourra m'en assurer? Je ne sais plus où je suis ; peut-être est-ce loin de toi. Mais dussions-nous être séparés par les espaces immenses qu'habitent les enfans du soleil , le nuage léger de mes pensées volera sans cesse autour de toi. LETTERS OF A PERUVIAN. pr sometimes barbarous ? I rejoiced at tiiy grief, and excited it by sorrowful adieus. I found a sweetness , perhaps a pleasure , in diffu- sing the poison of regret over thy daysj and the same love which rendered me cruel , tore my heart by the horror of thy pains. At last, awakened as from a profound sleep , penetrated with thy agony , trembling for thy life , I called for help , and again beheld tlie light. Shall I see thee again , thou, the dear ar- biter of my existence ? Alas ! who can assure me of it. I know not where T am : perhaps it is far distant from thee ! But should we be separated by the immense spaces inha- bited by the children of the sun , the light cloud of my thoughts shall hover incessantly about thee. LETTRE I y. A AzA : Récit de son Irailement durant sa Maladie. V^UEL que soit l'amour de la vie , mon cher Aza , les peines le diminuent ; le dé- sespoir l'éteint. Le mépris que la nature semble faire de notre être , en l'abandon- nant à la douleur , nous révolte d'abord 3 en- suite l'impossibilité de nous en délivrer nous prouve une insuffisance si humiliante , qu'elle nous conduit jusqu'au dégoût de nous-mêmes. Je ne vis plus en moi ni pour moi : chaque instant où je respire est un sacrifice que je fais à ton amour ; et , de jour en jour , il devient plus pénible. Si le (ems apporte quel- que soulagement à la violence du mal qui me dévore , il redouble les soulïrances de mon esprit, et loin d'éclaircir mon sort , il semble le rendre encore plus obscur. Tout ce qui m'environne m'es! inconnu ; tout m'est nouveau 3 tout intéresse ma curiosité, et rien ne peut la satisfaire. En vain j'emploie mon attention et mes efforts pour entendre LETTER I y. To AzA : Account of her trealment during her sickness. VV HATEVERthe love of life be , my dear Aza, pains diminish, despair extinguishes it. The contempt in which nature seems to hold our being, by abandoning it to despair , shocks us at first : aflerwards , the impossi- ])ility ofworking our deliverance proves such an humbling circumstance ^ that it leads us to a disgust of ourselves. I live no longer in , nor fur , myself : every instant in which I breathe , is a sacrifice wich I make to thy love , and from day to day it becomes more painful. If time brings some solace to the ills that consume me , far from clearing up my present condition , it seems to render it more obscure. All that surrounds me is unknown , all is new , all engages my curiosity, and no- thing can satisfy it. In vain I employ my at- tention and efforts to understand or be un- c;4 LEITRES d'une PERUVIENNE. OU pour être entendue' l'un et l'autre me sont également impossibles. Fatiguée de tant de peines inutiles , je crus en tarir la source, en dérobant à mes yeux l'impression qu'ils recevaient des objets: je m'obsîiaai quelque tems à les tenir fermés -, efforts infructueux! Les ténèbres volontaires auxquels je m'é- tais condamnée , ne soulageaient que ma modestie toujours blessée de la vue de ces ^hommes dont les services sont autant de supplices j mais mon âme n'en était pas moins agitée. Renfermée en moi-même , mes inquiétudes n'en étaient que plus vives, et le désir de les exprimer plus violent. L'impossibilité ensuite de me faire enten- dre répand encore jusque sur mes organes un tourment non moins insupportable que des douleurs qui auraient une réalité plus apparente. Que cetle situation est cruelle? Hélas! je croyais déjà entendre quelques mots des sauvages Espagnols ; j'y trouvais des rapports avec notre auguste langage ', je me flattais qu'en peu de tems je pourrais m'expliquer avec eux : loin de trouver le même avantage avec mes nouveaux tyrans , ils s'expriment avec tant c>e rapidité , que je ne distingue pas même les inflexions de LETTERS OF A PERUVIAN. 95 derstood 3 both are equally impossible to me. Wearied with so many fruitless pains, I thought to dry up the source of them, by de- priving my eyes of the impressions they re- reive from objects. I persisted for some time in keeping them shut : but the voluntary darkness , to which I condemned myself , served only to relieve my modesty : offended continually at the presence of these men , whose officious kindnesses are so many tor- ments , my soul was not the less agitated : shut up in myself, my inquietudes were not the less sharp , and the desire to express them was the more violent. On the other hand , the impossibility of making m^^self under- stood spread an anguish over my organs , which is not less insupportable than the pains which a more apparent reality would cause. How cruel is this situation! Alas Î 1 thought o I had begun to understand some^vords of the savage Spaniards ; I found some agreement with our august language ; I flattered myself that in a short time I should come to ex- plain myself with them. Far from finding the same advantage among my new tyrants, they express themselves with so much rapidity that I cannot even distinguish the inflexions g6 LETTRES d'une PERUVIENNE. leur voix. Tout me fait juger qu'ils ne sont pas de la même nation ; et à la cliflérence de leurs manières et de leur caractère ap- parent , on devine sans peine que Pachaca- mac leur a distribué , dans une grande dis- proportion , les élémens dont il a formé les humains. L'air grave et farouche des premiers fait voir qu'ils sont composés de la matière des plus durs métaux. Ceux-ci semblent s'être échappés des mains du créa- teur 5 au moment où il n'avait encore as- semblé , pour leur formation , que l'air et le feu. Les yeux fiers , la mine sombre et tranquille de ceux-là, montraient assez qu'ils étaient cruels de sang-froid ; l'inhumanité de leurs actions ne l'a que trop prouvé : le vi- sage riant de ceux-ci , la douceur de leurs regards , un certain empressement répandu sur leurs actions , et qui paraît être de la bienveillance , prévient en leur faveur 5 mais je remarque des contradictions dans leur conduite , qui suspendent mon jugement. Deux de ces sauvages ne quittent presque pas le chevet de mon lit: l'un , que j'ai jugé être le Cacique (i) à son air de grandeur, (i) Cacique est une espèce de gouverneur de province. LETTEl^S OF A PERUVIAN. 97 of tlieir voice. All circumstances make me judge that they are not of the same nation ; and by the difference of their manners and apparent character , one easily divines that Pachacamac has distributed to them in great disproportion the elements of which he for- med human kind. The grave and fierce aie of the firstj shews that they are composed of the same matter as the hardest metals. These seem to have slipped out of the hands of the creator the moment he had collected toge- ther only air and fire for their formation. The scornful eyes , the gloomy and tran- quil mein of the former , shewed suffi- ciently that they were cruel in cold blood, which the inhumanity of their actions has too well proved. The smiling countenance of the latter , the sweetness of their looks , a certain haste in all their actions , which seems to be a haste of good-will , prevents me in their favour , but I remark contra- dictions in their conduct which suspends my judgment. Two of these savages sel- dom quit the sides of my bed : one , which I guess to be the Cacique (i) by his air (i) Cacique is a kind of govern oj; of a province. Tome I, a- ijS LETTRES d'une PERUVIENNE. me rend , je crois , à sa façon , beaucoup de respect ; l'autre me donne une partie des secours qu'exige ma maladie ; mais sa bonté est dure , ses secours sont cruels , et sa familiarité impérieuse. Dès le premier moment où , revenue de ma faiblesse , je me trouvai en leur puis- sance , celui-ci ( car je l'ai bien remarqué ) , plus hardi que les autres , voulut prendre ma main , que je retirai avec une con- fusion inexprimable ; il parut surpris de ma résistance ; et , sansaucun égard pour la modestie , il la reprit à l'instant : fai- ble , mourante et ne prononçant que dés paroles qui n'étaient point entendues , pou- vais-je l'en empêcher ? il la garda , mon cher Aza , tout autant qu^il voulut ; et , depuis ce lems-là , il faut que je la lui donne moi-même plusi'^urs fois par jour , si je veux éviter des débats qui tournent toujours à mon désavantage. Cette espèce de cérémonie (i) me parait une supers- tition de ces peuples : j'ai cru remarquer (i) Les Indiens n'avaient aucune connaissance de la médecine. LETTERS OF A PERUVIAN. 99 of grandeur , seems to shew me in his way a great deal of respect : the other gives me part of the assistance which my ma- lady requires ; but his goodness is severe , his succours are cruel , and his familiarity imperious. The moment when 5 recovered from my fit , I found myself in their power , this latter ( for I have observed him well } more bold than the rest , would take me by the hand , which I dre\v away with inex- pressible confusion. He seemed to be sur- prised at my resistance , and without any regard to my modesiy , took hold of it again immediately. Feeble , dying , and speaking only such words as were not understood , could I hinder him? He held it , my dear Aza, as long as he thought proper 5 and since that time , I am obliged to give it hini myself several times every day , in order to avoid such disputes as always turn to my disadvantage. This kind of ceremony (1} seems to me a superstition of these people : they imagine they find something there (i) The Indians have no knowledge of physic, G 2 ÏOO LETTRES D'UKE PEllUVIENNE. que l'on y trouvait des rapports avec mon mal ', mais il faut apparemment être de leur îiation pour en sentir les effets ; car je n^en éprouve que très - peu : je souffre toujours d'un feu intérieur qui me con- sume : à peine me reste-t-il assez de force pour nouer mes Quipos. J'emploie à cette occupation autant de tems que ma fai- blesse peut me le permettre : ces noeuds , qui frappent mes sens , semblent donner plus de réalité à mes pensées 3 la sorte de ressemblance que j'imagine qu'ils ont avec les paroles , me fait une illusion qui trompe ma douleur : je crois te parler , te dire que je t'aime , t'assurer de mes vœux , de ma tendresse 3 cette douce erreur est mon bien et ma vie. Si l'excès d'accablement m'oblige d'interrompre mon ouvrage , je gémis de ton absence 3 ainsi , toute en- tière à ma tendresse , il n'y a pas un de mes momens qui ne t'appartienne. Hélas ! quel autre usage pourrais-je en faire, ô mon cher Aza ! quand tu ne serais pas le maître de mon âme 3 quand les chaînes de l'amour ne m'attacheraient pas insé- parablement à toi 3 plongée dans un abîme d'obscurité , pourrais - je détourner mes ■ LETTERS OP A PEPa^VlAN lOl which indicates the nature of a distemper , but it must doubtless be their own nation that feel the efl'ecis of it 3 for T perceive none : I suffer continually by an inward firë that consumes me , and have scarce streuglh enough left to knot my Quipos. In this occupation I employ as much time as my weakness will permit me : the knots, which strike my senses , seem to give more reality to my thoughts 3 the kind of resem- blance which I imagine they have with "words , causes an illusion which deceives my pain : I think I speak to thee , tell thee of my love , assure thee of my vows and my tenderness : the sweet error is my sup- port , and my life. If the excess of my burthen obliges me to interrupt my work , I groan at thy absence. Given up thus in- tirely to my tenderness , there is not one of my moments which belongs not to thee,, Alas ! what other use can I make of them? O my dear Aza ! if thou "wast not the master of my soul • if the chains of love did not bind me inseparably to thee 3 plunged in an abyss of obscurity , could I turn my thoughts away from the light of my life? Thou art the sua of my 102 LETTRES D'uNE PERUVIENNE. pensées de la lumière de ma vie ? Tu es le soleil de mes jours , lu les éclaires , tu les prolonges ; ils sont à toi. Tu me ché- ris : je consens à vivre. Que feras-tu pour moi? Tu m'aimeras 3 je suis récompensée. LETTERS OF A PERUVIAN. Io3 days 3 tliou enliglitenest them ; thou pro- longest them , and they are thine. Thou cherishest me , and I suffer myself to Jive. What ^vilt thou do for me ? thou lovest me , and I have my reward. L E T T R E V. A AzA : Elle décrit la conduite du capitaine français et celle de sou équipage. V )uE j'ai souffert , mon clier Aza, depuis les derniers nœuds que je t'ai consacrés î La privation de mes Quipos manquait au comble de mes peines : dès que mes offi- cieux perse'cuteurs se sont apperçus que ce travail augmentait mon accablement , ils m'en ont ôté l'usage. On m'a enfin rendu le trésor de ma ten- dresse ; mais je l'ai acheté par bien des larmes. Il ne me reste que cette expression de mes sentimens ; il ne me reste que la triste consolation de te peindre mes dou- leurs : pouvais-je la perdre sans désespoir ? Mon étrange destinée m'a ravi jusqu'à la douceur que trouvent les malheureux à par- ler de leurs peines : on croit être plaint , quand on est écouté ', une partie de noire chagrin passe sur le visage de ceux qui nous écoutent : quel qu'en soit le motif , leur alteutioii semble nous soulager. Je ne LETTER V. To AzA : she describes ihe behaviour of the French caplain and his crew. VV HAT have I fuffered , my dear Aza , since I consecrated to thee my last knots Î The loss of my Quipos was yet wanting to complete my pains : but when my of- ficious persecutors perceived that work to augment my disorder, they deprived me of the use of them. At last they have restored to me the treasure of my tenderness ; but with many tears did I purchase it. Only this expres- sion of my sentiments had I remaining, the mere sorrowful consolation of painting my grief to thee : and could I lose it , and not despair ? my strange destiny has snat- ched from me even the rehef which the unhappy find in speaking of their pains. One is apt to think there is pity when one is heard , and from the participation of sor- row arises some comfort : I cannot make Î06 LETTRES d'uNE PERUVIENNE. puis me faire entendre , et la gaîté m'en- vironne. Je ne puis même jouir paisible- ment de la nouvelle espèce de désert où nie réduit l'impuissance de communiquer mes pensées. Entourée d'objets importuns, leurs regards attentifs troublent la solitude de mon âme , contraignent les attitudes de mon corps, et portent la gène jusque dans mes pensées : il m'arrive souvent d'ou- blier cette heureuse liberté que la nature nous a donnée de rendre nos sentiniens im- pénétrables. Je crains quelquefois que ces sauvages curieux ne devinent les réflexions désavantageuses que m'inspire la bisarrerie de leur conduite. Un moment détruit l'opinion qu'un au- tre moment m'avait donnée de leur carac- tère et de leur façon de penser à mon égard. Sans compter un nombre infiai de petites contradictions , ils me refusent , mon cher Aza , jusqu'aux alimens nécessaires au soutien de ma vie, jusqu'à la liberté de choisir la place où je veux être ; ils me re- tiennent par une espèce de violence dans ce lit qui m'est devenu insupportable : je dois donc croire qu'ils me regardent comme leur esclave et que leur pouvoir est tyrannique. LETTERS OF A PERUVIAN. I07 myself understood, and am surrounded with gaiety. I cannot even enjoy that new kind of entertainment to which the inabiUty of communicating my thoughts reduces me. Environed Avith importunate persons , ^'\ hose attentive looks disturb the composed solici- tude of my soul , I forget the fairest present which nature has made us , the powTr to render our ideas impenetrable without the concurrence of our will. I am sometimes afraid that these curious savages discover the disadvantageous reflections with which T am inspired by the oddness of their conduct. One moment destroys the opinion ^vhich another had given me of their character : for if I am sAYayed b}^ the frequent opposition of their ^Yills to mine , I cannot doubt but the^y believe me their slave , and that their power is tyrannical. Not to reckon up an infinite number of other contradictions , they refuse me, my dear Aza, even the necessary aliments for the sustenance of life , and the liberty of chusing what place I would lie in : they keep me , by a kind of violence , in the bed , which is become Io8 LETTRES D'unE PÉRUVIENNE. D'un autre côté , si je réfléchis sur l'envie extrême qu'ils témoignent de conserver mes jours , sur le respect dont ils accompagnent les services qu'ils me rendent , je suis tentée de penser qu'ils me prennent pour un être d'une espèce supérieure à l'humanité. Au- cun d'eux ne paraît devant moi , sans cour- ber son corps , plus ou moins , comme nous avons coutume de faire en adorant le so- leil. Le Cacique semble vouloir imiter le cé- rémonial des Incas au jour du Raymi (i) : il se met sur ses genoux fort près de mon lit ; il reste un tems considérable dans cette posture gênante : tantôt il garde le silence 3 et , les yeux baissés , il semble rêver pro- fondément : je vois sur son visage cet embarras respectueux que nous inspire le grand nom (2) prononcé à haute voix. S'il trouve l'occasion de saisir ma main , il y porte sa bouche avec la même vé- nération que nous avons pour le sacré (i) Le Raymi, principale fête du soleil ; ITnca et les prêlres l'adoraient à genoux. (2) Le grand nom clait Pacliacamac ; onnelepro- nonrailque très-rarement et avec beaucoup de signes «l'adoration. LETTERS OF A PERUVIAN. IO9 insupportable to me. On the other side , if I reflect on the extreme concern thev have shewn for the preservation of my days , and the respect with which the ser- vices they render me are accompanied , I am tempted to believe that they take me for a species superior to human kind. Not one of them appears before me \vithout bending his body , more or less , as we used to do in worshipping the sun. The Cacique seems to attempt to imitate the ceremonial of the Tucas on the days of Raymi (i) : he kneels down very nigh my bed-side, and continues a considerable time in that painful posture : sometimes he keeps silent , and , with his eyes cast down , seems to think profoundly : I see in his countenance that respectful confusion which the great name (2) inspires us with when spoken aloud. If he finds an opportunity of taking hold of my hand , he puts his mouth to it with the same veneration that we have ' ■ ■ ' ' — — — — «I (i) The Raymi was the principal least of tbe sun, Tihen the Incas and priests adored him on their knees. (2) The great name Avas Pachaoamas , which they spoke but seldom , and ahvays with great sings of adoration. no LETTRES D'UNE PÉRUVIENNE. diadème (i). (Quelquefois il prononce un ^ grand nombre de mots qui ne ressemblent point au langage ordinaire de sa nation j le son en est plus doux, plus distinct, plus mesuré. Il y joint cet air touché qui pré- cède les larmes; ces soupirs qui expriment les besoins de l'âme ; ces accens qui sont presque des plaintes , enfin tout ce qui ac- compagne le désir d'obtenir des grâces. Hé- las ! mon cher Aza , s'il me connaissait bien, s'il n'était pas dans quelque erreur sur mon être , quelle prière aurait-il à me faire ? Celle nation ne ser'^it-elle point idoléitre ? Je ne lui ai encore vu faire aucune ado- ration au soleil : peut-être prennent-ils les femmes pour l'objet de leur culte. Avant que le grand Mancocapac (2) eût apporté sur la terre les volontés du soleil , nos an- ciens divinisaient tout ce qui les frappait de crainte ou de plaisir : peut-être ces sau- vages n'éprouvent-ils ces deux sentimens (i) On baisail le dinù^me àe Maiicocapac, comme nous baisons les reliques de nos saints. (2) Premier Icgislaleui des Indiens. Vojezthistove des lu cas. LETTERS OP A PERUVIAN. Ill for the sacred diadem (i). Somelimes he utters a great number of words , which are not at all Uke the ordinary language of his nation : the sound of them is more soft , more distinct , and more harmonious. He joins to this that air of concern which is the forerunner of tears , those sighs which express the necessities of the soul , the most plaintive action , and all that usually accom- panies the desire of obtaining favours! Alas, my dear Aza, if he knew^ me Avell , if he was not in some error w^ith regard to my being , what prayer could he have to address to me ? Must they not be an idolatrous nation?! have not yet seen any adoration paid by them to the sun : perhapsthey make women the ob- ject of their worship. Before the great Manco- capac (2) brought do^vn to earth the will of the sun , our ancestors deified whatever struck them with dread or pleasure 3 perhaps these savages feel these two sentiments with regard (i) They kissed the diadem of Mancocapac in the same manner as the roman cathoHcs kiss the relics of their saints. (2) The first legislator of the Indians. See [he history qfUie In cas. 112 LETTRES D'uNE PERUVIENNE. que pour les femmes. Mais , s'ils m'adoraient, ajouteraient - ils à mes malheurs l'affreuse contrainte où ils me retiennent? Non 3 ils chercheraient à me plaire , ils obéiraient aux signes de mes volontés : je serais libre : je sortirais de cette odieuse demeure ; j'i- rais chercher le maître de mon ame : un seul de ses regards effacerait le souvenir de tant d'iafortuues. LETTERS OF A PERUVIAN. Il3 to women. But if they adore me , would they add to my misfortunes the hideous constraint in w^hich they keep me ? No 3 they would endeavour to please me 3 they would obey the tokens of my will : I should be free, and released from this odious habi- tation : I should go in search of the master of my soul , one of whose looks would efface the memory of all these misfortunes. To7ne I. H LETTRE VI. A A z A ; Elle l'inslniit de sa sifualion : son désespoir à ce sujet. V JuE LLE horrible surprise, mon cher Aza! Que nos malheurs sont augmentés ! Que nous sommes à plaindre ! nos maux sont sans remède : il ne me reste qu'à te l'appren- dre et à mourir. On m'a enfin permis de me lever : j'ai profité avec empressement de cette liberté : je me suis traînée à une i petite fenêtre qui , depuis long-tems, était l'objet de mes désirs curieux ; je l'ai ouverte avec précipitation : qti'ai-je vu ? cher amour de ma vie! je ne trouverai point d'expres- sions pour te peindre l'excès de mon éton- nement et le mortel désespoir qui m'a saisie , en ne découvrant autour de moi que ce terrible élément dont la vue seule fait fré- mir. Mon premier coup-d'œil ne m'a que trop éclairée sur le mouvement incommode tie noire demeure. Je suis dans une de ces maisons flottantes dont les Espagnols se sont .servis pour atteindre jusqu'à nos malheu- LETTER VI. To Aza: she discovers where she is ; her despair on the occasion. V V HAT an horrible surprise, my dear Aza. ! how are our woes augmented ! how deplorable is our condition ! our evils are without remedy : T have only to tell thee of them , and to die. At last they have permit- ted me to get up , and with haste I availed myself of the liberty. I drew myself to a small window , which I opened with all the precipitation that my curiosity inspired. W hat did I see ? Dear love of my life , I shall not find expressions to paint the excess of my astonishment , and the incurable despair that seized me, when I discovered round me nothing but that terrible element , the very sight of which makes me tremble. My first glance did but too well inform me what occasioned the troublesome mo- tion of our dwelling. J am in one of those floating houses which the Spaniards made use of to arrive at our unhappy countries , H 2 Il6 LETTRES D'UNE PERUVIENNE. reuses contrées , et dont on ne m'avait fait qu'une description tiês-imparfaile. Conçois- 1u , cher Aza , quelles idées funestes sont entrées dans mon âme avec cette affreuse connaissance ? Je suis certaine que l'on m'é- loigne de toi , je ne respire plus le même air , je n'habite plus le même élément : tu ignoreras toujours où je suis , si je t'aime, si j'existe 3 la destruction de mon être ne paraîtra pas même un événement assez con- sidérable pour être porté jusqu'à toi. Cher arbiti^ de mes jours , de quel prix te peut être désormais ma vie infortunée ? Souffre que je rende à la divinité un bienfait insup- portable dont je ne veux plus jouir; je ne ie verrai plus , je ne veux plus vivre. En perdant ce que j'aime, l'univers est anéanti pour moi : il n'est plus qu'un vaste désert que je remplis des cris de mon amour : entends - les , cher objet de ma tendresse , sois-en touclié , permets que je meure! ' Quelle erreur me séduit ! non , mon cher Aza , non , ce n'est pas toi qui m'ordonnes <3e vivre 3 c'est la timide nature qui , en frémissant d'horreur , emprunte ta voix plus puissante que la sienne , pour retarder LETTERS OF A PERUVIAN. 117 and of ^vllicll a very imperfect description had been given me. Conceive my dear Aza, what dismal ideas entered my soul with this fatal knowledge? I am certain that they are carrying me from thee : I breathe no more the same air , nor do T iîihabit the same element. Thou wilt ever be ignorant w^here I am , whether I love thee , whether I exist 3 even the dissolution of my being will not appear an event considerable enough to be conveyed to thee. Dear arbiter of my days, of what value will my life be to thee hereafter ? Permit me to reiider to the divinity an insupportable benefit , which I can no more enjoy: 1 shall not see thee again and I will live no longer. In losing what T love J the universe is annihilated to me : it is now nothing but a vast desert, whicli I fill with the cries of my love. Hear them, dear object of my tenderness ; be touched with them , and suffer me to die ! What error seduces me ? my dear Aza, it is not thou that makest me live : it is ti- mid nature , which shuddering with horror , lends this voice , more powerful than its own , to retard an end which to her is ii8 LETTRES D'une péruvienne. une fin toujours redoutable pour elle 3 mais c'en est fait : le moyen le plus prompt me délivrera de ces regrets. Que la mer abiflic à jamais dans ses flots ma tendresse mal- heureuse, ma vie et mon désespoir. Krçois, trop malheureux Aza , reçois les derniers sentimens de mon cœur : il n'a reçu que ton image ; il ne voulait vivre que pour toi, il meurt rempli de ton amour. Je t'aime , je le sens encore , je le dis pour la dernière fois. LETTERS OF A PERUVIAN. IlC) always formidable : but it is over 3 the most ready means shall deliver me from her regrets. Let the sea for ever swallow up ia its waves my unhappy tenderness, my life, and my despair. Receive , most unfortunate Aza, receive the last sentiments of my Jieart , which never admitted but thy image , ^vas willing to live but for ihce , and dies full of thy love. I love thee , I think it, I feel it still, and I tell it thee for the last time. LETTRE Y I I. A AzA : Elle se repent de son désespoii , xV. z A , tu n'as pas tout perdu , tu règnes encore sur un cœur : je respire. La vigilance de mes surveillans a rompu mon funeste dessein -, il ne me reste que la honte d'en avoir tenté l'exécution. Je ne t'apprendrai point les circonstances d'un projet aussitôt détruit que formé. Oserais-je jamais lever ]es yeux jusqu'à toi , si tu avais été témoin de mon emporlement. Ma raison , anéantie par le désespoir , ne m'était plus d'aucun secours : ma vie ne me paraissait d'aucun prix y j'avais oublié ton amour. Que le sang-froid est cruel après la fu- reur ! que les points de vue sont différens sur les mêmes objets ! dans l'horreur du désespoir , on prend la férocité pour du courage et la crainte des souffrances pour de la fermeté. Qu'un mot, un regard, une surprise nous rappellent à nous - mêmes , nous ne trouvons que de la faiblesse pour LETTER VII. To AzA : sherepeuls of her desperate purpose. XjLZA, til ou hast not lost all: I breathe, and thoii reignest sdll in one heart. The vigilance of those who watch me , defeated my fatal design , and I have only the shame left of having attempted its execution. It w^ould be too long to inform thee of the circumstances of an enterprize that failed as soon as it was projected. Should I have dared ever to lift up my eyes to thee , if thou had been a witness of my passion ? My reason , subjected to despair , was no longer a succour to me : my life seemed to me \vorth nothing: I had forgot thy love. How cruel is a cool temper after fury ! how different are the points of sight on the same object ! in the horror of despair fe- rocity is taken for courage , and tiie fear of suffering for firmness of mind. Let a look , a surprise callus back to ourselves, and vve find that weakness only was the |)riiiciple 122 LETTRES D'uNB PERUVIENNE. principe de notre hépoïsme , pour fruit que le repentir, et que le mépris pour récom- pense. La connaissance de ma faute en est la plus sévère punition. Abandonnée à l'a- merlume des remords , ensevelie sous le voile de la honte , je me tiens à l'écart j je crains que mon corps n'occupe trop de place ; je voudrais le dérober à la lumière : mes pleurs coulent en abondance 3 ma dou- leur est calme 3 nul son ne l'exhale ; mais je suis toute à elle. Puis-je trop expier mon crime? il était contre toi. En x^ain depuis deux jours , ces sauvages bienfaisans vou- draient me faire partager la joie qui les transporte : je ne fais qu'en soupçonner la cause ; mais , quand elle me serait plus con- nue , je ne me trouverais pas digne de me mêler à leurs fêtes. Leurs danses , leurs cris de joie , une liqueur rouge , semblable au Majs (i) , dont ils boivent abondamment, leur empressement à contempler le soleil par tous les endroits d'où ils peuvent (l) Le Mays est une p'anle dont les Indiens font une boisson forte e( salutaire ; ils en présentent an soleil les jours de ses fêles , el ils en boivent jusqu'à l'ivresse »\\ïhi\e st!iCï\ï\ce, Voyez Vhistoirc des Incas. lorii. II. LETTERS OF A PERUVIAN. 1-23 of our heroism 3 that repentance is the fruit of it, and contempt the recompense. The knowledge of my fault is the most severe punishment of it. Abandoned to the bit- terness of repentance, buried under the veil of shame , I hold myself at a distance , and fear that my body occupies too mucli space : I would hide it from the light : my tears flow in abundance j my grief is calm , not a sigh expires , though I am quite given up to it. Can I do too much to expiate my crime ? it was against thee. In vain , for two days together these beneficent savages have endeavoured to make me a partaker of the joy that transports them. I am in continual doubt what can be the cause of this joy; but, even if I knew it better,! should not think myself worthy to share in their festivals. Their dances , their jovial exclamations, a red liquor like Mays (i), of wdiich they drink abundantly, their eagerness to view the sun whenever they (l) Mays is a plant whereof the Indians make a very slrongand salutary drink , which they ofïVjr to the sun on festival days, and get drunk with after ihe sacrifice is over. See hislor)' of ihe Incas. vol. II. 124 LETTRES D'unE PERUVIENNE. l'appercevoir, ne me laisseraient pas douter que cette réjouissance ne se fit en l'hon- neur de l'astre divin , si la conduite du Cacique était conforme à celle des autres. JMais loin de prendre part à la joie pu- blique , depuis la faute que j'ai commise , il nen prend qu'à ma douleur. Son zèle est plus respectueux , ses soins plus assidus , son attention plus pénétrante. II a deviné que la présence continuelle des sauvages de sa suite ajoutait la contrainte à mon afflic- tion ; il m'a délivrée de leurs regards im- portuns : je n'ai presque plus que les siens à supporter. I.e croirais-tu , mon cher Aza? il y a des momens où je trouve de la douceur dans ces entreliens muets: le feu de ses yeux me rappelle l'image de celui que j'ai vu dans les liens ; j'y trouve des rapports qui sédui- sent mon cœur. Hélas! que cette illusion est passagère , et que les regrets qui la suivent sont durables ! Ils ne finiront qu'avec ma vie 5 puisque je ne vis que pour toi. LETTERS OF A PERUVIAN. 12^ can perceive him, avouIcI fully convince me that their rejoicings were in honour of that divine luminary , if the conduct of the Cacique was conformable to that of the rest. But , far from taking part in the public joy, since the fault I committed, he inte- rests himself only in my sorrow. His zeal is more respectftd , his cares are more assi- duous , and his attention is more exact and curious. He understood that the continual presence of the savages of his train about me , was an addition to my affliction ', he has delivered me from their troublesome officiousness , and I have now scarcely any but his to support. W ouldst thou believe it , my dear Aza , there are some moments in which I feel a kind of sweetness in these mute dialogues ; the fire of his eyes recals to my mind the image of that which I have seen in thine : the similitude is such that it seduces my heart. Alas that this illusion is transient, and that the regrets which follow it are dura- ble ! they will end only with my life , since I live for thee alone. LETTRE VIII. A Az A : On lui montre la terre. \/UAND un seul objet réunit toutes nos pensées , mon cher Aza , les événemens ne nous intéressent que par les rapports que nous y trouvons avec lui. Si tu n'étais le seul mobile de mon âme , aurais-je passé comme je viens de faire , de l'horreur du désespoir à l'espérance la plus douce? Le Cacique avait déjà essayé plusieurs fois inutilement de me faire approcher de cette fenêtre , que je ne regarde plus sans frémir. Enfin , pressée par de nouvelles instances , je m'y suis laissée conduire. Ah î mon cher Aza , que j'ai été bien récompensée de ma complaisance ! Par un prodige incompréhen- sible , en me faisant regarder à travers une espèce de canne percée , il m'a fait voir la terre dans un éloignement où , sans le se- cours de ccile merveilleuse machine , mes yeux n'auraient pu atteindre. En même teins ; il in'a fait entendre par des signes LETTER VIII. To AzA : She is shewn fhe land. When a single object unites all our thoughts , my dear Aza , we interest our- selves no farther in events than as we find them assimilated to our own case. If thou wast not the only mover of my soul , could T have passed , as I have just done , from the horror of despair to the most flat(ering hope ? The Cacique had before several tinies in vain attempted to entice me to that window, which I now cannot look at wi- thout sluiddering. At last , prevailed on by fresh solicitations , I suffered myself to be conducled to it. Oh , my dear Aza , how well was I recompensed for my complai- sance ! By an incomprehensible miracle in making me look through a kind of hol- low cane , he shewed me the earlh at a distance ; whereas , without the help of this wonderful machine , my e^^es coidd not have reached it. At ihe same time, he made me undersland by signs, ( which 128 LETTRES D'UNE PERUVIENNE. ( qui commencent à me devenir familiers ) , que nous allons à cette terre , et que sa vue était l'unique objet des réjouissances que j'ai prises pour un sacrifice au soleil. J'ai senti d'abord tout l'avantage de cette dé- couverte : l'espérance , comme un trait de lumière , a porté sa clarté jusqu'au fond de mon cœur. Il est certain que l'on me conduit à cette terre que l'on m'a fait voir 3 il est évident qu'elle est une portion de ton empire , puis- que le soleil y répand ses rayons bienfai- sans (i). Je ne suis plus dans les fers des cruels Espagnols. Qui pourrait donc m' em- pêcher de rentrer sous tes lois ? Oui , cher Aza j je vais me réunir à ce que j'aime. Mon amour , ma raison , mes désirs , tout m'en assure. Je vole dans tes bras : un torrent de joie se répand dans mon âme , le passé s'évanouit , mes malheurs sont finis 3 ils sont oubliés : l'avenir seul m'occupe 3 c'est mon unique bien. (i) Les Indiens ne connaissaient pas notre hémis- phère , et croyaient que le soleil n'éclairait que la terre de ses enlans. LETTERS OF A PERUVIAN. 1 29 begin to grow familiar to me ) that ^ve were going to that land , and that the sight of" it was the only cause of those rejoicings ^vhich I took for a sacrifice to the sun. I was immediately sensible of all the benefit of this discovery : hope , like a ray of light, glanced directly to the bottom of my heart. They are certainly carrying me to this land which they have shewn me , and which is evidently a part of thy empire , since the sun there sheds his beneficent rays (i). I am no longer in the fetters of the cruel Spaniards : Who then shall hin- der my returning under thy laws ? Yes , my dear Aza , I go to be reunited to what I love : my love , my reason , my desires , all assure me of it. I fly into thy arms ; a torrent of joy overflows my soul ; the past is vanished j my misfortunes are ended, they are forgotten : futurity alone emploA/S me, and is m}^ sole good. ^i) The Indians knov/ not cur hemisphere , and believe thai the sun enlightens only the land of" his children. Tome T. I l3o LETTRES D'uNE PERUVIENNE. Aza , mon cher espoir , je ne t'ai pas perdu 3 je verrai Ion visage, tes habits, ton ombre 3 je t'aimerai , je te le dirai à toi-même. Est-il des tourmens qu'un tel bonheur u'efl'ace ? LETTERS OF A PERUVIAN. l3l Aza , my deat hope , I have not lost thee 3 I shall see thy countenance , thy robes , thy shadow , I shall love thee , and tell thee of it with my own mouth. Can any torments eiface such a felicity ? I 3 LETTRE IX. A Az a: Elle apprend quelques mois français, et en répèle d'autres sans savoir leur signification. vJuE les jours sont longs, quand on les compte , mon cher Aza ! Le tems ainsi que l'espace n'est connu que par ses limites. Il me semble que nos espérances marquent celles du tems, et que, si elles nous aban- donnent , ou qu'elles ne soient pas sensible- ment marquées , nous n'appercevons pas plus la durée du tems , que l'air qui remplit l'espace. Depuis l'instant fatal de notre sé- paration , mon âme et mon cœur, égale- ment flétris par l'infortune , restaient ense- velis dans cet abandon total, horreur de la nature , image du néant : les jours s'écou- laient sans que j'y prisse garde : aucun es- poir ne fixait mon attention sur leur lon- gueur : à présent que l'espérance en marque tous lesinstans , leur durée me paraît infinie , et je goûte le plaisir , en recouvrant la tran- quillité de mon esprit, de recouvrer la faci- lité de penser. Depuis que mon imagination LETTER IX. To AzA ; She learns sorxie f'rench names , and repeals other words wilhout knowing their meaning. XXow long are the days, my dear Aza , ^vl^en one computes their passage Î Time , like space , is known only by its Hmits. Our hopes seem to me the hopes of time 3 if they quit us, or are not distinctly marked , we perceive no more of their duration than of the air which fills the vast expanse. Ever since the fatal instant of our separa- tion , my heart and soul, worn with mis- fortune , continued sunk in that total ab- sence, that oblivion which is the horror of nature , the image of nothing : the days passed away without my regarding them , for not a liope fixed my atlention to their length. But hope now marks every instant of them ; their duration seems to me infi- nite ; and what surprises me most of all is , that , in recovering the tranquillity of ray spirit , I recover at the same time a faci- lity of thinking. Since my imagination ha? 1 34 LETTRES d'une PERUVIENNE. est ouverte à la joie , une foule de pensées qui s'y présentent , l'occupent jusqu'à la fatiguer. Des projets de plaisirs et de bonheur s'y succèdent alternativement 3 les idées nouvelle? y sont reçues avec facilité j celles même dont je ne m'étais point apperçue , s'y retracent sans les chercher. Depuis deux jours , j'entends plusieurs mots de la langue du Cacique , que je ne croyais pas sa- voir. Ce ne sont encore que les noms des ob- jets : ils n'expriment point mes pensées , et ne me font point entendre celles des au- tres 3 cependant ils me fournissent déjà quel- ques éclaircissemens qui m'étaient néces- saires. Je sais que le nom du Cacique est Déierville ; celui de notre maison flottante, vaisseau ; et celui de la terre où nous allons , Fra?7ce. Ce dernier nom m'a d'abord effrayée : je ne me souviens pas d'avoir entendu nom- mer ainsi aucune contrée de ton royaume ; mais faisant réflexion au nombre infini de celles qui le composent , et dont les noms me sont échappés, ce mouvement de crainte s'est bientôt évanoui : pouvait-il subsister long-tems avec la solide confiance que me donne sans cesse la vue du soleil? Non, mon LETTERS OF A PERUVIAN. l3S been opened to joy , a crowd of thoughts present themselves , and employ it even to fatigue : projects of pleasure and happiness succeed one another alternately ; new ideas . find an easy reception , and some are even imprinted without my search , and before I perceive it. Within these tAvo days I un- derstand several words of the Cacique' s \a.n- guage , which I was not before acquainted with. But they are only terms applicable to objects , not expressive of my thoughts , nor sufficient to make me understand those of others : they give me some lights , however , which were necessary for my satisfaction. I know that the name of the Cacique is DéterviUe ; that of our floating house . a ship ; and that of the country we are going to , France. The latter at first frightened me , as I did not remember to have heard any province of thy kingdom called so : but reflecting on the infinite number of countries under thy dominion, the names of which I have forgot , my fear quickly vanished. Could it long subsist \vith that solid confidence which the sight of the sun gives me inces- santly ? No , m}^ dear Aza , that divine •r- 1 36 LETTRES d'une PERUVIENNE. cher AzcT. , cet astre divin n'éclaire que ses enfans : le seul doute me rendrait criminelle. Je vais rentrer sous ton empire , je touche au moment de te voir , je cours à mon bonheur. Au milieu des transports de ma joie , la reconnaissance me prépare un plaisir déli- cieux. Tu combleras d'honneur et de riches- ses le Cacique bienfaisant qui nous rendra l'un à l'autre : il portera dans sa province le souvenir de Zilia ; la récompense de sa vertu le rendra plus vertueux encore , et son bonheur fera ta gloire. Rien ne peut se comparer , mon cher Aza , aux bontés qu'il a pour moi ; loin de me traiter en esclave , il semble être le mien. J'éprouve à présent autant de complaisances de sa part que i'en éprouvais de contradictions durant ma maladie : occupé de moi , de mes inquié- tudes , de mes amusemens, il paraît n'avoir plus d'autres soins. Je les reçois avec un peu moins d'embarras , depuis qu'éclairée par l'habitude et par la réflexion , je vois que j'étais dans l'erreur sur l'idolâtrie do^it je le soupçonnais. Ce n'est pas qu'il ne répète souvent à peu près les mêmes démojisfra- tions que je prenais pour un culte , mais le ton , l'air et ^forme qu'il y emploie, me LETTERS OF A PERUVIAN. 1 37 luminary enlightens only his children. To doubt this would be criminal in me : I am returning into thy empire ; I am on the point of seeing thee ; 1 run to my felicit}^ Amidst the transports of my joy , grati- tude prepares me a delicious pleasure. Thou wilt load with honour and riches the be- neficent Cacique , who shall restore us one to the other : he shall bear into his own country the remembrance of Zilia; the re- compence of his virtue shall render him still more virtuous, and his happiness shall be thy glory. Nothing can compare , my dear Aza , to the kindness he shews me. Far from treating me as his slave , he seems to be mine. He is now altogether as com- plaisant to me , as he was contradictory during my sickness. My person , my in- quietudes , my amusements , seem to make up his whole employment, and to engage all his care. I admit his offices with less confusion , since custom and reflexion have informed m,e that I was in an error with regard to the idolatry I suspected him guilty of. Not that he does not continue to repeat much the same demonstrations which I took for worship ; but the toije, the air, W l38 LETTRES d'une PERUVIENNE. persuadent que ce n'est qu'un jeu à l'usage de sa nation. Il commence par me faire prononcer dis- tinctement des mots de sa langue , et il sait bien que les dieux ne parlent pas. Dès que j'ai répète après lui , oui ^ je iwus aime., ou bien , y^ vous promets d'être à vous , la joie se répand sur son visage 3 il me baise les mains avec transport et avec un air de gaité tout contraire au sérieux qui accom- pagne le culfe divin. Tranquille sur sa re- ligion , je ne le suis pas entièrement sur le pays d'où il tire son origine. Son langage et SCS liabillemens sont si difFérens des nô- tres que souvent ma confiance en est ébran- lée. De fôcheuses réflexions couvrent quel- quefois de nuages ma plus chère espérance : je passe successivement de la crainte à la joie, et delà joie à l'inquiétude. Fatiguée de la confusion de mes idées , rebutée des in- certitudes qui me déchirent , j'avais résolu de ne plus penser ; mais comment ralen- tir le mouvement d'une âme privée de toute communication , qui n'agit que sur elle- même , et que de si grands intérêts exci- LETTERS OF A PERUVIAN. 189 and manner he makes use of, persuade me that it is only a diversion in his country manner. He begins by making me pronounce dis- tinctly some words in his language, and he know^s well that the gods do not speak. As soon as I have repeated after him , I'es I love you , or else , I promise to he yours , joy expands over his countenance , he kisses my hands v^dth transport , and with an air of gaiety quite contrary to that gra- vity which accompanies divine adoration. Easy as I am on the head of religion , I am not quite so with regard to the country from whence he comes. His language and his apparel are so different from ours, that they sometimes shock my confidence : uneasy reflections sometimes cloud over my dear hope 3 I pass successively from fear to joy , and from joy to inquietude. Fati- gued with the confusion of my thoughts , sick of the uncertainties that torment me , I had resolved to think no more on the sub- ject : but what can abate the anxiety of a soul deprived of all communication , that acts only on itself^ and is excited to reflect 140 LETTRES d'une PÉHUVIENXE. lent à réfléchir ? Je ne le puis, mon cher Aza ; je cherche des lumières avec une agi- tation qui me dévore , et je me trouve sans cesse dans la plus profonde obscurité. Je savais que la privation d'un sens peut trom- per à quel(]ues égards , et je vois avec sur- prise que l'usage des miens m'entraîne d'er- reurs en erreurs. L'intelligence des langues serait-elle celle de l'âme ? O cher Aza ! que ' mes malheurs me font entrevoir de fâcheu- ses vérités ! Mais que ces tristes pensées s'é- loignent de moi : nous touchons à la terre. - La lumière de mes jours dissipera en un mo- ment les ténèbres qui m'environnent. LETTERS OF A PERUVIAN. 141 by such important interests ? I cannot ex- press my impatience, my dear Aza 3 I search for information with an eagerness that de- vours me , and yet continually find myself in the most profound obscurity. I knov/ that the privation of a sence may in some respects deceive ; and yet I see with sur- prise , that the use of all mine drag me on from error to error. Would the intelligence of tongues be a key to the soul? O my dear Aza , how many grievous truths do I see through my misfortunes ! but far from me be these troublesome thoughts : we touch the land. The light of my days shall in a moment dissipate the darkness which sur- rounds me. LETTRE X. A A z A : Son arrivée en France. J E suis enfin arrivée à cette terre , l'objet de mes désirs, mon cher Aza^ mais je n'y vois encore rien qui m'annonce le bonheur que je m'étais promis : tout ce qui s'offre à mes yeux me frappe, me surprend , m'é- tonne et ne me laisse qu'une impression vague , une perplexité stupide dont je ne cherche pas même à me déhvrer. Mes er- reurs répriment mes jugemens -;, je demeure incertaine , je doute presque de ce que je vois. A peine étions-nous sortis de la mai- son flottante , que nous sommes entrés dans une ville bâtie sur le rivage de la mer. I.e peuple , qui nous suivait ejsj foule , me pa- raît être de la même nation que le Cacique : mais les maisons n'ont aucune ressemblance avec celles des villes du soleil ; si celles-là les surpassent en beauté par la richesse de leurs ornemens , celles-ci sont fort au-dessus par les prodiges dont elles sont remplies. En entrant dans la chambre où Déterville m'a logée , mon cœur a tressailli 3 j'ai vu LETTER X. To A z A : Her arrival in France. X AM at last arrived at this land , tlie ob- ject of my desires : but my dear Aza , I do not yet see any thing , that confers the happiness I had promised myself : every object strikes , surprises , astonishes , and leaves on me only a vague impression , and stupid perplexity , which I do not attempt to throw off. My errors destroy my judg- ment 3 I remain uncertain , and almost doubt of what I behold. Scarce were wq got out of the floating-house , but we en- tered a town built on the sea-shore. The people , who followed us in crowds, appea- red to be of the same nation as the Cacique : and the houses did not at all resemble those of the cities of the sun : but if these surpass the first in beauty, by the richness of their ornaments , those are to be preferred , on account of the prodigies with which they are filled. Upon entering the room assigned me by Déterville , my heart leaped : I saw 144 LETTRES d'une PERUVIENNE. dans renfoncement une jeune personne ha- billée comme une vierge du soleil; j'ai couru à elle les bras ouverts. Quelle fut ma sur- prise , mon cher Aza , de ne trouver qu'une résistance impénétrable , où je voyais une figure humaine se mouvoir dans un espace fort étendu. L'étonnement me tenait immo- bile , les yeux attachés sur cette ombre , cjuand Déterville m'a fait remarquer sa pro- pre figure à côté de celle qui occupait toute mon attention : je le touchais , je lui par- lais , et je le voyais en même tems fort près et fort loin de moi. Ces prodiges trou- blent la raison, offusquent le jugement. Que faut-il penser des habitans de ce pays? Faut-il les craindre, faut-il les aimer? Je me garderai bien de rien déterminer suc un objet aussi déUcat. Le Cacique m'a fait comprendre que la figure que je voyais était la mienne ; mais de quoi cela m'instruit-il ? Le prodige en est-il moins grand? Suis-je moins mortifiée de ne trouver dans mon esprit que des erreurs ou des ignorances ? Je le vois avec douleur , mon cher Aza , les moins habiles de cette contrée sont plus savans que tous nos Amautas, LETTERS OF A PERUVIAN. Ï4S fronting the door , a young person dressed like a virgin of the sun and ran to her with open arms. Ho^v great was my surprise to find nothing bat an impenetrable resistance where I saw a human figure move in a very extended space ! Astonishment held me immoveable , with my eyes fixed upon this object , when Deterville made me ob- serve his own figure on the side of that w^hich engaged all my attention : I touched him , T spoke to him , and I saw him at the same time very near and very far from me. These prodigies confound reason , and blind the judgment. What ought we to think of the inhabitants of this countr}^? should we fear , or should we love them ? I will not lake upon me to come to any determination upon so nice a subject. The Cacique made me understand , that the fi- gure which I saw was my own ! But Avhat information does that give me? Does it make the wonder less great ? Am I the less mortified to find nothing but error and ignorance in my mind ? With grief I see it , my dear Aza 3 the least knowing in this country are wiser than all our Amutas. Tojne f. K 146 LETTRES d'une PÉRUVIENNE. Détervilfe m'a donné une China (i) jeune et fort vive ; c'est une grande douceur pour moi que celle de revoir des femmes et d'en être servie : plusieurs autres s'empressent à me rendre des soins 3 mais j'aimerais autant qu'elles ne le fissent pas , car leur présence réveille mes craintes. A la façon dont elles 3 me regardent je vois bien qu'elles n'ont pas été a Cuzco (2). Cependant je ne puis en- core juger de rien , mon esprit flottant tou- jours dans une mer d'incertitudes 3 mon cœur , seul inébranlable , ne désire , n'es- père et n'attend qu'un bonheur sans lequel tout ne peut être que peines. ^ ■ . ■ ■ t (i) Servante ou femme-de-chambrc, {z) Capitale du Pérou, LETTERS OF A PERUVIAN. 147 The Cacique has given me a young and very sprightly China (i) and it affords me great pleasure to see a woman again , and to be served by her. Many others of my sex wait upon me 5 but T had rather they would Jet it alone, for their presence awakens my fears. One may see by their manner oi looking on me , that they have never been at Cuzco (2). However , as my spirit floats continually in a sea of uncertainties , I can judge of nothing. My heart , alone unshaken , desires, expects , waits for one happiness only , without which all the rest is pain and vexation. (i)A maid-servant or chambermaid. ( 2 ) The capital of Peru. K 3 LETTRE XI. A A Z A : Difrércntes remarcjues sur ce qu'elle voit. V^uoiQUE j'aie pris tous les seins qui sont en mon pouvoir pour requérir quelque lu- mière sur mon sort , mon cher Aza , je n'en suis pas mieux instruite que je l'étais il y a trois jours. Tout ce que j'ai pu remar- quer , c'est que les sauvages de cette contrée paraissent aussi bons , aussi humains que le Cacique. Ils chantent et dansent comme s'ils avaient tous les jours des terres à cul- tiver (i). Si je m'en rapportais à l'opposi- tion de leurs usages à ceux de notre nation , je n'aurais plus d'espoir ; mais je me sou- viens que ton auguste père a soumis à son obéissance des provinces fort éloignées , et dont les peuples n'avaient pas plus de rap- port avec les nôtres : pourquoi celle-ci n'en serait-elle pas une ? Le soleil paraît se plaire (i) Les terres se cultivaient en commun au Pérou , et les jours de ce travail étaient des jours de ré- jouissance. LETTER XI. To A z A : Several remarks on what she sees. JL HOUGH T have taken all ilie pains in my power to gain some liglit with respect to my present situation , I am no better infor- med at this instant than I was three days ago. All that I have been able to o'iserve is , that ihe other savages of this country appear as good and as humane as the Ca- cique. They sing and dance , as if they had lands to cultivate every day (i). If I was to form a judgment from the opposition of their customs to those of our nation ^ I should not have the least hope : but T re- member ihat thy august father subjected to his obedience provinces very remote , the people of Avliich had nothing in common with us. W hy may not this be one of those provinces ? The sun seems pleased to en- (i) The lands in Peru are cnlfivated in common , and ihe days they are about this work , are always days ot" rejoicing. l5o LETTRES D*UNE PÉRUVIENNE. à l'cclairer ; il est plus beau , plus pur que je lie l'ai jamais vu (i). J'aime à me li- vrer à la confiance qu'il m'inspire : il ne me reste d'inquiétude que sur la longueur du tems qu'il faudra passer avant de pou- voir m'éclaircir tout à fait sur nos intérêts 5 car 5 mon cher Aza , je n'en puis plus dou- ter : le seul usage de la langue du pays pourra m'apprendra la vérité et finir mes inquiétudes. Je ne laisse échapper aucune occasion de m'instruire ; je profite de tous les momens où Déterville me laisse en li- berté pour prendre des leçons de ma China. C'est une faible ressource : ne pouvant lui faire entendre mes pensées , je ne puis for- mer aucun raisonnement avec elle. J'ap- prends à connaître le nom des objets (jui frappent mes yeux. Les signes du Cacique me sont quelquefois plus utiles. L'habitude nous en a fait une espèce de langage (Uii nous sert au moins à exprimer nos volon- tés. Il me mena hier dans une maison , où , sans cette intelligence, je me serais fort mal conduite. Nous entrâmes dans une chambre (i) On ne voit point an Pérou le soleil dans touî son e'clat. LETTERS OF A PERUVIAN. l5l lighten it , and his beams are more bright and pure than I ev^er saw them (r). This inspires me wilh confidence , and I am uneasy only to think how long it must be before I can be fully informed of ^^hat regards our interests : for , my dear Aza , I am very certain that the knowledge of the language of the country will be suffi- cient to teach me the truth , and allay my inquietudes. I let slip no opportunity of learning it and avail myself of all the moments wherein Dérervilie leaves me at liberty, to take the instructions of my China. Little service indeed they do me ; for, as I cannot make her understand my ihoughfs , we can hold no conversation , and I learn only the names of such objects as strike both our sights. The signs of the Cacique are sometimes more useful to me : custom has made it a king of language betwixt us , which serves us at least to express our wills. He conducted me yester- day into a house , where , without this knowledge, Î should have behaved very ill. We entered into a larger and better (i) The sun uevcr shines clear in Peru. 1 52 LETTRES D'UNE PÉRUVIENNE. plus grande et plus ornée que celle que j'habite : beaucoup de monde y était as- semblé. L'étonnement général que l'on té- moigna à ma vue me déplut : les ris ex- cessifs que plusieurs jeunes filles s'effor- çaient d'étouffer , et qui recommençaient lorsqu'elles levaient les yeux sur moi , ex- citèrent dans mon cœur un sentiment si fâ- cheux , que je l'aurais pris pour de la honte , si je me fusse sentie coupable de quelque faille : mais ne me trouvant qu'une grande répugnance à demeurer avec elles , j'allais retourner sur mes pas , quand ua signe de Déterville me retint. Je compris que je commeltrp.is une faute si je sortais, et je me gardai bien de rien faire qui mé- ritât le biâme que l'on me donnait sans sujet ; je restai donc , et portant toute mon attention sur ces femmes , je crus démêler que la singularité de mes hal)its causait seule la surprise des unes et les ris often- sans des autres ; j'eus pitié de l^^ur faiblesse; je ne pensai plus qu'à leur persuader , par ma conknaice, que mon âme ne dith'rait pas tant de la leur, que mes habillemens de leurs pararcs. LETTERS OF A PERUVIAN. 1 53 furnished appartment than that which I inhabit , and a great many people were there assembled. The general astonishment shewn at my appearance displeased me , and the excessive laughler which some young w^omen endeavoured to stifle , but whi(;h burst out again , w^hen they cast their eyes on me , gave me such uneasi- ness of mind, that I should have taken it for shame , if I could have found myself conscious of any fault : but , finding no- thing within me but a repugnance to stay in such company , I was going to return back 5 when T was detained by a sign of Dc^tc-rville. I found that I should commit a fault by going out , and I took great care not to deserve the blame that was t^.ro^vn on me without cause. As I fixed my attention , during my stay , upon those women , I tho«ught I discovered that the singularity of my dress occasioned the sur- prise of some , and the laughter of others. I pitied their weakness , and endeavoured to persuade them by my countenance , that my soul did not so much differ from theirs , as mv habit differed from their ornaments. 1 54 LETTRES d'une PERUVIENNE. Un jeune homme que j'aurais pris pour un Curacas (i) , s'il n'eût été vêtu de noir, vint me prendre par la main d'un air af- fable, et me conduisit auprès d'une femme qu'à son air fjer je pris pour la Pallas (i) de la contrée. Il lui dit plusieurs paroles que je sais , pour les avoir entendu pronon- cer mille fois à Déterville. Quelle est belle ! les beaux yeux /.... Un au're homme lui répondit : des grâces , une /aille de nym- phe /.... Hors les femmes qui ne dirent rien, tous répétèrent à peu près les mêmes mots : je ne sais pas encore leur signification 3 mais ils expriment sûrement des idées agréables 3 car , en les prononçant , leur visage était toujours riant. Le Cacique paraissait ex- trêmement satisfait de ce que l'on disait 5 il se tint toujours à côté de moi , ou , s'il s'en éloignait pour parler à quelqu'un , ses yeux ne me perdaient pas de vue , et ses signes m'avertissaient de ce que je devais (1) les Caracas étaient de pelits souverains d'une couhëe ; ils avaient le privilège de porter le même habit qus les Incas. ^ (2) Nom générique des pi -ncesses indiennes. LETTERS OF A PERUVIAN. 1 55 A young man , whom I should have taken fur a Curacas (i) , if he had not been dressed in black , came and took me by the hand with an affable air , and led me to a woman , whom , by her haughty mien , I took for the Pallas (2) of the coun- try. "He spoke several words to her , which I remember by having heard Deterville p.ro- uounce the same a thousand times, \lhat a beauty ! tf hat fine eyes! Ay , answered another man , she has the graces and the shape of a inn? ph. Except the w^omen , who said nothing , they all repeated almost the same words : 1 do not yet knG^v their signification ; but surely they express agré- able ideas , for the countenance is aKvays smiling when tjiey are pronounced. The Cacique seems to be extremely \A^ell sa- tisfied with \That they say. He keeps close to me , or, if he steps a little from me to speak to any one , his eyes are constantly upon me , and he shews me by signs what (i) The Curacas were petty sovereigns of a country, who had the privilege- of wearing the same dress as the In cas. (^2) A g'iiieral name of the Indian princesses. 1 56 LETTRES d'une PERUVIENNE. faire : de mon côté , j'étais fort attentive à l'observer , pour ne point blesser les usa- ges d'une naîion si peu instruite des nôtres. Je ne sais , mon cher Aza , si je pourrai te faire comprendre combien les manières de ces sauvag^es m'ont paru extraordinaires. Ils ont une vivacité si impatiente , que , les paroles ne leur suffisant pas pour s'expri- mer, ils parlent autant parle mouvement de leur corps que par le son de leur voix. Ce que j'ai vu de leur agitation continuelle m'a pleinement persuadé du peu d'impor- tance des démonstrations du Cacique , qui m'ont tant causé d'embarras , et sur les- quelles j'ai fait tant de fausses conjectures. Il baisa hier les mains de la Pallas et celles de toutes les autres femmes 3 il les baisa même au visage , ce que je n'avais pas encore vu : les hommes venaient l'em- brasser 3 les uns le prenaient par une main , les autres le tiraient par son habit; et tout cela avec une promplilude dont nous n'a- vons point d'idée. A juger de leur esprit par la viv^acité de leurs gestes , je suis sûre que nos expressions mesurées , que !es su- blimes comparaisons (|ui expriment si na- turellement nos tendres sentimens et nos LETTERS OF A PERUVIAN. iSj I am to do. For my part , I observe him very attentively , as I ^vould not oflend against the customs of a people who know of little of ours. I believe , my dear Aza , I can scarcely make thee comprehend how extraordinary the manners of these sava- ges appear to me. They have so impatient a vivacity, that words do not suffice them for expression 3 but ihey speak as much by the motion of the body as by the sound of the voice. What I see of their conti- nual agitation , has fully convinced me how little importance there was in that beha- viour of the Cacique which caused me so much uneasiness , and upon which I made so many false conjectures. Yesterday he kissed the hands of the Pallas , and of •all the other women : nay , what I never saw before , he even kissed their cheeks. The men came to embrace him ! some took him by the hand ; others pulled him by the cloaths ; all with a sprightliness of which we have no idea. To judge of their minds by the vivacity of their gestures , I am sure that our measured expressions , the sublime comparisons which so natu- rally convey our tender sentiments and l58 LETTRES D*UNE PERUVIENNE. pensées afFectueiises , leur paraîtraient insi- pides. Ils prendraient notre air sérieux et modeste pour de la stupidité , et la gravité de notre démarche pour un engourdisse- ment. Le croirais-tu , mon cher Aza , mal- gré leurs imperfections , si tu étais ici , je me plairais avec eux? Un certain air d'affa- bilité répandu sur tout ce qu'ils font , les rend aimables ; et, si mon iime était plus heureuse , je trouverais du plaisir dans la diversité des objets qui se présentent succes- sivement âmes yeux 3 mais le peu de rap- port qu'ils ont avec toi efiace les agrémens de leur nouveauté : toi seul fais mon bien et mes plaisirs. LETTERS OF A PERUVIAN. iS^ affectionate thoughts, would to them appear insipid. They would take our serious and modest air for stupidity, and the gravity of our gait for mere stiffness. Would'st thou believe it , my dear Aza? if thou wert here , I could be pleased to live amongst them. A certam air of affability, spread over all they do , renders them amiable ; and, if my soul was more happy , I should find a pleasure in the diversity of objects that successively pass before my eyes : but the little reference they have to thee, effaces the agreeableness of their novelty : thou alone art my good and my pleasure. LETTRE XII. A AzA : Elle s'habille à la française et raconte la conduite du capitaine Délerville envers elle. J'AI passé bien du tems , mon cher Aza , sans pouvoir donner un moment^à ma plus chère occupation ; j'ai cependant un grand nombre de choses extraordinaires à t'ap- prendre 3 je profite d'un peu de loisir pour essayer de t'en insiruire. Le lendemain de ma visite chez la Pallas , Déterville me fit apporter un fort bel habillement à l'usai^e du pays. Après que mapetile China l'eut arrangé sur moi à sa fantaisie , elle me fit approcher de cette ingénieuse machine qui double les objets. Quoique je dusse être accoutumée à ses effets , je ne pus encore me garantir de la surprise , en me voyant comme si j'étais vis-à-vis de moi-même. Mon nouvel ajustement ne me déplut pas. Peut-être je regretterais davantage celui que je quitte , s'il ne m'avait fait regarder par- tout avec une attention incommode. Le Ca- cique entra dans ma chambre au moment LETTER J^II. To A Z A : Her French dress, and account of captain Deterville's behaviour to her. X HAVE been long , my dear Aza , without being able to bestow, a moment on my fa- vourite occupation : yet I have a great many extraordinary things to communicate to thee, and avail myself of this first short leisure to begin thy information. The next day after I had visited the Pallas , Deter- ville caused a very fine habit, of the f shioa of the country , to be brought me. After my little China had put it on according to her fancy , she led me to that ingenious ma- chine which doubles objects. Though I should be now habituated to its effects , I could not help being surprised at seeing my figure stand as if I was over-against myself. My new accoutrements did not displease me. Perhaps I should have more regretted those which I left off, if they had not made every body troublesome by their staring at me. The Cacique came into my chamber Tome J. L l62 LETIRES d'une PERUVIENNE. que la jeune fille ajoutait encore plusieurs bagatelles à ma parure. Il s'arrêta à l'en- trée de la porte , et nous regarda long-tems sans parler. Sa rêverie était si profonde , qu'il se détourna pour laisser sortir la China et se remit à sa place sans s'en apperce- voir. Les yeux attachés sur moi , il par- courait toute ma personne avec une at- tention sérieuse dont j'étais embarrassée sans en savoir la raison. Cependant afin de lui marquer ma reconnaissance pour ses nouveaux bienfaits , je lui tendis la main -, et, ne pouvant exprimer mes sentimens , je crus ne pouvoir lui rien dire de plus agréable que quelques-uns des mots qu'il se plaît à me faire répéter 3 je tâchai môme d'y mettre le ton qu'il y donne. Je ne sais quel effet ils firent , dans ce moment-là , sur lui ; mais ses yeux s'animèrent , son visage s'enflamma 3 il vint à moi d'un air agité : il parut vouloir me prendre dans ses bras ; puis , s'arrêtant tout à coup , il me serra fortement la main , en prononçant d'une voix émue: non... lerespect... sa vertu., et plusieurs autres mots que je n'entends pas mieux. Puis il courut se jeter sur son LETTERS OP A PERUVIAN. l53 Just as the girl was adding some trinkets to my dress. He stopped at the door , and looked at me for some lime without speak- ing. So profound was his rev^erence , that ]ie slept aside to let the CJdna go out , and inadvertently put himself again in his place. His eyes were lixed upon me , and he exa- mined all my person with such a serious attention as a little discomposed me , though I knew not the reason of what he did. However, to shew him my acknowledgment for his ne"^v benefactions , I offered him my hand , and , not being able to express my sentiments , I thought I could not say any thing more agreeable to him than some of those words which he amused himself with teaching me to repeat : I endeavoured even to give them the same tone as he did in pronunciation. What effect they instanta- neously had on him I know not : but his, eyes sparkled , his cheeks readened , he ap- proached me trembling , and seemed to have a desire to snatch me into his arms : then stopping suddenly he pressed my hand^ and pronounced in a passionate tone, " No... respect her vertue ; and many other words which I understand no better than L 2 î64 LETTRES d'une PiaUVIENNE. siège , à l'autre côté de la chambre , oil il demeura, la tête apuyée dans ses mains, avec tous les signes d'une profonde douleur. Je fus allarmée de son état , ne doutant pas que je ne lui eusse causé quelque peine : je m'approchai de lui pour lui en témoigner mon repenlir ; mais il me repoussa dou- cement sans me regarder , et je n'osai plus lui rien dire : j'étais dans le plus grand em- barras, quand les domestiques entrèrent pour nous apporter à manger j il se leva : nous mancreâmes ensemble à la manière accoutumée , sans qu'il parût d'autre suite à sa douleur qu'un peu de tristesse j mais il n'en avait ni moins de bonté , ni moins de douceur : tout cela me paraît inconce- vable. Je n'osais lever les yeux sur lui , ni me servir des signes qui ordinairement nous tenaient lieu d'entretien : cependant nous mangions dans un tems si différent de l'heure ordinaire des repas , que je ne pus m'em- pêcher de lui en témoigner ma surprise. Tout ce que je compris à sa réponse, fut que nous allions changer de demeure. En effet , le Cacique , après être sorti et ren- tré plusieurs fois , vint me prendre par la main 3 je me laissais oaduire , en rêvant LETTERS OP A PERUVIAN. 1 65 tliese. Then thrv3Wing himself upon his seat, on the other side of the room , he leaned his head upon his hand , and sat moping with all the symptons of alflictive pain. I ^vas alarmed at his condition , not doubling but I had occasioned him some uneasiness : 1 drew near him to festify m.y repentance 3 but he gently pushed me away without looking at me , and I did not dare say any thing more. I was in the greatest confusion Tvhen the servants came in lo bring us victuals : he then rose . and we eat together in our usual manner , his pain see- ming to have no other consequence but a little sorrow : yet he was not less kind and good to me , which seemed to me inconcei- vable. I did not dare to lift up my eyes upon him, or make use of the signs which commonly served us instead of conversa- tion : but our meal ^vas at a time so dif- ferent from the usual hour of repast , that; I could not help shewing some tokens of surprise. All that I could understand of his answer was that we v. ere soon to change our dwelling. In effect , the Cacique , after going in and out several times , came and took me by the hand. I let him lead me ; l66 LETTRES d'une PERUVIENNE. loujoiirs à ce qui s'était passé , et en cher- chant à démêler si le changement de lieu n'en était pas une sui(e. A peine eûmes- nous passé la dernière porte de la maison , qu'il m'aida à monter un pas assez haut, et je me trouvai dans une petite chambre oil l'on ne peut se tenir debout sans incom- modité , où il n'y a pas assez d'espace pour marcher , mais où nous fûmes assis fort à l'aise , le Cacique , la China et moi : ce petit endroit est agréablement meublé ; une fenêtre de chaque côté l'éclairé suffisam- ment. Tandis que Je le considérais avec sur- prise , et que je tâchais de deviner pourquoi Déterville nous enfermait si étroitement , ( ô , mon cher i\za ! que les prodiges sont familiers dans ce pays ) î je sentis cette machine ou cabanne , je ne sais comment la nommer 3 je la sentis se mouvoir et chan- ger de place : ce mouvement me fit penser à la maison llottante. La frayeur me saisit: le Cacique , attentif à mes moindres inquié- tudes , me rassura , en me faisant voir, par une des fenêtres , que cette machine , suspendue assez près de la terre , se mou- vait par un secret que je ne comprenais LETTERS OF A PERUVIAN. 167 still musing with myself on what had passed, and considering wheiher the change of our place was not a consequence of it. Scarce was I got wilhontthe outward door of the house , before ho helped me up a pretty high slep , and J advanced into a chamber so low that one could not stand upright in it : but there was room enough for the Cacique , the CJdna and myself all to sit at ease. This little appartment is agreeably decorated , has a window on each side that eohghtens it sufficiently 3 but it is not spa- cious enough to walk in. While I was con- sidering it with surprise , and endeavouring io divine what could be Deterville's reason for shutting us up so close ( O my dear Aza ! how familiar prodigies are in this country ) I felt this machine , or cabin , I know not v/hat to call it , move and change its place. This motion made me think of the floating house. The Cacique saw me frightened , and , as he is attentive to my least uneasiness , pacified me by making me look out of one of the windows. I saw , not without extreme surprise, that this ma.- chine, suspended pretty near the earth, moved by a secret power which I did not l68 LETTRES d'une PERUVIENNE. pas. Déferville me fît aussi voir que plusieurs Hamas (i) d'une espèce qui nous est incon- nue, marchaient devant nous , et nous traî- naient après eux. Il faut , ô lumière de mes jours , un génie plus qu'humain pour inventer des choses si utiles et si singulières; mais il faut aussi qu'il y ait dans cette na- tion quelques grands défauts qui modèrent sa puissance , puisqu'elle n'est pas la maî- tresse du monde entier. Il y a quatre jours qu'enfermés dans cette merveilleuse machine, nous n'en sortons que la nuit pour prendre du repos dans la première habitation qui se ren- contre, et je n'en sors jamais sans regret. Je te l'avoue , mon cher Azix , malgré mes tendres inquiétudes , j'ai goûté , pejidant ce v^oyage , des plaisirs qui m'étaient inconnus. Renfermée dans le temple dès ma plus tendre enfance , je ne connaissais pas les beautés de l'univers : et ce que j'ai vu des prodiges inventés par les hommes , ne m'a point causé le ravissement que j'éprouve. Les campagnes immenses , qui se changent et se renouvellent sans cesse à nos rce;ards , emportent mon âme avec autant de rapidité que nous les traversons. (i) Nom générique des bctes. LETTERS OF A PE?»U'/IAN. 169 comprehend. Déteiviile then shewed me that several Hamas (i) , of a species unknown to us , Avent before us and drew us after them. O hgiit of my days! these people must have a genius more than hu- man , that enables them to invent things so useful and singular : but there must be also in this nation some greal defects that mo- derate its power, olherwise it must needs be mistress of the \viiole world. For four days we were shut up in this wonderful machine, leaving it only at night to take our rest in the first house we came to 3 and then I always quilted it ^vith regret. I con- fess , my dear Aza , that, notwithstanding my tender inquietudes, I have tasted plea- sures , during this journey, that were before unknoAvn to me. Shut up in the temple froiii my most tender infancy , I was unac- quain'ed with the beauties of the univ^erse : and every thing that I see ravishes and enchants me. The immense fields, which are incessantly changed and renewed, hurry on the attentive mind wilh more rapidity than we pass over them. (i) A general namo {br beasts. 170 LETTRES DUNE PERUVIENNE. Les yeux parcourent , embrassent et se re- posent tout à la fois sur une infinité d'ob- jets aussi variés qu'agréables. On croit ne trouver de bornes à sa vue que celles du monde entier. Celte erreur nous flatte, elle nous donne une idée satisfaisante de notre propre grandeur . et semble nous rappro- cher du créateur de tant de merveilles. A la fin d'un beau jour, le ciel présente des images dont la pompe et la magnificence surpassent de beaucoup celles de la terre. Des nues transparentes , assemblées autour du soleil couchant , offrent à nos yeux des montagnes d'ombres et de lumière, dont le majestueux désordre attire notre admira- tion jusqu'à l'oubli de nous-mêmes, t.e Cacique a eu la complaisance de me faire sortir tous les jours de la cabanne roulante pour me laisser contempler à loisir ce qu'il me voyait admirer avec tant de satisfaction. Si les beautés du ciel et de la terre ont un attrait si puissant sur notre âme , celles des forets , plus simples et plus touchantes, ne m'ont causé ni moins de plaisir , ni moins d'étonnement. Que les bois sont délicieux , mon cher Aza ! en y entrant , un charme -universel se répand sur tous les sens et conr LETTERS OF A FETIUVTAN. IJI The eyes, without being fatigued , rove at once over an infinite variely of admirable objects 5 and at the same time are at rest. One seems to find no other bounds to the sight than those of the world itself 3 which error flatters us , gives us a satisfactory idea of our own grandeur , and seems to bring us nearer to the creator of these wonders. At the end of a fine day , the heavens pre- sent us a spectacle not less admirable than that of the earth. Transparent clouds assem- bled round the sun ; tinctured ^vith the most Jively colours , shew us mountains of shade and light in every part , and the majestic disorder attracts our admiration till we for- get ourselves. The Cacique has had the complaisance to let me every day step out of the rolling cabbin , in order to contem- plate at leisure the wonders which he saw me admire. How delicious are the woods , my dear Aza! If the beauties of heaven and earth transport us far from ourselves by an involuntary rapture , those of the ibrests bring us back again by an inward incomprehensible bias, the secret of which is in nature only. When we enter these dehghtful places, an universal charm over- 172 LETTRES D*UNE PERUVIEMNE. fond leur usage. On croit voir la fraîcheur avant de la sentir. Les différentes nuances de la couleur des feuilles adoucissent la lu* mière qui les pénètre, et semblent frapper le sentiment aussitôt que les yeux. Une odeur agréable , mais indéterminée , laisse à peine discerner si elle affecte le goût ou l'odorat : l'air même , sans être apperçu , porte dans tout notre être une volupté pure qui semble nous donner un sens de plus , sans pouvoir en désigner l'organe. O , mon clier Aza ! que ta présence em- bellirait des plaisirs si purs ! Que j'ai dé- siré de les partager avec toi î Témoin de mes tendres pensées , je t'aurais fait trou- ver dans les sentimcns de mon cœur des charmes encore plus touchans que ceux des beautés de l'univers. LETTERS OF A PERUVIAN. IjB flows all llie senses , and confounds their use. We think we see the cooling breeze before we feel it. The different shades in the colour of leaves , soften the light that penetrates them , and seem to strike the sentiment as soon as the sight. An agreeable but indeterminate odour , leaves it difficult for us to discern whether it affects the taste or the smell. Even the air , \Adthout being perceived , conveys to our bodies a. pure pleasure , which seems to give us another sense , though it does not mark out the organ of it. O, my dear Aza! how would thy pre- sence embellish those pure delights ! how have I desired to share them with thee ! W ert thou the witness of my tender thoughts , 1 should make thee find , in the sentiments of my heart, charms more powerful than all those of the beauties of the universe. LETTRE XIII. A AzA : Elle arrive à Paris. Sa reception et celle de Délerville par les parens de celui-ci. i-VlE voici enfin , mon cher Aza, dans une ville nommée Paris 3 c'est le terme de notre voyage : mais selon les apparences , ce ne sera pas celui de mes chagrins. Depuis que je suis arrive'e , plus attentive que ja- mais sur tout ce qui se passe , mes décou- vertes ne produisent que du tourment, et ne me présagent que des mallieurs : je trouve ton idée dans le moindre de mes désirs cu- rieux, et je ne la rencontre dans aucun des objets qui s'offrent à ma vue. Autant que j'en puis juger par le tems que nous avons employé à traverser cette ville , et par le grand nombre d'habitans dont les rues sont remplies, elle contient plus de monde que n'en pourraient rassembler deux ou trois de nos contrées. Je me rappelle les merveilles que l'on m'a racontées de Quito -, je cherche à trouver ici quelques traits de la peinture que l'on m'a faite de cette grande ville ; mais , hélas quelle différence .' celle-ci LETTER XIII. To Aza: She comes lo Paris; Delerville's and her reception by his relations. xVt last , my dear Aza , I am got info a city called Paris : our journey is at an end but , according to all appearances , so are not my troubles- More attentive than ever , since my arrival here , to all that passes J my discoveries produce only tor- ment, and presage nothing but misfortunes. I find thy idea in the least curious of my desires , but cannot meet with it in any of those objects that I see. As well as I can judge b}'^ tlie time we spent in passing through the r;ity , and by the great num- ber of inhabitants with whom the streets are filled , it contains more people than could be got together in two or three of our countries. I reflect on the wonders that have been told me of Quito , and endea- vour to find here some strokes of the picture which I conceive of that great city : but alas! what a dilTerence ! This place contains t-jG LETTRES d'une PERUVIENNE. coiïlient des pools, cîes rivières, des arbres, des campagnes; elle me parait un univers plutôt qu'une habitalion particulière. J'es- saierais eu vain de te donner une idée juste de la hauteur des maisons : elles sont si prodigieusement élevées , qu'il est plus fa- cile de croire que la nature les a produites telles qu'elles sont , que de comprendre com- ment des hommes ont pu les construire. C'est ici que la famille du Cacique fait sa résidence. La maison qu'elle habite est presque aussi magnilique que celle du so- leil : les meubles et quelques endroits des murs sont d!or ; le reste est orné d'un tissu varié des plus belles couleurs qui représen- tent assez bien les beautés de la nature. En arrivant , Déterville me fit entendre qu'il me conduisait dans la chambre de sa mère. Nous la trouvâmes à demi-couchée sur un lit à peu près de la même forme que ce- lui des Incas, et de même métal (i). Après avoir présenté sa main au Cacique j qui la ba'sa en se prosternant presque jusqu'à terre, elle l'embrassa 3 mais avec une bonté (i) Les lilS; les chaises ; "les tables des Incas étaient d'or massif 1 LETTERS OF A PERUVIAN. 177 bridges , rivers, trees , fields: it seems to be an universe , rather than a particular seat of habitation. I should endeavour in vain to give thee a just idea of thee houses. They are so prodigiously elevated , that it is more easy to believe wature produced them as they are , than to comprehend how men could build them. Here it is that the family of the Cacique resides. Their house is almost as magnifi- cent as that of the sun : the furniture and some parts of the vs^alls are of gold , and the rest is adorned with a various mixture of the finest colours, which prettily enough» represent the beauties of nature. At my arrival , Déterville made me understand that he was conducting me to his mother's appartment. We found her reclined upon a bed of .almost the same form wdth that of the Incas , and of the same metal (i). After having held out her hand to the Cacique , who kissed it bowing almost to the ground , she embraced him ; but with (i) Tlie beds , chairs , and tables of tlie Incas were of massy gold. l'orne J. M 178 LETTRES d'une PERUVIENNE. si froide, une joie si contrainte, que, si je n'eusse été avertie , je n'aurais pas re- connu les senlimens de la nature dans les caresses de cette mère. Après s'être entrete- nus un moment , le Cacique me fit approcher. Elle jeta sur moi un regard dédaigneux^ et , sans répondre à ce que son fils lui disait , elle continua d'entourer gravement ses doigts d'un cordon qui pendait à un petit morceau d'or. Déterville nous quitta pour aller au-devant d'un grand homme de bonne mine , qui avait fait quelques pas vers lui. Il l'em- brassa, aussi-bien qu'une autre femme qui était occupée de la môme manière que la Pallas. Dès que le Cacique parut dans cette chambre , une jeune fille à peu près de mon iige accourut ; elle le suivait avec un empressement timide qui était remarquable; La joie éclatait sur son visage , malgré quelques chagrins qui l'occupaient encore. Déterville l'embrassa la dernière, mais avec une tendresse si naturelle que mon cœur s'en émut. Hélas I mon cher Aza , quels se- raient nos transports , si après tant de malheurs , le sort nous réunissait ! Pendant LETTERS OF A PERUVIAN. 1 79 a kinduess so cold , a joy so constrained , that , if previous information had not been given me , I should not have known the sentiments of nature in the caresses of this mother. After a moment's conversation , the Cacique made me dra^v near. She cast on me a disdainful look , and , without answe- ring what her son said to her, continued gravely to turn round her finger a thread which hung to a small piece of gold. Deterville left us to go and meet a stately bulky man , who had advanced some steps to,wards him. He embraced both him and a woman who ^vas employed in the same manner as the Pallas. As soon as the Ca- cique had appeared in the chamber , a young maid , of about my age , ran to us , and followed him with a timid eagerness that seemed remarkable. Joy shone upon her countenance , yet did not bannish the marks of a sorrow that seemed to affect lier. Deterville embraced, her last , but with a tenderness so natural , that my heart was moved at it. Ai as ! my dear Aza , what would our transports be , if after so many misfortunes , fate should reunite us Î Du- ring this time I kept near the Pallas , whom M 2 iBo LETTRES D'uNE PERUVIENNE. cetcms j'étais resiée aupvhs delà. Pallas (i)', par respect , Je n'osais m'en éloigner , ni le- ver les yeux sur elle. Quelques regards sé- vères qu'elle jetait de tems en tems sur moi , achevaient de m'intimider , et me don- naient une contrainte qui gênait jusqu'à mes peusées. Enfin , comme si la jeune fille eût deviné mon embarras , après avoir quitté Déterville , elle vint me prendre par la main , et me conduisit près d'une fenêtre où nous nous assîmes. Quoique je n'entendisse rien de ce qu'elle me disait , ses yeux pleins de bontés me parlaient le langage universel des cœurs bicnfaisans : ils m'inspiraient tant de confiance et d'amitié , que j'aurais voulu îui témoigner mes sentimens 3 mais , ne pouvant m'exprimer selon mes désirs , je prononçai tout ce que je savais de sa langue. Elle en sourit plus d'une fois , en regar- dant Déterville d'un air fin et doux. Je trou- vais du plaisir dans cette espèce d'entre- tien , quand la Pallas prononça quelques paroles assez haut, en regardant la jeune (i) Les filles, quoicjuc du sang royal, portaient un grand respect aux femmes mariées. LETTERS OF A PERUVIAN. l8l I durst not quit, nor look up at (i) , out of respect. Some severe glances , which she threw from time to time upon me , com- pleted my confusion , and put me under a constraint that affected my very thought?. At last, the young damsel , as if she had guessed at my disorder , as soon as she had quitted Deterville , came and took me by the hand , and led me to a ^vind(jW where w^e both sat down. Though I did not understand any thing she said to me, her eyes full of goodness spoke to me the universal language of beneficent hearts : they inspired me with a confidence and friendship which I would willingly have expressed to her : but not being able to utter the sentiments of my mind , I pro- nounced all that I knew of her language» She smiled more than once, looking on De'terville with the most tender sweetness, I was pleasing myself with this conver- sation , when the Pallas spoke some words aloud, looking sternly on my ncTV friend, (i) Young damsels, Ihough of the blood royal , show a profound respect to married women. 1 82 LETTRES D'UNE PERUVIENNE. fille , qui baissa les yeux , repoussa ma main qu'elle tenait clans les siennes , et ne me regarda plus. Après quelque tems, une vieille femme, d'une physionomie farouche, entra , s'approcha de la Pallas , vint en- suite me prendre par le bras , me condui- sit presque malgré moi dans une chambre au plus haut de la maison , et m'y laissa seule. Quoique ce moment ne dût pas cire le plus malheureux de ma vie , mon clier Aza,il n'a pas été un des moins fâcheux. J'attendais de la fin de mon voyage quel- que soulagement à mes inquiétudes ; je comptais du moins trouver dans la famille du Cacique les mêmes bontés qu'il m'avait témoignées. Le froid accueil de la Palîas, le changement subit des manières de la jeune fille , la rudesse de cette fenm^e qui m'avait arrachée d'un lieu où j'avais in- térêt de rester , l'inattention de Détcrville qui ne s'était point opposé à l'espèce de violence qu'on m'avait faite , enfin toufes les circonstances dont une âme maliieureuse sait augmenter ses peines , se présentèrent à la fois sous les plus trisîes aspects ' Je me croyais abandonnée do tout le monde , je déplorais amèrement mon affreuse destinée, LETTERS OF A PERUVIAN. 1 83 whose countenance immediately falling , she thrust away my hand whicii she be- fors held in hers , and took no farther no- tice of me. Some time after that , an old woman , of a gloomy appearance , entered the room , went up towards the Pallas , then came and took me by the arm , led me to a chamber at the top of the house , and left me there alone. Though this mo- ment could not be esteemed the most un- fortunate of my life , yet , my dear Aza , I could not pass it ^^ithout much concern. I expected , at the end of my journey , some relief to my fatigues , and that in the Cacique's family I should at least meet with the same kindness as from him. The cold reception of the Pallas , the sudden change of behaviour in the damsel . the rudeness of this \voman in forcing me from a place where I had rather have staid , the inattention of De'terville , who did not oppose the violence shewn me 3 in a. word , all the circumstances that miglit iiugment the pains of an unhappy mind, presented them- selves a!: once with their most rueful as- pects ! 1 thought myself abandoned by all the world, and was bitterly deploring my 1 84 LETTRES D*UNE PÉRUVIENNE. quand je vis entrer ma China. Dans la si- tuation où j'étais , sa vue me parut un bonheur ; je courus à elle , je l'embrassai en versant des larmes : elle en fut touchée ; son attendrissement me fut cher. Quand on se croit réduit à la pitié de soi-même , celle des autres nous est bien précieuse. Les mar- ques d'affection de cette jeune fille adouci- rent ma peine : je lui comptais mes cha- grins , comme si elle eût pu m^entendre j je lui faisais mille questions , comme si elle eût pu y répondre. Ses larmes parlaient à mon cœur ; les miennes continuaient à couler, mais elles avaient moins d'amertume. J'espérais encore de revoir Déterville à l'heure du repas 3 mais on me servit à manger et je ne le vis point. Depuis que je t'ai perdu, chère idole de mon cœur , ce Cacique est le seul humain qui ait eu pour moi de la bonté sans interruption : l'habitude de le voir s'est tournée en besoin. Son absence redoubla ma tristesse. Après l'avoir attendu vainement , je me couchai ; mais le sommeil n'avait po}nt encore tari mes firmes quand je le vis entrer dans ma chambre , suivi de LETTERS OF A PERUVIAN. l85 dismal destiny, wlien I beheld my Chijia coming in. Her presciice , in my situation, seemed to me an essenlicil good 3 I ran to her , embraeed her with tears , and was more melted , when T saw her touched with my affliction. When a mind is reduced to pity itself , the compassion of another is very valuable. The marks of this young woman's affection softened my anguish : I related to her my griefs , as if she could understand me : I asked her a thousand questions , as if it had been in hçr power to answer them. Her tears spoke to my heart , and mine continued to flow , but with less bitterness than before. I thought, at least,. that I should see Déterville at the hour of refreshment : but they brought me up victuals , and I saw him not. Since I have lost thee , dear idol of my heart , this Cacique is the only hu- man creature that has shewn me an unin- terrupted course of goodness : to that the custom of seeing him became a kind of necessity. His absence redoubled my sorrow. After expecting him long in vain , I laid down ; but sleep had not yet sealed my eyes before I saw him enler my chamber , î86 LETTRES D'U^^E p/lflUVIENNE. la jeune personne dont le brusque dédain m'avait été si sensible. Elle se jeta sur mon lit , et par mille ca- resses , elle semblait vouloir réparer le mau- vais traitement qu'elle m'avait fait. Le Caci- que s^ saut à côté du lit 3 il paraissait avoir autant de plaisir à me revoir que j'en sentais de n'en être point abandonnée. Ils se par- laient en me regardant, et m'accablaient des plus tendres marques d'affection. In- sensiblement leur entretien devint plus sé- rieux. Sans entendre leurs discours , il m'é- tait aisé de juger qu'ils étaient fondés sur la confiance et l'amitié. Je me gardai bien de les interrompre 3 mais sitôt qu'ils revin- rent à moi , je tâchai de tirer du Cacique des éclaircissemens sur ce qui m'avait paru de plus extraordinaire depuis mon arrivée. Tout ce que je pus comprendre à ses ré- ponses 5 fut que la jeune fille que je voyais se nommait Céline , qu'elle était sa sœur , que le grand homme que j'avais vu dans la chambre de la Pallas , était son frère LETTERS OF A PERUVIAN 187 followed by the young woman whose brisk disdain had so sensibly afflicted me. She threw herself upon my bed , and by a tiiousand caresses seemed desirous to re- pair the ili-treatment she had given me. The Cacique sat down by my bed-side, and seemed to receive as much pleasure in seeing me again , as I enjoyed in per- ceiving I ^vas not abandoned. They talked together with their eyes fixed on me , and heaped on me the most tender marks of af- fection. Insensibly their conversation be- came more serious. Though T did not un- derstand their discourse , it w^as easy for me to judge that it was founded on confi- dence and friendship. I took care not to interrupt them : but , as soon as they retur- ned to my bed-side j I endeavoured to ob- tain from the Cacique some light with re- gard to those particulars which had ap- peared to me the most extraordinary since my arrival. All that I could understand from liis answer \Tas , that the name of the young woman before me was Céllna , that she was his sister; that the great man whom I had seen in the chamber of the Pallas , was his elder brother , and the l88 LETTRES t)'UNE PERUVIENNE. aîné , et l'autre jeune femme l'épouse de ce frère. Céline me devint plus chère , en ap- prenant qu'elle était sœur du Cacique ; la compap;tiie de l'un et de l'autre m'était si agréable , que je ne m'apperçus point qu'il était jour avant qu'ils me quittassent. Après leur départ , j^ai passé le reste du tems destiné au repos , à m'entretenir avec toi. C'est toutmon bien, c'est toute ma joie : c'est à toi seul , chère âme de mes pensées, que je développe mon cœur 3 tu seras à jamais le seul dépositaire de mes secrets, de ma tendresse et de mes sentimens. LETTERS OF A PERUVIAN. 189 other young ^voman , that brother's wife. • Céllna became more clear to me , when I understood she \vas the Cacique's sister, and the company of both was so agree- able , that I did not perceive it was day- light before they left me. , After their departure , I spent the rest of the time destined to repose , in thus con- versing with thee. This is my happiness , my only joy ; it is to thee alone , dear soul of my thoughts , that I umbosom my heart 3 thou shalt ever be the sole deposi- tory of my secrets J my passions , and my sentin^ents. LETTRE XIV. A Aza: Sa lionle en public, O I je ne continuais , mon cher Aza , a prendre sur mon sommeil le tems (jue je le donne , je ne jouirais plus de ces momcns délicieux où je n'existe que pour tc>i. Oa m'a fait reprendre mes habits de vierge, et l'on m'oblige de rrster tout le jour dans une chambre remplie d'une foule de monde qui se change et se rcnKHivelle à tout mo- ment, sans presque diminuer. Celta dissi- pation involontaire m'arrache souvent mal- gré moi à mes tendres pensées ; mais, si je perds pour quelques instans, cette attention vive qui unit sans cesse mon âme à la tienne, je te retrouve bientôt dans les comparaisons avantageuses que je fais de toi avec tout ce qui m'environne. Dans les différentes con- trées que j'ai parcourues , je n'ai point vu de sauvages si orgueilleusement familiers que ceux-ci. Les femmes surtout me pa- raissent avoir une bonté méprisable qui ré- volte l'humanité, et qui m'inspirerait peut- ctre autant de mépris pour elles , qu'elles LETTER XIV. To Aza: She is affronted in public coxiipany, F I did not conlinue , my dear Aza , to take from my sleep the time that I give to thee , I should no more enjoy those de- licious moments in \Yhich I exist for thee only. They have made me resume my virgin habits , and oblige me to remain all the day in a room full of people , who are changed and renewed every moment without seeming to diminish. This unvolunlary dis- sipation, in spite of me , often causes a suspension of my tender thoughts : but if for some moments , I lose that lively at- tention which unites our hearts , I find thee again in the advantageous comparisons I make of thee %vith whatever surrounds me. In the different countries that I have passed through , I have not seen any savages so Iiaughtily familiar as these. The women, in particular, seem to have a kind of dis- dainful civility that disgusts human nature, and would perhaps inspire me with as much contempt for them , as they shew IC)2 LETTRES D LNE PERUVIENNE. Cil témoignent pour les autres , si je les connaissais mieux. Une d'entr'elles m'occa- sionna hier un a f Front qui m'aiïlige encore aujourd'hui. Dans !e tems (jue l'assemblée était la plus nombreuse , elle avait dc'jà parlé à plusieurs personnes sans m'appercevoir : soit que le hasard, ou que (jueiqu'un m'ait fait remarquer, elle ht un éclal cie rire , en jetant les yeux sur moi , quitta précipitam- ment sa place , vint à moi , me ht lever ; et , après m'avoir tournée et retournée autant de fois que sa vivacité le lui suggéra 3 après avoir touché tous les morceaux de mon habit avec une attention scrupuleuse , elle fît signe à un jeune homme de s'approcher , et recommença avec lui l'examen de ma figure. Quoique je répugnasse à la liberté que l'un et l'autre se donnaient , la richesse des liabits de la femme me la faisant prendre pour une Pallas, et la magnihcence de ceux du jeune homme tout couvert de plaques d'or, pour unAjiqid(i), je n'osais m'opposer (l) Prince du sang : il fallait une permission de l'Inca pour porter de l'or sur les habits, ei il ne le permellait qu'au:: princes* du sang roya!» LETTERS OF A PERUVIAN. 198 for others, if I knew them better. One of them caused an affront to be given me yesterday, which still afflicts me. Just when the assembly Avas most numerous , after she had been speaking to several persons without perceiving me 3 whether by chance, or that some body made her take notice of me 3 as soon as, she cast her eyes on me, she burst out a laughing , quitted her place precipitately, came to me , made me rise, and, after having turned me backwards and forwards , as often as her vivacity prompted, after having handled all the parts of my dress with a most scrupulous attention, she beckoned 'to a young man to draw near , and began again with him the examination of my figure. Though I shewed a dislike to the liberty which both of them took , as the richness of the woman's dress made me take her for a Pallas , and the magnificence of the young man , who was all over plated with gold, made him look like an Anqid (i), (i) A prince oF the blood. There must be leave from an Iiica for a Peruvian to v\ear gold upon his apparel , and the Tnca gives this permission only to the princes of the blood royal. Tome I. N 194 LETTRES d'une PERUVIENNE. à leur volonté ; mais ce sauvage téméraire , enhardi par la familiarité de la Pallas, et peut-être par ma retenue, ayant eu l'audace de porter la main sur ma gorge , je le re- poussai avec une surprise et une indigna- tion qui lui firent connaître que j'étais mieux instruite que lui des lois de l'honnêteté. Au cri que je fis , Déterville accourut : il n'eut pas plutôt dit quelques paroles au jeune sauvage , que celui-ci, s'appuyant d'une main sur son épaule , fit des ris si violens , que sa figure en était contrefaite. Le Ca- cique s'en débarrassa , et lui dit , en rou- gissant , des mois d'un ton si froid, que la gaîté du jeune homme s'évanouit ; et, n'ayant apparemment plus rien à répondre , il s'é- loigna sans répliquer , et ne revint plus. O mon cher Aza ! que les mœurs de ces pays me rendent respectables celles des enfans du soleil ! Que la témérité du ]e\ine Anqiii rap- pelle chèrement à mon souvenir ton tendre respect , ta sage retenue , et les charmes de l'honnêteté qui régnaient dans nos entre- tiens ! Je l'ai senti au premier moment de ta vue , chère âme de ma vie , et l'éprouverai tant que j'existerai. Toi seul réunis toutes les LETTERS OF A PERUVIAN; 19^ I dared not oppose their will : but this rash savage , emboldened by the familia- rity of the Pallas , and perhaps by my submission , having had the impudence to put his hand upon my neck, I pushed it away with a surprise and indignation that shewed him I understood good manners better than liimself. Upon my crying out , Detervilla came up , and after he had spoke a few words to the young savage , the latter , clapping one hand upon his shoulder, set up such a laugh as quite distorted his figure. The Cacique disengaged himself , and , blushing , spoke to him in so cold a tone , that the young man's gaiety vanished : he seemed to have no more to say , and retired without coming near us again. O my dear Aza, what a respect do the manners of tliis country make me have for those of the children of the sun! How does the temerity of the young Anqui bring back to my mind thy tender respect , thy sage reserve , and the charms of decency that reigned in our conversations ! I perceived it tjie first mo- ment I saw thee, dear delight of my soul, and I shall think of it all the days of my life. Thou alone unitest in thyself all the N 2 196 LETTRES d'une PERUVIENNE. perfections que la nature a répandues sé- parément sur les humains , comme elle a rassemblé dans mon cœur tous les senli- mens de tendresse et d'admiration, qui m'at* tachent à toi jusqu'à la mort. LETTERS OF A PERUVIAN. I97 perfections which nature has shed upon mankind j as it has collected within my heart all the sentiments of tenderness and admiration that will attach me to tli^ till death. LETTRE XV. 'A AzA : Caractères de Déferville , de sa sœur Céline et de leur mère. Prcsens qui lui sont f;tifs. JL L US je vois le Cacique et sa sœur , mon cher Aza, plus j*ai de peine à me persuader qu'ils soient de cette nation : eux seuls con- naissent et respectent la vertu. Les manières simples , la bonté naïve , la modeste gaité de Céline^ feraient volontiers penser qu'elle a été élevée parmi nos vierges. La douceur lîonnéte, le tendre sérieux de son frère per- suaderaient facilement qu'il est né du sang des Incas. L'un et l'autre me traitent avec autant d'humanité que nous en exercerions à leur égard , si des malheurs les eussent conduits parmi nous. Je ne doute même plus que le Cacique ne soit ton tributaire. Il n'entre jamais dans ma chambre, sans m'offrir un présent de quel- ques-unes des choses merveilleuses dont cette LETTER X Y. To Aza: Characters of Delerville , and his sister Celina , and mother ; presents made her. X H E more I see the Cacique and his sister j my dear Aza , the more difficulty T have to persuade myself they are of this nation : they alone kno^v what virtue is , and respect it. The simple manners , the native goodness , and the modest gaiely of Celina, would make one think she had been bred up among our virgins. The honest sweetness , the serious tenderness of her brother, would easily persuade me that he ^Yas born of the blood of the Incas. They both treat me with as much humanity as we should shew them , if like misfortunes had brought them among us. I do not doubt but the Cacique is thy tributary. He never enters my appartment but he makes me a present of some of the w^onderful things with which this country 200 LETTRES D*UNE PÉRUVIENNE. contrée abonde (i) : tantôt ce sont des mor- ceaux de la machine qui double les ob- jets , renfermés dans de petits cofïVes d'une matière admirable. Une autre fois , ce sont des pierres légères et d'un éclat surprenant, dont on orne ici presque toutes les parlies du corps : on en passe aux oreilles , on en met sur l'estomac , au cou , ?ur la chaus- sure ; et cela est très-agréable à voir. Mais ce que je trouve de plus amusant , ce sont de petits outils d'un métal fort dur , et d'une commodité singulière : les uns servent à composer des ouvrages que Céline m'ap- prend à Faire ; d'autres d'une forme tran- chante servent à diviser toutes sortes d'é- toffes dont on fait tant de morceaux que l'on veut , sans effort et d'une manière fort divertiii^sante. J'ai une infinité d'autres ra- retés plus extraordinaires encore ; mais , n'étant point à notre usage, je ne trouve dans notre langue aucuns termes cjui puissent (l) Les Caciques el les Curacas claient obligé-» do fournir les habits et Ix'iitretien de l'inca et de la reine. Ils ne se présentai>mt jamais devant 1 nn e( i'aulie , sans leur olïVir un tribut des curiosités cj^ue pioduisaiî la province oh ils commandaient. LETTERS OF A PERUVIAN. 20Ï abounds (i). Sometimes they are pieces of that machine vviiich doubles objects , en- closed in little frames of curious matter. At other times he brings me liltle stones of surprizing lustre, wilh which it is the custom here to adorn almost all the parts of the body : they hang them to their ears, put them on the stomach , the neck , the knees and even the shoes , all which has a very agreeable effect. But Avhat I am most amused with are certain small utensils of a very hard metal, and most singular use. Some are employed in the works which Celina teaches me to make : others , of a cutting form , serve to divide all sorts of stuffs , of which we make as many bits as we please without trouble , and in a very ingenious diverting manner. I have an infinite number of other rarities still more extraordinary : which not being in use with us , I cannot find words in our (l) The Caciques and Ciiracas were obliged to furnish the dress and provision of the Tnca and the queen. Tlic}'^ never came into the pre-sence ot either Avilhout ofïering ihenti some tribute of the curiosities of the province tlicy commandjed. ^O"? LETTRES D'uNE PERUVIENNE. t'en donner l'idée. Je te ^arde soigneuse- ment tous ces dons, mon cîier Aza.: outre le plaisir que j'aurai de ta surprise , lors- que "lu les verras , c'est qu'assurément ils sont à toi. Si le Cacique n'était pas soumis à ton obéissance , me paierait-il un tribut qu'il sait n'être dû qu'à ton rang suprême ? Les respects qu'il m'a toujours rendus , m'ont fait penser que ma naissance lui était con- Jiue. Les présens dont il m'honore me per- suadent , sans aucun doute , qu'il n'ignore pas que je dois être ton épouse , puisqu'il me traite d'avance en Mama-Oëlla (i). Cette conviction me rassure et calme une partie de mes inquiétudes : je comprends qu'il ne me manque que la liberté de m'ex- primer, pour savoir du Cacique les raisons qui l'engagent à me retenir chez lui , et pour le déterminer à me remettre en ton pou- voir ; mais jusque-là j'aurai encore bien des peines à souffrir. ILs^en faut beaucoup que l'humeur de Madame ( c'est le nom de la mère de Délervilîe ) soit aussi aimable (i) C'est le nom que prenaient les reines en mon- tant sur le trône. LETTERS OF A PERUVIAN. 20.) ton2;ue to give tliee an idea of them. I keep all these gifts carefully for thee , my dear Aza : besides the pleasure thy surprise will give me when thou seest them , they un- doubtedly belong to thee. If the Cacique was not subject to thy obedience , would he pay me a tribute \yhich he knows to be due only to thy supreme rank ? The respect he has always shewn me , made me think from the first , that my birth ^Yas known to him ; and. the presents he now honours me wilh convince me that he knows 1 am to be thy spouse . since he treats me already as a Mama-Oella (i). This conviction revives me , and calms a part of my inquietudes. I conceive that nothing is wanting , but the power of ex- pressing myself , for me to be informed what are the Cacique's reasons for keeping me , and to determine him to deliver me into thy power : but, tiil that can be , I have a great many pains to suffer. The humour of Madame ( so they call Deter- ville's mother ) is not near so amiable as (l) This is the name the queers lake vvhen they ascend ihe throne. 204 LETTRES D'uXE PERUVIENNE. que celle de ses enfans. Loin de me trailer avec autant de bonté , elle me marque , en toutes occasions , une froideur et un dédain qui me mortifient , sans que je puisse en découvrir la cause 5 et , par une opposition de sentimens que je comprends encore moins, elle exige, que je sois continuelle- ment avec elle. C'est pour moi une gêne insupportable : la contrainte règne partout où elle est. Ce n'est qu'à la dérobée que Céline et son frère me font des signes d'amitié. Eux-mêmes n'osent se parler librement devant elle : aussi continuent-ils à passer une partie des nuits dans ma chambre 3 c'est le seul tems où nous jouissons en paix du plaisir de nous voir , et , quoique je ne participe guère à leurs entretiens , leur présence m'est tou- jours agréable. Il ne tient pas aux soins de l'un et de l'autre que je ne sois heureuse. Hélas ! mon cher Aza, ils ignorent que je ne puis l'être loin de toi 3 et que je ne crois vivre qu'autant que ton souvenir et ma ten- dresse m'occupent toute entière. LETTERS OF A PERUVIAN. 2o5 that of lier children. Far from treating me with so much goodness , she shews me on all occasions a coldness and disdain that mortifies me , though I can neither rem-edy nor discover the cause of it 3 and yet by an opposition of sentiments that I unders- tand still less , she requires to have -me con- tinually with her. This gives me insupportable torture ; for constraint reigns wherever she is , and it is only by stealth that Celina and her brother give me signs of their friendship. They do not themselves dare to speak freely before her 3 for which reason they spend part of their nights in my chamber , which is the only time we enjoy in peace the pleasure of seeing one another. Though I cannot partake of their conversation, their presencs is always agreeable to me. It is not for want of care in either of them that I am not happy. Alas ! my dear Aza , they are ignorant that I cannot bear to be remote from thee , and that I do not think my- self to live , except when the remembrance of thee, and my tenderness employ me entirely. LETTRE XVI. A AzA : Elle rc::;rellc de n'avoir presque plus de Qiiipos. Elle commence à apprendre à liie : elle voit jouer une Inigédie française. J. L me reste si peu de Qiiipos , mon cIkt Aza , qu'à peine j'ose en faire usage. Quand je veux les iiouer , la crainte de les voir finir m'arrête , comme si, en les épargnant, je pouvais les multiplier. Je vais perdre le plaisir de mon âme , le soutien de ma vie : rien ne soulagera le poids de ton absence ; j'en serai accablée. Je goûtais une volupté délicate à conserver le souvenir des plus secrets mouvemens de mon cœur pour t'en offrir l'hommage. Je voulais conserver la mémoire des principaux usages de cette nation singulière , pour amuser ton loisir dans des jours j)lus heureux. Hélas ! il me reste bien peu d'espérance de pouvoir exé- cuter mes projets. Si je trouve à présent tant de difficultés à mettre de l'ordre dans mes idées j comment pourrai-je , dans la suite , me les rappeler sans un secours étranger? On m'en oMre im , il est vrai ; mais LETTER XVI. To A K A ; Sho laments lliat her Quipos are almosi used , and begins to learn to read ; sees a French tragedy. JL HAVE SO few Quipos left , my dear Aza , that I scarce dare use them. When I wish to knot them , the dread of seeing an end of them stops me ; as if I could multiply by sparing them. T am going to lose the pleasure of my soul , the sup- port of my life 3 nothing can relieve the weight of thy absence , which must now weigh me do^A'n. I tasted a delicate pleasure in preserving the remembrance of the most secret motions of my heart to offer thee its homage. My design was to presence the memory of the principal customs of this singular nation , to amuse thy leisure with in more happy times. Alas ! I have little hopes now^ left of executing my project. If I find at present so much difficulty in put- ting my ideas into order , how shall I he- reafter recall them without foreign assis- tance ? 'Tis true they offer me one 3 but the 208 LETTRES D'UNE PERUVIENNE. l'exécution en est si difficile , que je la crois impossible. Le Cacicjue m'a amené un sauvage de cette contrée , qui vierit tous les jours me donner des leçons de sa langue et de la méthode dont on se sert ici pour donner une sorte d'existence aux pensées. Cela se fait en traçant avec une plume de petites ligures que l'on appelle lettres , sur une ma- tière blanche et mince que l'on nomme papier : ces figures ont des noms ; ces noms mêlés ensemble représentent les sons des paroles 3 mais ces noms et ces sons me pa- raissent si peu distincts les uns des autres , que , si je réussis un jour à les entendre , je suis bien assurée que ce ne sera pas sans beaucoup de peine. Ce pauvre sauvage s'en donne d'incroyables pour m'instruire ; je m'en donne bien davantage pour ap- prendre : cependant je fais si peu de pro- grès , que je renoncerais à l'entreprise , si je savais qu'une autre voie pût m'éclaircir de ton sort et du mien. II n'en est point, mon cher Aza ! Aussi ne trouverai-je plus de plaisir que dans cette nouvelle et singu- lière étude. Je voudrais vivre seule , afin de m'y livrer sans relâche : et la nécessité LETTERS OF A PERUVIAN. 2O9 execution of it is so difficult , that I think it impossible. The Cacique has brought me one of this country savages , \A'ho comes daily to give me lessons in his tongue , and to shew me the method of giving a sort of existence to our thoughts. This is done by drawing small figures, ^vhich they call letters , with a feather upon a thin matter called paper. These figures have names , and those names put together represent the sound of words. But these names and sounds seem to me so little distinct from one another, that , if I do in time succeed in learning them , I am sure it will not be without a great deal of pains. This poor savage take* an incredible deal of trouble to teach me ^ and I give myself more to learn : yet I make so little progress , that I would re- nounce the enterprize, if I knew any other way to inform mjself of thy fate and mine. There is no other , my dear Aza , the- refore my whole delight is now in this new and singular study. I ^vould live alone : all that I see displeases me , and the necessity imposed on me of being To m el, o 2IO LETTRES D'UNE PERUVIENNE. qae l'on m'impose d'être toujours dans la chambre de Madame , me devient un sup- plice. Dans les commencemens , en exci- tant la curiosité des autres, j'amusais la mienne 3 mais , quand on ne peut faire usage que des yeux, ils sont bientôt satis- faits. Toutes les femmes se peignent le vi- sage de la même couleur : elles ont toujours les mêmes manières ; et je crois qu'elles disent toujours les mêmes choses. Les appa- rences sont plus variées dans les hommes. Quelques-mis ont l'air de penser 3 mais en général , je soupçonne cette nation de n'être point telle qu'elle paraît : l'affectation me semble sou caractère dominant. Si les dé- monstrations de zèle et d'empressement dont on décore ici les moindres devoirs de la société , étaient naturelles , il faudrait , mon cher Aza , que ces peuples eussent dans le cœur plus de bonté, plus d'huma- nité que les nôtres : cela se peut-il penser? S'ils avaient autant de sérénité dans l'âme que sur le visage 3 si le penchant à la joie que je remarque dans toutes leurs actions, était sincère, choisiraient-ils pour leurs amusemens des spectacles tels que celui que l'oa m'a fait voir ? LETTERS OF A PERUVIAN. 211 always in Madame's appartment gives me great torment. At first , by exciting the curiosity of others, I amused my own : but , where the eyes only are to be used , they are soon satisfied. All the wo- men are alike , h ive stiil the same man- ners , and I think they always speak the same w^ords. The appearances are more varied among the men : some of them look as if they thought: but in general, T sus- pect this nation not to be what it appears, for affectation seems to be its ruling cha- racter. If the demonstrations of zeal and earnestness , with which the most trifling duties of society are here graced , v\^ere natural , these people , my dear Aza, must certainly have in their hearts more good- ness and humanity than ours : and who can think this possible ? If they had as much serenity in the soul as upon the countenance , if the pro- pensity to joy , which T remark in all their actions , was sincere , would they chuse for their amusement such spectacles as they have carried me to see ? O 3 212 LETTr.ES D'UNE PERUVIENNE. Oil m'a conduite clans un endroit où l'on représente , à peu près comme dans ton palais , les actions des hommes qui ne sont plus (i) 5 avec cette diflerence que , si nous ne rappelons que la mémoire des plus sages et des plus vertueux , je crois qu'ici on ne célèbre que les insensés et les médians. Ceux qui les représentent , crient et s'agitent comme des furieux : j'en ai vu un pousser sa rage jusqu'à se tuer lui-même. De belles femmes, qu'apparemment ils persécutent, pleurent sans cesse , et font des gestes de désespoir , qui n'ont pas besoin des paroles dont ils sont accompagnés , pour faire con- naître l'excès de leur douleur. Pourrait-on croire , mon cher Aza , qu'un peuple entier , dont les dehors sont si humains , se plaise à la représentation des malheurs ou des crimes qui ont autrefois avili ou accablé leurs semblables ? Mais peut-être a-t-on besoin ici de l'hor- reur du vice pour conduire à la vertu. (l) Les Incas fuisaienf représenter des espèces de comédies dont les siijels étaient tués des meilleures wclions de leurs prédécesseurs. LETTERS OF A PERTJVIAN. 2l3 They conducted me into a place "where \Yere represented , almost as in thy palace, the actions of men who are no more (i). But as we revive only the me- mory of the most wise and virtuous , I believe only madmen and villains are re- presented here. Those who personated them raved and stormed as if tliey were wild 3 and I saw one of them carry Lis fur}^ so high as to kill himself. Some fine VN'omen , whom seemingly they persecuted , w^ept incessantly , and shelved such tokens of despair , that the vvords liiey made use of weve not necessary to shew the excess of their anguish. Could one think, my dear Aza , that a v, hole people , whose oulside is so humane , sliould be pleased at the representation of those misfortunes or crimes , which either overwdielmed or degraded creatures like themselves ? But perhaps they have occasion here for the horror of vice to conduct them (l) The Incas caused a kind of comedies lo be represented , the subjects ol" ^vhich were taken from the brightest actions of their predecessors. 2r4 LETTRES d'une PERUVIENNE. Cette pensée me vient sans la chercher ; si elle élait juste , que je p'aindraib cette na- tion ! La nôtre, plus favorisée de la nature, chérit le bien par ses propres attraits; il ne nous faut que des modèles de verlu pour devenir vertueux , comme il ne faut que t' aimer pour devenir aimable. LETTEilS OF A PERUVIAN. 2l5 to virtue. This thought starts upon me unsought 3 and if it were true , how should I (3ity such a nation ? Ours , more favoured by nature , cherishes goodness for its o\A''n charms : we \vaut only models of virtue to make us virtuous 3 as nothing is requisite but to love thee in order to be- come amiable. LETTRE XVII. A A Z A : Descriplion d'un opéra. Reflexions sur la parole, la musique elc. J E ne sais plus que penser du génie de cette nation , mon cher Aza. Il parcourt les extrêmes avec tant de rapidité , qu'il faudrait être plus habile que je ne le suis , pour asseoir un jugement sur son caractère. On m'a fait voir un spectacle totalement opposé au premier. Celui-là , cruel , ef- frayant, révolte la raison et liumiHe l'hu- manité : celui-ci , amusant , agréable, imite la nature et fait honneur au bon sens. ]l est composé d'un bien plus grand nombre d'hommes que le premier. On y représente aussi quelques actions de la vie humaine ; mais soit que l'on exprime la peine ou le plaisir , la joie ou la tristesse , c'est tou- jours par des chants et des danses. Il faut, mon cher Aza , que l'intelligence des sons soit universelle ; car il ne m'a pas été plus difficile de m'affecter des différentes pas- sions que l'on a représentées, que si. elles LETTER XVII. To AzA : An opera described , with refleclions on speech and music , elc. X KNOW not what farther to think of the genius of this nation , my dear Aza. It runs through the extremes with such ra- pidity J that it requires more abiUty than I possess to set a judgment upon its cha- racter. They have shewn me a spectacle entirely opposite to the former. That , cruel and frightful , made reason revolt , and humbled humanity : this , amusing and agreeable , imitates nature , and does ho- nour to good - sense. It w^as composed of a great many more men and women than the former: they represented also some ac- tions of human life ; but whether they ex- pressed pain or pleasure, joy or sorrow, the whole was done by songs and dances. The intelligence of sounds , my dear Aza , must be universal : for I found it no more difficult to be affected with the different passions that Vvxre represented , than if 5l8 LETTRES d'une PERUVIENNE. eussent été' exprimées dans notre langue ', et cela me paraît bien naturel. Le langage humain est sans doute de l'invention des hommes , puisqu'il difière suivant les dif- férentes nations. La nature , plus puissante et plus attentive aux besoins et aux plaisirs de ses créatures , leur a donné des moyens généraux de les exprimer , qui sont fort bien imités par les chants que j'ai enten- dus. S'il est vrai que des sons aigus expri- ment mieux le besoin de secours dans une crainte violente , ou dans une douleur vive , que des paroles entendues dans une partie du monde , et qui n'ont aucune signification dans l'autre , il n'est pas moins certain que de tendres gémissemens frappent nos cœurs d'une compassion bien plus ef- ficace , que des mots dont l'arrangement bizarre fait souvent un effet contraire. Les sons vifs et légers ne portent-ils pas inévi- tablement dans notre âme le plaisir gai , que le récit d'une histoire divertissante , ou une plaisanterie adroite n'y fait jamais naître qu'imparfaitement ? Est-il dans au- cune langue des expressions qui puissent communicjuer le plaisir ingénu avec autant de succès que font les jeux naïfs des animaux ? LETTERS OF A PERUVIAN. 219 "tîiey had been expressed in our language. This seems to me very natural. Human speech is doubtless of man's invention , because it differs according to the diffe- rence of nations. Nature , more powerful , and more attentive to the necessities and pleasures of her creatures , has given them general means of expressing them , which are well imitated by the songs I heard. If it be true that sharp sounds express better the need of help , in violent fear , or acute pain , than words understood in one part of the world , and which have no signi- fication in another ; it is not less certain that the tender sighs strike our hearts with a more efficacious compassion thanw^ords, the odd arrangement of which sometimes produces just a countrary effect. Do not lively and light sounds inevitably excite in our soul that gay pleasure, wdiich the re- cital of a diverting story , or a joke pro- perly introduced , can but imperfectly raise? Are there expres>ions in any language that can communicate genuine pleasure Avith so much success as the natural sports of ani- mals ? Dancing seems an humble imitation 220 LETTRES D'uNE PERUVIENNE. II semble que les danses veulent les imiter ; du moins inspireal-elles à peu près le même sentiment. Enfin, mon cher j^za, dans ce spectacle tout est conforme à la nature et à l'humanité. Eh ! quel bien peut-on faire aux hommes , qui égale celui de leur inspirer de la joie ? J'en ressentis moi-même , et j'en emportais presque malgré moi , quand elle fut troublée par un accident qui arriva à Céline. En sortant , nous nous étions un peu écartées de la foule, et nous nous soutenions l'une et l'autre de crainte de tomber. Dé- terville était quelques pas devant nous avec sa belle-sœur qu'il conduisait , lorsqu'un jeune sauvage, d'une figure aimable , aborda Céline , lui dit quelques mots fort bas , lui laissa un morceau de pa})ier qu'à peine elle eat la force de recevoir, et s'éloigna. Céline , qui s'était effrayée à son abord jusqu'à me faire partager le tremblement qui la saisit , lournala tête languissamment vers lui , lorsqu'il nous quitta. Elle me parut si faible , que , la croyant attaquée d'un mal subit, j'allais appeler Déterville pour la se- courir j mais elle m'arrêta et m'imposa si- lence en me mettant un de ses doigts sur la bouche^ j'aimai mieux garder mon inquiétude Mais elle m'ai-rèta ci iniiiiposa siloncc en me jnc((an( un de ses doit^Us sur la luxiehe . LETTERS OP A PERUVIAN. 221 of tliem , and inspires much the same sentiment. In short, my dear Aza, every thing in this last show was conformable to nature and humanity. Can any benefit be conferred on man , equal to that of inspiring him with joy ? I felt it myself, and was transported by it in spite of me , when I was interrupted by an acci- dent that happened to Célina. As we came out , we stepped a little aside from the cro^vd , and leaned on one another for fear of falling. Déîerville was some paces be- fore us leading his sister-in law ; when a young savage , of an amiable figure , came up to Célina , whispered a few words to her very low , gave her a bit of paper , which she scarce had slrengh to take , and retired. Celina , who was so frightened at his approach , as to make me partake of her trembling , turned her head languishingly towards him when he quitted us. She see- med so weak , that , fearing she was attac- ked by some sudden illness , I was going to call Detervillc to her assistance : but she stopped me , and , by putting her finger on her mouth , required nie to be silent , I 222 LETTRES D UNE PERUVIENNE. c]ue de lui désobéir. Le même soir , (juand le frère et la sœur se furent rendus dans ma chambre , Céline montra au Cacique le pa- pier qu'elle avait reçu ; sur le peu ()ue je dc- Tinai deleur entretien, j'aurais [)ensé(ju'elle aimait le jeune homme qui le lui avait donné, s'il était possible que l'on s'effrayât de la pré- sence de ce qu'on aime. Je pourrais encore, mon cher Aza, te faire part de beaucoup d'autres remarques que j'ai faites ; mais hélas ! je vois la fin de mes cordons , j'en touche les derniers nœuds ; ces nœuds , qui me semblaient être une chaîne de commu- nication de mon cœur au tien , ne sont déjà plus que les tristes objets de mes regrets. L'illusion me quitte , l'affreuse vérité prend sa place, mes pensées errantes, égarées dans le vide immense de l'absence , s'anéantiront désormais avec la même rapidité que le tems. Cher Aza, il me semble que l'on nous sépare encore une fois , que l'on m'arrache de nouveau à ton amour. Je te perds , je te quitte , je ne te verrai plus. Aza ! cher es- poir de mon cœur , que nous allons être éloignés l'un de i'iiutre. LETTERS OF A ^PERUVIAN. 223 chose rather to be uneasy , than to disobey her. The same evening , when the brother and sister came into my chamber , CcUna shewed the Cacique the paper she had re- ceived. By the little I could guess at in their conversation , I should have thought she loved the young man who gave it her, if it had been possible for one to be frigh- tened at the presence of what one loves. I have made other remarks , my dear Aza , which I would have imparted to thee : but alas ! my Quipos are all used : the last threads are in my hands , and I am knot- ting the last knots. The knots, whicli seemed to me a chain of communication betwixt my heart and thine , are now only the sorrowful objects of my regret. Ill lésion quits me ; frightful truth takes her place : my wandering tlioughts , bewildered in the immense void of absence , will hereafter be annihilated with the same rapidity as time. Dear Aza , they seem to separate us once again , and snatch me afresh from thy love. I lose thee ! I quit thee! I shall see thee no more ! Aza ! dear hope of my heart , how distant indeed are we now to be removed from each other .' L E T T R E XVIII. A Az A : Elle commence à dcrire ses observations. VROMBI EN de tems efface de ma vie , mon cher Aza ! Le soleil a fait la moitié de son cours depuis la dernière fois (jiie j'ai joui du bonheur artificiel que je me faisais en croyant m'entretenir avec toi. Que celte double absence m'a paru longue ! Quel cou- rage ne m'a-t-il pas fallu pour la suppor- ter ! Je ne vivais que dans l'avenir , le pré- sent ne me paraissait plus digne d'être compté ! Toutes mes pensées n'étaient que des désirs ', toutes mes réflexions que des projets 3 tous mes sentimens , que des es- pérances. A peine puis-je encore former ces figures , que je me hâte d'en faire les in- terprètes de ma tendresse. Je me sens ra- nimer par cette tendre occupation. Rendue à moi-même , je crois recommencer à vi- vre. Aza 5 que tu m'es cher! que j'ai de joie à te le dire , à le peindre , à donner à ce sentiment toutes les sortes d'existences qu'il peut avoir! Je voudrais le tracer sur le plus dur mctal , sur les murs de ma LETTER XVII T. To Aza: She begins to write her observations. JdL o XV much of my time has been effa- ced, my dear Aza ! the sun has run half his course since I last enjoyed the artificial happiness of believing I conversed with thee. How tedious has this double absence appeared ! What courage did I want to support it ! I lived in futurity only , and the present time did not seem worthy to be computed. All my thoughts were nothing but desires , my reflections but so many projects , and my sentiments but a series of hopes. Scarce have I learned to form these figures , and yet I will try to make them the interpreters of my passion. I feel myself reanimated by this amiable employ- ment : restored to myself, I begin to live again. Aza , how dear art thou ! what delight do I take in telling thee so , in pain- ting these sentiments, and giving them all possible means of existence I would trace them upon the hardest metal, upon the walls Tome I. p 226 LETTRES D'UNE PERUVIENNE. chambre, sui* mes habils, sur tout ce (|ui m'envirojHie , et l'exprimer dans toutes les langues. Hélas ! que la connaissance de celle dont je me sers à présent , m'a élé funeste ! que l'espérance qui m'a portée à m'en ins- truire 5 était trompeuse ! à mesure que j'en ai acquis rintelligence , un nouvel univers s'est offert à mes yeux. Les objets ont pris une autre forme , chaque éclaircissement m'a découvert un nouveau malheur. Mon esprit, mon cœur, mes yeux, tout m'a séduit; le soleil même m'a trompée. Il éclaire le monde entier dont ton empire n'occupe qu'une portion , ainsi que bien d'autres royaumes qui le composent. Ne crois pas , mon cher Aza , que l'on m'ait abusée sur ces faits incroyables 3 on ne me les a que trop prouvés. Loin d'être parmi des peu- ples soumis à ton obéissance , je suis non- seulement sous une domination étrangère , mais si éloignée de ton empire , que notre nation y serait encore ignorée , si la cupi- dité des Espagnols ne leur avait fait sur- monter des dangers affreux pour pénétrer jusqu'à nous. L'amour ne fera-t-il pas ce que la soif des ri( hesses a pu faire ? si tu m'aimes, situ me désires, si tu penses encore LETTERS OF A PERUVIAN. Ilf of my chamber , upon my garments , upon all that surrounds me, and express them in all languages. How fatal , alas , has the knowledge of the language I now use been to me ! How deceitful was the hope that prevailed on me to learn it! Scarce had I got acquainted with it but a new universe opened to my eyes 3 objects took, another form , and every light I gained discovered to me a new misfortune. My mind , my heart, my eyes, the sun himself has de- ceived me. He enlightens the whole world of which thy empire , and the various kingdoms that own thy supremacy , are a portion only. Do not think, my dear Aza , that they have imposed upon me in these incredible facts , which they have but too well proved. Far from being among people subjected to thy obedience , I am not only under foreign dominion , but so prodigiously remote from thy empire , that our nation had still been unknown here, if the avarice of the Spaniards had not made them sur- mount the most hideous dangers to come at us. V\ ill not love do as much as a thirst of riches has done ? If thou lovest me , if thou desirest me , if thou only thinkest p 2 228 LETTRES D'UNE PÉRUVIENNE. à la malheureuse Zilia , je dois tout at- tendre de ta tendresse ou de ta générosité. Que l'on m'enseigne les chemins qui peu- vent me conduire jusqu'à toi 3 les périls à surmonter , les fatigues à supporter , seront des plaisirs pour mou cœur. LETTERS OF A PERUVIAN. 229 yet of tlie unhappy Zilia, I have every thing to expect from thy tenderness and generosity. Let them teach me the roads that lead to thee, and the perils to be sur- mounted , or the fatigues to be borne , shall be so many pleasures to my passionate heart. LETTRE XIX. A Aka : Elle écrit la siuie de ses découvertes; elle est enfermée avec Céline dans un couvent. tJ E suis encore si peu liahilc clans l'art d'écrire , mon cher Aza , qu'il me faut un tems infini pour former très-peu de lignes. Il arrive souvent qu'après avoir beaucoup écrit, je ne puis deviner moi-même ce que j'ai cru exprimer. Cet embarras brouille mes idées, me fait oublier ce que j'avais rappelé avec peine à mon souvenir ; je re- commence , je ne fais pas mieux , et ce- pendant je continue. J'y trouverais plus de facilité , si je n'avais à te peindre que les expressions de ma tendresse ; la vivacité de mes senlimens applanirait toutes les dijffi- cultés. Mais je voudrais aussi te rendre compte de tout ce qui s'est passé pendant l'intervalle de mon silence. Je voudrais que tu n'ignorasses aucune de mes actions j néanmoins elles sont depuis long-tems si peu intéressantes , et si uniformes , qu'il LETTER XIX. To AzA : She writes more of her discoveries; s?ig and Celiua shut up In a nunnery. JLam as yet so very imperfect in tlie art of writing , that it takes me up abun- dance of time to form only a few lines. Oflen it happens , my dear Aza , that , after having written mu'ch , I cannot my- self divine what I have endeavoured to ex- press. This perplexity confounds my ideas, and makes me forget what I had wilh pain revolved in my memory. I begin again, do no better , and yet I proceed. The task would be more easy to me , if I had no- thing to give thee but expressions of my tenderness : the vivacity of my sentiments would then surmount all difficulties. But I would also render thee an account of all that has passed during the long interval of ray silence. I would not have thee igno- rant of any of my actions ; and yet of so little importance , so little uniform have 232 LETTRES D'uNE PERUVIENNE. me serait impossible de les distinguer les unes des autres. Le principal événement de ma vie a été le départ de Détervilie. Depuis un espace de tems que l'on nomme six mois , il est allé faire la guerre pour les intérêts de son souverain. Lorsqu'il partit, j'ignorais encore l'usage de sa langue 3 cependant à la vive douleur qu'il fit paraître en se séparant de sa sœur et de moi , je compris que nous le perdions pour long-tenis. J'en versai bien des larmes 3 mille ■ craintes remplirent mon cœur , que les bontés de Céline ne purent effacer. Je perdais en lui la plus solide espérance de te revoir. A qui pourrais-je avoir recours , s'il m'arrivait de nouveaux malheurs ? Je n'étais entendue de personne. Je ne tarderai pas à ressentir les effets de cette absence. Madame , dont je n'avais que trop deviné le dédain , et qui ne m'a- vait tant retenue dans sa chambre , que par je ne sais quelle vanilé (ju'elle tirait , dit-on, de ma naissance et du pouvoir qu'elle a sur moi , me fit enfermer avec Céline dans une maison de vierges, où nous sommes encore. LETTERS OF A PERUVIAN. 233 the}'' a long time been , that it would be impossible for me to distinguish one from another. The principal event of my life has been Deterville's departure. As long ago as they call here six months , he has been gone to war for the interest of his sovereign. When he set out , I did not then know his language: but, by the lively grief he discovered at parting from his sister and me , I understood that we w^ere going to lose him for a long time. 1 shed many tears j a thousand fears filled my heart , lest the kindness of Célina should wear off. In him I lost the most solid hope of seeing thee again. To whom could I have had recourse , if any new misfortunes had happened . to me ? Nobody understood my language. It was not long before I felt the effects of his absence. Madame , his mo- ther , whose contempt I had but too justly guessed at ( and who had not kept me so much in her chamber , but to in- ^ dulçe the vanity she conceived on account of my birth , and the power she had over me ) caused me to be shut up ^Yith Cc- lina ill a house of virgins , where \ye now 234 LETTRES D'UNE PERUVIENNE. La vie que nous menons ici est si uniforme qu'elle ne peut produire que des événemens très-peu intéressant. Cette retraite ne me déplairait pas , si , au moment où je suis en état de tout en- tendre , elle ne me privait des instructions dont j'ai besoin sur le dessein que je forme d'aller te rejoindre. Les vierges qui l'habi- tent , sont d'une ignorance si profonde , qu'elles ne peuvent satisfaire à mes moin- dres curiosités. Le culte qu'elles rendent à la divinité du pays , exige qu'elles renon- cent à tous ses bienfaits, aux connaissan- ces de l'esprit , aux sentimens du cœur , et je crois même à la raison ; du moins leurs discours le font-ils penser. Enfermées comme les nôtres , elles ont un avantage que l'on n'a pas dans les temples du soleil -, ici , les murs ouverts en quelques endroits , et seu- lement fermés par des morceaux de fer croi- sés assez près l'un de l'autre , pour empê- cher de sortir , laissent la liberté de voir et d'entretenir les gens du dehors : c'est ce qu'on appelle des parloirs. C'est à la faveur de cette commodité, quejecontinue à pren- dre des leçons d'écriture. Je ne parle qu'au maître qui me k$ donne ; son ignorance ù LETTERS OF A PERUVIAN. 235 are. The life that we lead here is so very uniform , that it can produce but incon- siderable events. This retreat would not displease me if it had not deprived me ( just as I began to be initiated ) of the instructions 1 wanted to carry on my design of coming to thee. The virgins that live here are so profoundly ignorant , that they rannot satisfy my most trilling inquities. The worship which they render to the divinity of the country , re- quires that they should renounce all his benefits , all intelligence of the mind , all the sentiments of the heart , and I think even reason itself, if one may judge from their discourse. Though shut up like ours , these virgins have one advantage that is not to be foud in the temple of the sun. The walls are open here in several places , and secured only by cross bars of iron , so close that they cannot be got between. By these places , which are called Parlours, they have the liberty of conversing with persons who are without. It is through one of these convenient places that I continue to have my writing lessons. I speak to nobody but the master who gives them 2.36 LETTRES d'une PERUVIENNE. tous autres égards qu'à celui de son art , ne \ peut me tireV de la mienne. Céline ne me paraît pas mieux instruite ; je remarque dans î les réponses qu'elle fait à mes questions , un certain embarras qui ne peut partir que | d'une dissimulation mal - adroite ou d'une ' ignorance honteuse. Quoiqu'il en soit , son entretien est toujours borné aux intérêts de son cœur et à ceux de «sa famille. Le jeune français qui lui parla un jour en sortant du spectacle où l'on chante , est son amant , comme j'avais cru le deviner. Mais Madame Délerville , qui ne veut pas les unir, lui défend de le voir^ et , pour l'en empêcher plus sûrement, elle ne veut pas même qu'elle parle à qui que ce soit. Ce n'est pas que son choix soit indigne d'elle , c'est que cette mère glorieuse et dénaturée profite d'un usage bar- bare , établi parmi les grands Seigneurs du pays , pour obliger Céline à prendre l'habit de Vierge , afin de rendre son fils aîné plus riche. Par le même motif , elle a déjà obligé Déter ville à choisir un certain Ordre , dont LETTERS OF A PERUVIAN. îzB/ to me ', and his ignorance , in every thing but his art , is not hke to rescue me out of mine. CeUna seems no better informed than the rest : in the answers she gives to my questions , I observe a certain per- plexity , which can proceed from nothing but either awkward dissimulation , or pro- found ignorance. Which soever it be , her conversation is always confined to the affairs of her own heart , and those of her family. The 3^oung Frenchman who spoke to her as we came out from the singing en- tertainment , is her lover, as I guessed be- fore. But Madame Deterville , who will not let them come together , forbids her seeing him 3 and, the more effectually to hinder her , will not permit her to speak to any person what soever without. Not tliat the choice is unworthy of her , but this vain and unnatural mother, taking ad- vantage of a barbarous custom established among the great in this country , obliges Celina to put on the virgin's habit , in or- der to make her eldest son the richer. From the same motive she lias obliged Deterville to enter into a particular order , 238 LETTRES D'i'NE PÉRUVIENNE. il ne pourra plus sortir , dès qu'il aura pro- noncé des paroles que l'on appelle Vœux. Céline résiste de tout son pouvoir au sacrifice que l'on exige d'elle ; son courage est sou- tenu par des lettres de son amant , que je reçois de mon Maître à écrire , et que je lui rends ; cependant son chagrin apporte tant d'altération dans son caractère , qne loin d'a- voir pour moi les mêmes bontés qu'elle avait , avant que je parhisse sa langue , elle répand sur notre commerce une amertume qui ai- grit mes peines. Confidente perpétuelle des siennes , je l'écoute sans ennui , je la plains sans effort , je la console avec amitié ; et si ma tendresse , réveillée par la peinture de la sienne , me fait chercher à soulager l'oppres- sion de mon cœur , en prononçant seulement ton nom , l'impatience et le mépris se pei- gnent sur son visage -, elle me conteste ton es- prit , tes vertus , et jusqu'à ton amour. Ma China même ( je ne lui sais point d'autre nom 3 celui-là a paru plaisant , on le lui a laissé ) ; ma China , qui semblait m'aimer , qui m'obéit en toute autre occasion , se donne la hardiesse de m'exhorter à ne plus LETTERS OF A PERUVIAN. 289 from which he cannot be disengaged after he has pronounced certain words called Vows. Celina , with all her power , op- poses the sacrifice they would make of her: her courage is supported by her lover's letlers , v\^hich I receive from my writing master , and deliver to her. Yet her vexa- tion so alters her character, that, far from shewing me the same kindness she did before 1 spoke her tongue , she spreads such a sourness over all our conversation , as renders my sorrows the more acute. Her troubles , ofwhichlam the perpetual con- fidante, I hear without disgust : I bewail fiiem without art , and comfort her with friendship 3 but if my tenderness, awakened by the picture of hers , drives me to seek ease to my oppressed heart by only pro- nouncing thy name , impatience and con- tempt are immediately painted in her coun- tenance 5 she disputes thy understanding , thy virtues , and even thy love. My very China ( I have no other name for her , this having so pleased that it has been con- tinued ) my China , who seemed to love me , who obeyed me in all things , takes the liberty to exhort me to think no more 240 LETTRES D'une péruvienne. penser à toi , ou , si je lui impose silence , elle sort : Céline arrive , il faut renfermer mon chagrin. Cette contrainte tyrannique met le comble à mes maux. Il ne me reste que la seule et pénible satisfaction de couvrir ce pa- pier des expressions de ma tendresse , puis- qu'il est le seul témoin docile des sentimens de mon cœur. Hélas ! je prends peut-être des peines inutiles, peut-être ne sauras-tu jamais que je n'ai vécu que pour toi. Cette horrible pensée affaiblit mon courage , sans rompre le dessein que j'ai de continuer à t'écrire. Je conserve mon illusion pour te conserver ma vie , j'écarte la raison barbare qui voudrait m'éclairer : si je n'espérais te revoir , je péri- rais , mon cher Aza , j'en suis certaine ; sans toi la vie m'est un supplice. LETTERS OP A PERUVIAN. 24£ of thee , or leaves me , if I bid her be silent. Celina then comes in , and I must hide my resentment. This tyrannical constraint heighlens all my misfortunes. I have no- thing left but the painful satisfaction of co- vering this paper wilh expressions of my tenderness , it being the only docile witness of the sentiments of my heart. Alas ! perhaps the pains I take are useless y perhaps thou wilt never know that I lived for thee alone. This horrible thought en- feebles my courage , yet does not interrupt my design of continuing to write to thee. I preserve my illusion , that I may pre- serve my life for thee. I banish the cruel reason that would inform me. If I did not hope fo see thee again, I am sure, my dear Aza, I should perish 3 for life without thee is a torment to me. Tome I. L E T T R E X X. A A z A ; Ilemnr([ucs sur les usages des Français. O usQu'ici , mon cher Aza , toute occu- pée des peines de mon cœur , je ne t'ai point parlé de celles de mon esprit ; cependant elles ne sont guère moins cruelles. J'en éprouve une d'un genre inconnu parmi nous , causée par les usages généraux de cette Nation , si dilFérens des nôtres , qu'à moins de t'en don- ner quel{[ues idées , tu ne pourrais compatir à mon inquiétude. Le gouvernement de cet Empire , entièrement opposé à celui du tien , ne peut manquer d'être défectueux. Au lieu que le Capa-Tnca est obligé de pourvoir à la subsistance de ses Peuples, en Europe les Souverains ne tirent la leur que des travaux de leurs sujets : aussi les crimes et les malheurs viennent-ils pres(}ue tous des besoins mal sa- tisfaits. Le malheur des Nobles , en général , naît des difficultés qu'ils trouvent à concilier leur maguihcence apparente avec leur mi- sère réelle. Le commun des hommes ne soutient son ,état , que par ce qu'on appelle commerce , LETTER XX. To AzA .' PvCmarks on ihe French cuslonas. xiiTHERTO, my dear Aza, intent oiiîy about the afflictions of my heart, I have said nothing to thee concerning those of my understanding : yet these are not the less cruel , because 1 have omitted them. I experience one of a kiiid unkno\vn among us , and which nothing but the equivocal , genius of this nation could invent. The go- vernment of this empire , quite opposite to ihaf of thine , must needs be defective. Whereas the Capa-lnca is obhged to pro- vide for the subsistence of his people , in Europe the sovereigns subsist only on the labours of their subjects : whence it is that most of the crimes and misfortuiies proceed here from unsatisfied necessities. The misfortunes of the nobles in general , arise from the difficultés they arc under to reconcile their apparent magnificence with their real misery. . The common people support their condition O 2 244 LETTRES D^UNE PERUVIENNE. OU industrie 3 la mauvaise foi est le moindre des crimes qui en résultent. Une partie du Peuple est obligée, pour vivre, de s'en rapporter à l'humanité des autres 3 les effets en sont si bornés, qu'à peine ces malheureux ont-ils suffisamment de quoi s'empêcher de mourir. Sans avoir de l'or , il est impossible d'ac- quérir une portion de cette terre que la na- ture a donnée à tous les hommes. Sans pos- séder ce qu'on appelle du bien , il est im- possible d'avoir de l'or 3 et par une incon- séquence qui blesse les lumières naturelles , et qui impatiente la raison, cette nation or- gueilleuse , suivant les lois d'un faux hon- neur qu'elle a inventé , attache de la honte à recevoir de tout autre que du souverain , ce qui est nécessaire au soutien de sa vie et de son état : ce souverain répand ses libéralités sur un si petit nombre de ses sujets , en comparaison de la quantité des malheureux , qu'il y aurait autant de folie à prétendre y avoir part , que d'ignominie à se délivrer , par la mort, de l'impossibililé devivTcsans honte. La connaissance de ces tristes vérités n'excita d'abord dans mon cœur que de la pitié pour les misérables , et de riodignatiou contre les lois. Mais hélas ! LETTERS OF A PERUVIAN. '2^^ by what is called commerce or industry , the least evil arising from which is insincerity. Part of the people , in order to live , are obliged to depend on the humanity of others; and that is so bounded , that scarce have those wretches sufficient to keep them alive. Without gold , it is impossible to ac- quire any part of that land which na- ture has given in common to all men. VN i- thout possessing what they call wealth > it is impossible to have gold 3 and , by a false consequence , repugnant to reason and natural light , this senseless people , thinking it a shame to receive from any other than the sovereign the means of life , and the support of dignity , give that so- vereign an opportunity of showering down his liberalities on so small a number of his subjects , in comparison with those that are miserable , that there would be as much folly in pretending to any share in them , as there would be ignominy in obtaining deliverance by death from the impossibi- lity of living without shame. The know- ledge of these woeful truths excited in my heart at first only pity for the misera- ble wretches , and indignation against the 246 LETTRES d'une PÉRUVIENNE. que la manière méprisante dont j'entendis parler de ceux qui ne sont pas riches , me fit faire de cruelles réflexions sur moi-même! Je n'ai ni or , ni terres , ni industrie ; je fais îiécessairemcnt partie des citoyens de cette ville. O ciel ! dans quelle classe dois-je me ranger ? Quoique tout sentiment de honte, qui ne vient pas d'une faute commise , me soit étranger • quoique je sente combien il est insensé d'en recevoir par des causes in- dépendantes de mon pouvoir ou de ma vo- lonté , je ne puis me défendre de souffrir de l'idée que les autres ont de moi : cette peine me serait insupportable , si je n'espé- rais qu'un jour ta générosité me meltra en état de récompenser ceux qui m'humilient, malgré moi, par des bienfaits dont je me croyais hono^Tç. Ce n'est pas que Céline ne mette tout en œuvre pour calmer mes inquiétudes à cet égard ; m^ais ce que je %'ois , ce que j'apprends des gens de ce pays, me donne , en général , de la défiance de leurs paroles^ leurs vertus , mon cher Aza, n'ont pas plus de réalité que leurs richesses. Les meubles que je croyais d'or , n'en ont que la superficie , leur véritable substance est de bois 3 de même , ce qu'ils appellent LETTERS OF A PERUVIAN. 247 laws. But alas ! how many cruel refler- tions does the contemptuous manner , in which I hear them speak of those that are not rich 5 cause me to make o?i myself ! I have neither gold , nor land , nor ad- dress , and yet I necessarily make a part of the cilizens of this place. O heaven! in what class must I rank myself ? Though I am a stranger to all sentiment of shame, which does not arise from a fault com- mited ; though I perceive how foolish it is to blush for causes independent of my power and my will ', I cannot help sufî'c- rins; from the idea which others have of me. This pain would be insupportable to me , if I did not hope that thy genero- sity will one day put me in a condition to recompense those , who , in spite of me , humble me by benefits v\àth which I once thought myself honoured. Not that Celina omits any thing in her power to calm my inquietudes in this respect : but what I see what I learn of this country , gives me a ge- neral diffidence of their words. Their vir- tues , my dear Aza , have no more rea- lity than their riches. The moveables, which I thought were of gold , have only a thin 248 LETTRES d'une PERUVIENNE. politesse , cache h'gèremeiit leurs défauts sous les dehors de la vertu ; mais avec un peu d'attention , on en découvre aussi aisé- ment l'artifice , que celui de leurs fausses richesses. Je dois une partie de ces connaissances à une sorte d'écriture que l'on appelle livres^ cjuoicjue je trouve encore beaucoup de dif- ficultés à comprendre ce qu'ils contiennent, ils me sont fort utiles , j'en tire des notions , Céline m'explique ce qu'elle en sait, et j'en compose des idées que je crois justes. Quel- ques-uns de ces livres apprennent ce (jue les hommes ont fait , et d'autres ce qu'ils ont pensé. Je ne puis t'exprimer, mon cher Aza, l'excellence du plaisir que je trouverais à les lire , si je les entendais mieux , ni le désir extrême que j'ai de connaiîre quelques- uns des hommes di\'ins qui les composent. Je comprends qu'ils sont a l'âme ce que le soleil est à la terre , et que je trouverais avec eux toutes les lumières , tous les secours dont j'ai besoin : mais je ne vois nul espoir d'a- voir jamais cette satisfaction. Quoicjue Cé- line lise assez souvent , elle n'est pas assez instruite pour me satisfaire ; à peine avait- ' LETTERS OF A PERUVIAN*. '2A(j superficies of that metal, their true subs- tance being wood. In like manner ^vhat they call politeness has all the outward forms of virtue , and lightly veils over their faults : but , with a little attention , the artifice of this is discovered , as well as their false riches. I owe part of this knowledge to a sort of writing they call books. Though T found it very difficult to comprehend v\diat they contain , they have been of great use to me : I extract notions from them ; Célina explains to me what she knows , and 1 form such ideas as I think are just. Some of these books teach me what men have done , and others what they have thought. I cannot explain to thee , my dear Aza , the exquisite pleasure I should take in rea- ding them , if 1 did but understand them belter 3 nor the extreme desire I have to know some of those divine men who com- pose them. As they are to the soul what the sun is to the earth. I should w4th them find all the lights , all the helps I want : but I see no hope of ever having that sa- tisfaction. Thougci Célina reads pretty of- teu , she is not knowing enough to satisfy elle pensé que les livres fussent fails par des liomiîies , elle en ignore les noms , et même s'ils vivent encore. Je te porterai , mon cher Aza, tout ce que je pourrai amas- ser de ces merveilleux ouvrages ; je te les expliquerai dans notre langue 3 je goûterai la suprême félicité de donner un plaisir nouveau à ce que j'aime. Hélas ! le pour- rai-je jamais ? LETTERS OF A PERUVIAN. 201 nie. As if she had never reflected that books were made by men , she is ignorant of their very names , and seems not to have re- flected that such men ever lived. I will convey to thée , my dear Aza , all that I can collect from their wonderful works : I will explain them in our language , and shall taste supreme felicity in giving a new pleasure to him I love. Alas ! shall I ever be able to perform my promise. LETTRE XXI. A A? A : Sa première conversation avec un religieux. J E ne manquerai plus de matière pour t'en- tretenir , mon cher Aza j on m'a fait parler à un Cusipata , que l'on nomme ici Religieux 3 instruit de tout , il m'a promis de ne me rien laisser ignorer. Poli comme un grand sei- gneur , savant comme un Amuta , il sait aussi parfaitement les usages du monde que les dogmes de sa religion. Son entretien , plus utile qu'un livre , m'a donné une satis- faction que je n'avais pas goûtée depuis que mes malheurs m'ont séparée de toi. II venait pour m'instruire de la religion de France , et m'exhorter à l'embrasser. De la façon dont il m'a parlé des vertus qu'elle prescrit , elles sont tirées de la loi naturelle , et en vérité aussi pures que les nôtres ; mais je n'ai pas l'esprit assez subtil pour appercevoir le rap- LETTER XXI. To A z A : Her first conversation with a religious man. X S H A L L not for the future want matter to entertain thee my dear Aza : they have let me speak to a Cuclpata , whom they call a religious man , yvho knows every thing , and has promised to leave me igno- rant of nothing. As poUte as a great lord , as learned as an Amiitas , he knows as well the customs of the world as the te- nets of his religion. His conversation , more useful than a book , has given me a satis- faction which I had not tasted since my misfortunes separated me from thee. He came to teach me the religion of France, and exhort me to embrace it : which I would wiUingly have done , if I had been well assured that he gave me a picture of it. According to what he said to me of the virtues it prescribes , they are drawn from the law of nature , and not less pure in fact than ours : but I have not pene- tration enough to perceive here that agree- 204 LETTRES D'L'NE PERUVIENNE. port que devraient avoir avec elle les mœurs et les usages de la nation , j'y trouve au con- traire une inconséquence si remarquable , que ma raison refuse absolument de s'y prêter. A regard de l'origine et des principes de cette religion , ils ne m'ont pas paru plus in- croyables que riiisloire de Mancocapac , et du marais Tisicàca (i) ; la morale en est si belle , que j'aurais écouté le Cusipata avec plus de complaisance , s'il n'eût parlé avec mépris du culte sacré que nous rendons au soleil 3 toute partialité détruit la confiance. J'aurais pu appliquer à ses raisonnemens ce qu'il opposait aux miens 5 mais si les lois de l'humanité défendent de frapper son semblable , parce que c'est lui faire un mal , à plus forte raison ne doit-on pas blesser sou âme par le mépris de ses opinions. Je me contentai de lui expliquer mes sentimens sans contrarier les siens. D'ailleurs, un in- térêt plus cher me pressait de changer le sujet de notre entretien : je l'interrompis , (i) Voyez l'hislolre des Incas, LETTERS OF A PERUVIAN. 2,55 ment , which the manners and customs of a nation should have ^vith their religion : on the contrary , I find such a \vant of connexion betwixt these , that m}^ reason absolutely refuses to believe my instructor. With reg'ird to the origin and principles of this religion , they did not appear to me either moro incredible , or more in- compatible with good sense , than the his- tory of Mancocapac and the lake Tisi- caca (i) : I should therefore have been ready to embrace it , if the Cucipata had not indignantly despised the worship which v/e render to the Sun. Partiality of any kind destroys confidence. I might have ap- plied to his arguments Tvhat he opposed to mine : but if the laws of humanity for- bid to strike another , because it is doing him an injury , there is iBore reason why one should not hurt the soul of another by a contempt of his opinions. T contented myself with explaining to him my senti- ments , but did not attempt to contradict his. Besides , a more dear concern pressed me to change the subject of our conversa-* (l) See the history of the Iiicas. 2.56 LETTRES d'uNE PKRUVIENSE. dès qu'il me fut possible, pour faire des questions sur l'éloignemeot de la ville de Paris à celle de Cuzco , et sur la possibilité d'en faire le trajet. Le Cusipata y salisfit avec bonté, et quoiqu'il me dessinât la dis- tance de ces deux villes d'une façon déses- pérante, quoiqu'il me fit regarder comme insurmontable la difliculté d'en faire le voyage, il me suffit desavoir que la chose était possible pour affer/nir mon courage , et me donner la confiance de communiquer mon dessein au bon religieux. Il en parut étonné , il s'efforça de m.e détourner d'une telle entreprise avec des mots si doux, qu'il m'attendrit moi-même sur les périls auxquels je m'exposerais : cependant ma résolution n'en fut point ébranlée , je priai le Cusipata avec les plus vives instances , de m'enseigner les moyens de retourner dans ma patrie. Il ne voulut entrer dans aucun détail , il me dit seulement que Déterville , par sa haute naissance et par son mérite personnel , étant dans une grande considération, pourrait tout ce qu'il voudrait ; et qu'ayant un oncle tout puissant à la cour d'JEspagne , il pouvait plus LETTERS OF A PERUVIAN. 2.57 iion. I interrupted him as soon as possi» ble , to ask how far the city of Paris was from that of Cuzco ; and whether it was possible to get from one to the other. The Cucipata satisfied me kindly ; and though the distance lie told me there "was betwixt the two cities \vas enough to make me des- pair : though he made me look on the dif- ficulty of performing this voyage as almost insurmountable ; it was suHicient for me to know that the thing w^as po^'sible , in order to confirm my courage , and give me con- fidence to communicate my design to the good father. He seemed astonished , and endeavoured to divert me from my project with such tender words , that I was af- fected myself at hearing the dangers I was to be exposed to : but my resolution howe- ver was unshaken , and I prayed the Cuci- pata , in the warmest manner , to teacli me the means of reluming into my country. He would not inter into particulars , and only told me that Deterville , by his high birth and personal merit , being in great credit, might do what he ^vould for me ; and that having an uncle all powerful at the court of Spain he could more easily Tome le R 1558 LETTRES D'une pî^ru vienne. aisément que personne , me procurer des tiouvelles de nos malheureuses contrées. Pour achever de me déterminer a atten- t3re son retour ( qu'il m'assura être pro- <îhain ) , il ajouta qu'après les obligation^ Iribuer le plaisir que je vois aussi naïve- > ment exprimé dans vos beaux yeux , que > dans vos discours ? Suis-je le plus heu- » reux des hommes , au moment même où > ma sœur vient de me faire entendre que » j*étais le plus à plaindre? Je ne sais, lui > répondis - je ^ quel chagrin Céline a pu » vous donner 3 mais je suis bien assurée que » vous n'en recevrez jamais de ma part. » Cependant répliqua - 1 - il , elle m'a dit » que je ne devais pas espérer d'être aimé » de vous. » « Moi , m'écriai-je en l'interrompant ; moi , » je ne vous aime point ! Ah , Déterville , > comment votre sœur peut-elle me noircir :» d'un tel crime î l'ingratitude me fait hor- » reur ', je me haïrais moi-même , si je » croyais pouvoir cesser de vous aimer. » Pendant que je prononçais ce peu de mots , il semblait , à l'avidité de ses regards , qu'il voulait lire dans mon âme. « Vous m'aimez^ Zilia , me dit-il , vou^ LETTERS OF A PERUVIAN. IjS them ill vain. He availed himself of a moment of silence , and bowing one knee to the ground before the grate , which he held with both his hands , he said to me in a passionate tone ; « To what senti- » ments , divine Zilia, must I ascribe the y> pleasure which I see so artlessly exprcs- » sed in your fair eyes , as well as in your » discourse ? Am I the happiest of men , » at the very instant when my sister des« » cribed me as the greatest object of com- » passion ? I know not , answered I , » what uneasiness Celina can have given > you f but I am very sure you shall never y> receive any from me. She has told » me , replied he , that I ought not > to hope for your love. » « Mine ! cried I , interrupting him , ); could she say that you have not my love ? » Ah! Deterville , how could your sister » blacken me with such a crime ? I abhor » ingratitude , and should hate myself , if I }> thought I could ever cease loving you. » While I spoke these few vords, beseemed by the eagerness of his looks, as if he would have read my very soul. « You love me then , Zilia , said he , s 2 276 LETTRES d'une PERUVIENNE. )> m'aimez , et vous me le dites ! Je don- » lierais ma vie pour entendre ce charmant "» aveu 3 je ne puis le croire, lors même que » je l'entends. Zilia , ma chère ZiUa , est-il ^> bien vrai que vous m'aimez ? Ne vous :» trompez-vous pas vous-même? Votre ton, » vos yeux , mon cœur ;, tout me séduit. i> Peut-être n'est-ce que poirr* me plonger > plus cruellement dans le désespoir dont » je sors. » « Vous m'étonnez, repris-je ; d'où naît }) votre défiance ? depuis que je vous con- » nais, si je n'ai pu me faire entendre par :» des paroles , toutes mes actions n'ont-elles » pas dû vous prouver que je vous aime ? > Non , répliqua-t-il , je ne puis encore me » flatter : vous ne parlez pas assez bien le :» français pour détruire mes justes craintes; > vous ne cherchez point à me tromper , je » le sais; mais expliquez-moi quel sens vous » attachez à ces mots adorables , je vous y> aime. Que mon sort soit décidé , que je ^> meure à vos pieds de douleur ou de plaisir. » Ces mots, lui dis-je un peu intimidée par ia vivacité avec laquelle il prononça ces dernières paroles , a ces mots doivent , je ;> crois , vous faire entendre que vous m'êtes LETTERS OF A PERUVIAN 277 » and you tell it me yourself ! I \Yould » have given my life to have heard so » charming a confession : but alas ! now I )> hear it , 1 cannot believe. Zilia , my dear » Zilia , is it true that you love me ? Do » you not deceive yourself? Your tone, » my heart , every thing seduces me. » Perhaps I am only to be plunged again » into the despair from which I have just » escaped. >> « You astonish me , replied I. Whence » arises your diffidence? Since I have known » you , if I could not make myself under- » stood by words , ought not all my ac- » tions to have proved that I loved you? » No, resumed he, I cannot yet flatter » myself of this : 5^ou are not ^^et mistress » enough of French to destroy my just » fears. I know you do not endeavour (o » deceive me : but tell me \vhat sense you V affix to these adorable ivords , I loie you. » Let my lot be decided ; let me die at » your feot , either with grief or pleasure. » These words , I said to him , a little in- timidated by the vivacity with wich h(^ concluded his speech , these words , I V think , ought to let you know that you 378 LETTRES d'une PERUVIENNE. >> cher , que votre sort m'intéresse , que 3> l'amitié et la reconnaissance m'attachent » à vous 5 ces sentimens plaisent à mon > cœur , et doivent satisfaire le vôtre. » « Ah , Zilia ! me répondit-il , que vos ter- 3> mes s'affaiblissent , que votre ton se re- 5^ froidit ! Céline m'aurait-elle dit la vérité ? 2> N'est-ce point pour Aza que vous senlez "» tout ce que- vous dites ? Non , lui dis-je , > le sentiment que J'ai pour Aza , est tout 5> différent de ceux que j'ai pour vous , c'est V ce que vous appelez l'amour. Quelle peine » cela peut-il vous faire , ajoutai-je en le y> voyant pâlir , abandonner la grille , et » jeter au ciel des regards remplis de dou- > leur? j'ai de l'amour pour Aza , parce » qu'il en a pour moi , et que nous devions > être unis. Il n'y a là-dedans nul rapport > avec vous. Les mêmes , s'écria-t-il , que y> vous trouvez entre vous et lui, puisque )> j'ai mille fois plus d'amour qu'il n'en res- > sentit jamais. » « Comment cela se pourrait-il, repris-je? » Vous n'êtes point de ma nation ; loin que ^ vous m'ayez choisie pour votre épouse , LETTERS OF A PERUVIAN. 279 j> are dear to me ; that I interest myself » in your fortune 3 that friendship and gra- » titude attach me to you : these sentiments » please my heart , and ought to satisfy » yours. ' « Ah Zilia ! answered lie , how your » expressions grow more feeble , and your » tone more cold ! Did Célina then tell me » truth ? Is it not for Aza that you feel » all that you say ? No , said I 3 the » sentiments I have for Aza are quite dif- » ferent from those I have for you : they » are ivhat you call love in another sense. » What pain can this give you ? added I , » seeing him grow pale , leave the grate , » and loo]^ sorrowfully up to heaven : » I hcive this tender love for Aza , because » he has the same for me, and we were » to be united. There is nothing in this » that at all concerns you. There should » be the same ties , said he , betwixt » you and me as you own betwixt him and » you J since I have a thousand times more » love than he ever felt. » « How can that be ? ' said I , interrup- }> ting him. ^ you are not of my nation. J> Far from having chosen me for your 28o LETTRES D'uNE PÉRUVIENNE. » le hasard seul nous a joints , et ce n'est > même que d'aujourd'hui que nous pou- > vons Hbrement nous communiquer nos i> idées. Par quelle raison auriez-vous pour » moi les sentimens dont vous parlez ? » « En faut-il d'autres que vos charmes et » mon caractère , me répliqua-t-il , pour » m'attacher à vous jusqu'à la mort ? Né » tendre , paresseux , ennemi de l'artifice , > les peines qu'il aurait fallu me donner » pour pénétrer le cœur des femmes , et la 3> crainte de n'y pas trouver la franchise y> que j''y désirais , ne m'ont laissé pour elles » qu'un goût vague ou passager 3 j'ai vécu » sans passion jusqu'au moment où je vous :» ai ''ue ; votre beauté me frappa , mais y> son impression aurait peut-être été aussi ■» légère que celle de beaucoup d'autres , 5> si la douceur et la naïveté de votre ca- » ractère ne m'avaient présenté l'objet que » mon imagination m'avait si souvent com- » posé. Vous savez, Zilia, si j'ai respecté » cet objet de mon adoration. Que ne m'en. » a-t-il pas coûté pour résister aux occa- » sions déduisantes que m'oiïVait la familia- » rite d'une longue navigation? Combien LETTERS OF A PERUVIAN. 28 r » wife 5 it was chance only that brought » us together , and we could never till }) this day freety communicate our ideas » to each other. What reason could you » have to entertain for me such sentiments » as you mention ? » « \'^'as any other reason wanting , he » replied , ihan your charms , and your }> character, to attach me to you till death? » Tenderly educated , indolent, an enemy y> to artifice , the pains it must have cost }> me to engage the hearts of women , and » the dread of not finding there that frank- » ness I desired , gave me only a vague » and transient relish for the sex. I lived » without passion till the moment I saw » you, when your beauty struck me : but » its impression , perhaps , had been as )> light as that of many others , if the sweet- » ness and simplicity of 3'our character y> had not made you appear to me the )> very object which my imagination had » so often formed. You know Zi lia, whether » I have shewn respect to this object of » my adoration. A^liat has it cost me to » resist the seducing occasions which the » familiarity of a long vo3\ige offered me? 283 LETTRES D'UNE PERUVIENNE. » de fois votre innocence vous aurait-elle » livrée à mes transports , si je les eusse » écoutés ? Mais , loin de vous offenser , » j'ai poussé la discrétion jusqu'au silence; > j'ai même exigé de ma sœur qu'elle ne vous » parlerait pas de mon amour ; je n'ai rien » voulu devoir qu'à vous-même. Ah,Zilia! > si vous n'êtes point touchée d'un respect » si tendre , je vous fuirai ; mais je le sens , 2> ma mort sera le prix du sacrifice. » « Votre mort ! m'écriai-je , pénétrée de la » douleur sincère dont je le voyais accablé, » hélas ! quel sacrifice ! je ne sais si celui > de ma vie ne me serait pas moins afiVeux. » « Eh bien ! Zilia , me dit-il , si ma vie » vous est chère , ordonnez donc que je vive» » Que faut-il faire, lui dis-je? M' aimer, » répondit-il , comme vous aimiez Aza. Je » l'aime toujours de même, lui répliquai-je, » et je l'aimerai jusqu'à la mort. Je ne sais, i> ajoutai-je, si vos lois vous permettent » d'aimer deux objets de la même manière , y> mais nos usages et mon cœur me le défen- y> dent. Contentez-vous des sentimens que » je vous promets , je ue puis en avoir LETTERS OF A PERUVIAN. 283 y> How many times must your innocence y> have surrendered to my transports, if I » had Hstened to them ? But, far from of- » fending you , I carried my discretion even y> to silence : I even required my sister not » to say a word to you of my love , wi!- » Ung to owe nothing but to yourself alone. » Ah Zilia , if so tender a respect does not » move you , I will fly : but I perceive y> that my death will be the price of the » sacrifice. » not whether the apprehension of my own » would be more frightful to me. » » Well then Zilia , said he , if my life » is dear to you , order me to live. What y> must I do , said I. Love me , aswered V he , as vou love Aza. I love him •» always the same , replied I , and shall » love him till death. I added , Whe- » ther your laws permit you to love two » objects in the same manner, I kno%v not ; » but our customs and my heart forbid it. » Be content with the sentiments I promise y> you 3 1 can have no other. Truth is dear 284 LETTRES d'une PÉRUVIENNE. )> d'autres. La vérité m'est chère ; je vous » la dis sans détour. » « De quel sang-froid vous m'assassinez , » s'écria-t-il ! Ah, Zilia ! que je vous aime , » puisque j'adore jusqu'à votre cruelle fran- )> chise ! Eh bien î confinua-t-il après avoir )> gardé quelques momens le silence , mon » amour surpassera votre cruauté. Votre » bonheur m'est plus cher que le mien. Par- » lez-moi a\"ec cette sincérité qui me dé- » chire sans ménagement. Quelle est votre » espérance sur l'amour que vous conservez » pour Aza? » Hélas î lui dis-je, je n'en ai qu'en vous seul. Je lui expliquai ensuite comment j'avais appris que la communica- tion aux Indes n'était pas impossible; je lui dis que je m'étais flattée qu'il me procure- ra.it les moyens d'y retourner , ou tout au moins , qu'il aurait assez de bonté pour faire passer jusqu'à toi des nœuds qui t'instrui- raient de mon sort, et pour m'en faire avoir les réponses , afin qu'instruite de ta destinée , elle serve derèele à la mienne. « .levais prendre , me dit-il avec un sang- )> froid alfecté , les mesures nécessaires pour » découvrir le sort de votre amant : vous se- » rez satisfaite à cet égard 3 cependant vous jp vous flatteriez en vain de revoir Thru- LETTERS OF A PERUVIAN. 285 » to nle 5 and I tell it you without disguise. » « How you assassinate me in cold blood ! » cried he. Ah Zilia ! how do I love you , » since I adore even your cruel frankness, i) Well , continued he ( after some mo- )> ments silence ) my love shall surpass » your cruelty. Your happiness is dearer » to me than my own. Speak to me unre- » servedlywith all this torturing sincerity ; y> what hopes have you with regard to the y> love you still cherish for Aza. » Alas ! said 1 5 my hopes are in you only. I then told him I had learned that a comt- municatiou with the Indies was not a thing impossible : that I flattered myself he would procure me the means of returning thither^ or at least , that he would have the good- ness to get my knots conveyed to thee , which would inform thee of my condition, and procure me an answer to them , that I might know thy destiny also, and con- duct myself accordingly. « I am going, said he with an affected }> coldness , to take the necessary measu- » res for discovering the fate of your lover : » you shall be satisfied on that head : but » in vain do you flatter yourself with the Î286 LETTRES D'UNE PÉRUVIENNE. » reux Aza ; des obstacles invincible^ vous )> séparent. » Ces mots , mon cher Aza , furent un coup mortel pour mon cœur 3 mes larmes cou- lèrent en abondance , elles m'empêchèrent long-tems de répondre à Déterville , qui de son côté gardait un morne silence. « Eh )> bien ! lui dis-je enfin , je ne le verrai plus 3 }> mais je n'en vivrai pas moins pour lui : si » votre amitié est assez généreuse pour nous > procurer quelque correspondance , cette i> satisfaction suffira pour me rendre la vie i> moins insupportable , et je mourrai con- » tente , pourvu que vous me promettiez de lui » faire savoir que je suis morte en l'aimant. » a Ah ! c'en est trop , s'écria-t-il en se le- » vant brusquement : oui , s'il est possible , » je serai le seul malheureux. Vous connaî- )) trez ce cœur que vous dédaignez 3 vous ver- }> rez de quels efforts est capable un amour » tel que le mien , et je vous forcerai au > moins à me plaindre. » En disant ces mots , il sortit et me laissa dans un état que je ne comprends pas encore ; j'étais [demeurée debout , les yeux attachés sur la porte par où Déterville venait de soriir jabimce dans LETTERS OF A PERUVIAN. 287 » hopes of seeing the happy Aza again , » who is separated from you by invincible » obstacles. » These words , my dear Aza , were a mortal wound to my heart : my tears flowed in abundance, and long hindered me from answering Dëterville , who kept on his side a melancholy silence. « If it be so , }> said I at last, that I shall see him no » more , yet will I not live for him the » less. If your friendship be generous » enough to procure us some correspon- » dence, that satisfaction shall suffice to » render my life less insupportable ; and I }> shall die content , provided you promise » to inform him that I loved him dying. » « Oh! this is too much , cried he rising )? up briskly. Yes , if it is possible , I will » be the only one unhappy. You shall know }> this heart which you disdain : you shall » see of what efforts a love like mine is » capable , and I will force you at least » to lament me. » As he spoke these words he sprung away , and left me in a condi- tion which I do not yet well comprehend. I continued standing , my eyes fixed on the door by which Delerville went out, 288 LETTRES D'UNE PERUVIENNE. une confusion de pensées que je ne cher- chais pas même à démêler : j'y serais resiée long-tems , si Céline ne fût entrée dans le parloir. Elle me demanda vivement pourquoi Dé- terville était sorti sitôt. Je ne lui cachai pas ce qui s'était passé entre nous. D'abord elle s'affligea de ce qu'elle appelait le malheur de son frère. Ensuite , tournant sa douleur en colère , elle m'accabla des plus durs re- proches, sans que j'osasse y opposer un seul mot. Qu'aurais-je pu lui dire ? Mon trouble me laissait à peine la liberté de penser : je sortis , elle ne me suivit point. Retirée dans ma chambre , j'y suis restée un jour sans oser paraître , sans avoir eu de nouvelles de personne, et dans un désordre d'esprit qui ne me permettait pas même de t'écrire. Ea colère de Céline , le désespoir de son frère , ses dernières paroles , auxquelles je voudrais et n'ose donner un sens favo- rable , livrèrent mon âme tour-à-tour aux plus cruelles inquiétudes. J'ai cru enfin que le seul moyen de les adoucir était de te les peindre , de t'en faire part , de chercher dans ta tendresse les conseils dont j'ai besoin ; cette erreur m'a soutenue pendant que LETTERS OF A PERUVIAN. 289 plunged in a confusion of thoughts , which 1 strove in vain to reduce to order. I should have continued there longer if Célina had not come into the parlour. She asked me, sharply , w^hyher brother w^as gone so soon, and T did not conceal from her what had passed betwixt us. At first she seemed to grieve for what she cal- led her brother's misfortune : then turning her sorrow into rage , she loaded me with the hardest reproaches , to which I dared not answer a single word. "V^ hat could I have said to her ? My trouble did not leave me the liberty of thinking. I went out , and she did not follow me. Retiring into my chamber , I stayed there a whole day without daring to appear , without speaking to any person , and in such a disorder of mind that did not permit me to write to thee. Celina's wrath , her brother's despair , and his last words , to ^vhich I dared not give a favourable sense , alternately tormen- ted my soul , and gave me the most cruel uneasiness. At last I thought , that the only way to soften my inquietudes , was to paint them to thee , and to search in thy love for those counsels which I have so much need Tome I. Ï 290 LETTRES d'une PÉRUVIENNE. j'écrivais ; mais qu'elle a peu duré! ma lettre est (iuie , et les caractères n'en sont tracés que pour moi. Tu ignores ce que je souffre ; tu ne sais pas même si j'existe , si je l'aime. Aza , mon cher Aza , ne le sauras-tu jamais! LETTERS OF A PERUVIAN. Î29I of. This error supported me when I was writing: but how short a time did it last? My leller is writien , and the characters are dra^vn for mvself only. Thou art igno* rant of what I suffer , thou dost not even know whether I exist, ^vhether T continue to love thee. Aza , my dear Aza, wilt thou never know these things J T 2 LETTRE XXIV. 'A AzA : Elle tombe malade; histoire de la mort de Madame Deterville. J E pourrais encore appeler une absence le tems qui s'est écoulé , mon cher Aza, depuis la dernière fois que je t'ai écrit. Quel- ques jours après l'entretien que j'eus avec Déterville , je tombai dans une maladie que l'on nomme \a.Jièvre. Si , comme je le crois, elle a été causée par les passions douloureuses qui m'agitèrent alors , je ne doute pas qu'elle n'ait été prolongée par les tristes réflexions dont je suis occupée , et par le regret d'avoir perdu l'amitié de Céline. Quoiqu'elle ait paru s'intéresser à ma ma- ladie , qu'elle m'ait rendu tous les soins qui dépendaient d'elle , c'était d'un air si froid , elle a eu si peu de ménagement pour mon âme , que je ne puis douter de l'altération de ses sentimens. L'extrême amitié qu'elle a pour son frère , l'indispose contre moi -, elle me reproche sans cesse de le rendre malheureux : la honte de paraître ingrate LETTER XXIV. To AzA ; She falls sick; account of Madame Deterville's death. X MAY justly call that time an absence, my dear Aza , which is elapsed since the last time I wrote to thee. Some days after the conversation I had with Deterville , I fell into a sickness which they call a fever. If, as I beheve, it was caused by the pain- ful sensations which then agitated me , I doubt not but it has been lengthened by the sorrowful reflections that have since em- ployed me , and by my regret for having lost the friendship of Ce Una. Though she seemed to be concerned for my malady , and took of me all the care that was in her power , it was with so cold an air , and so little sympathy in the afflic- tion of my soul , that I cannot doubt but her sentiments towards me are altered. The extreme friendship she has for her brother sets her against me , and she continually reproaches me for having rendered hiiu. unhappy. The shame of appearing ungratfuî 294 LETTR£&-t)'UNE PiÎRUVIENNE. m'intimide, les bontés aftct tées de Céline me gênent , mon embarras la eontraint, la douceur et l'agrément sont bannis de notre commerce. Malgré tant de contrariété et de peine de la part du frère et de la sœur , je ne suis pas insensible aux événemens qui changent leurs destinées. La mère de Déterville est morte. Cette mère dénaturée n'a point démenti son ca- ractère ; elle a donné tout son bien à son fils aîné. On espère que les gens de loi em- pêcheront l'eftet de celte injustice. Déter- ville , désintéressé pour lui-même , se donne des peines infinies pour tirer Céline de l'op- pression. Il semble que son malheur re- double son amitié pour elle ; outre qu'il vient la voir tous les jours , il lui écrit soir et mating ses lettres sont remphes de plaintes . si tendres contre moi , d'inquiétudes si vives siu" ma santé , que , quoique Céline affecte, en me les lisant , de ne vouloir que m'i/js- iruire du progrès de leurs afîaires, je dé- mêle aisément son véritable motif. Je ne doute pas que Déterville ne les écrive, afiii qu'elles me soient lues ; n.-anmoins je suis persuadée qu'il s'en abstiendrait , s'il était LETTERS OF A PERUVIAN. SgS intimidates me : the affected kindnesses of Celina torture me : she is constrained by my perplexity , and the soft and agrieeabie are banished from olir conversation. In spight of so much contrariety and pain from the brother and sister , I am not unaf- fected with the events which have changed their destiny. Madame De'terville is 'dead. This unna- tural mother has not behed her character ; she has left her whole fortune to her eldest son. There are hopes that the lawyers may hinder the effects of this injustice. Déter- ville, disinterested w^ith regard to himself, takes infinite pains to redeem Celina from oppression. Her misfortune seems to redou- ble his friendship for her : besides that he comes to see her every day , he w^rites to her night and morning : his letters are full of tender complaints against me , and such lively sollicitude for my health , that , though Celina aficcls , in reading I hem to me , to inform me only of the progress of their affairs , I can easily discover the mo- tive of this pretence. 1 do not doubt but Deterville writes them on purpose that they may be read to me 3 and yet I am persuaded 296 LETTRES d'une PÉRUVIENKE. instruit des reproches dont cette lecture est suivie. Ils font leur impression sur mon cœur. La tristesse me consume. Jusqu'ici , au milieu des orages je jouissais de la foible satisfaction de vivre eu paix avec moi-même : aucune tache ne souillait la pureté de mon âme , aucun remords ne la troublait ; à présent je ne puis penser , sans une sorte de. mépris pour moi-même, que je rends malheureuses deux personnes à qui je dois la vie : que je trouble le repos dont. elles jouiraient sans moi , que je leur fais tout le mai qui est en mon pouvoir, et cependant je ne puis ni ne veux cesser d'être criminelle. Ma tendresse pour toi triom- phe de mes remords. Aza , que je l'aime î LETTERS OF A PERUVIAN. 'HfJ he would not do it if he knew the heavy reproaches that always follow^ these lec- tures. They make their impression upon my heart , and sorrow consumes me. Hitherto , in the midst of storms , T have enjoyed the w^eak satisfaction of living in peace with myself. Not a spot sullied the purity of my soul , nor a remorse troubled it. But now I cannot think \ ^vithout a sort of contempt for myself , that I should make two persons unhappy to w^hom I owe my life. Ho\v do T interrupt the repose vN^hicli but for me they would enjoy ! and yet, though I do them all the arm in my power, I am not , nor will I cease to be in this respect criminal. My tenderness for thee triumphs over my remorse. Aza, how do Î love thee .' LETTRE XXV. A Aza; Déterville lui apprend qn'Aza est eu Espagne. 11 sollicite en vain pour lui-même. V^UE la prudence est quelquefois nuisi- ble, mon cher Aza! J'ai résisté long-tems aux pressantes instances que Déterville m'a fait faire de lui accorder un moment d'en- tretien. Hélas! je fuyais mon bonheur. Enfin, moins par complaisance que par lassitude de disputer avec Céline , je me suis laissée conduire au parloir. A la vue du change- ment affreux qui rend Déterville presque méconnaissable, je suis restée interdite: je me repentais déjà de ma démarche -, j'at- tendais , en tremblant , les reproches qu'il me paraissais en droit de me faire. Pouvais- je cieviner qu'il allait combler mon âme de plaisir ? « Pardouncz-moi , Zilia , m'a-t-il » dit , la violence qu^ je vous fais ; je ne » vous aurais pas obligée à me voir , si je » ne vous apportais autant de joie (}ue vous i> me causez de douleur. Est-ce trop exiger LETTER XXV. To Az A : Déferville discovers to her that Aza is in Spain , aud exposlulafes (or himself in vain. Jul o w hurtfal , my dear Aza , may pru- dence sometimes be ! I have a long time resisted the powerful instances which Dé- terville had caused to be made to me , that I \vould grant him a moment's conversation. Alas ! I shunned my own happiness. At length , less through complaisance than be- cause I was weary of Celina's importunity , I suffered myself to bs led {o the parlour. At sight of the frightful change in Déter- ville, ^Yhich makes him scarce to be kno^vn , I stood confounded , repented already the step I had taken , and vrailed trembhng, for the reproaches which I thought he had a right to lay on me. How I could divine that he was going to fill my soul with pleasures ? « Pardon me , Zilia, said he, )> the violence I put on yen. I should not » have obliged you to see me , if I had » not brought you as much joy as 3'ou 3oo LETTRES D*UNE PERUVIENNE. yy qu'un moment de voire vue , pour re- » compense du cruel sacrifice que je vous » fais ? Et sans me donner le tems de ré- » pondre , voici , continua-t-il , une lettre » de ce parent dont on vous a parlé : en vous » apprenant le sort d'Aza, elle vous prou- » vera mieux que tous mes sermens , quel j> est l'excès de mon amour 3 » et tout de suite il me fit la lecture de cette lettre. Ah ! mon cher Aza , ai-je pu l'entendre sans mou- rir de joie ? Elle m'apprend que tes jours sont conservés , que tu es libre , que tu vis sans péril à la cour d'Espagne. Quel bonheur inespéré ! Cette admirable lettre est écrite par un homme qui te connaît , qui te voit , qui te parle 5 peut-être tes regards ont-ils été attachés un moment sur ce précieux papier ? je ne pouvais en arracher les miens ; je n'ai retenu qu'à peine des cris de joie prêts à m'échapper 3 les larmes de l'amour inondaient mon visage. Si j'avais suivi les mouvemens de mon cœur , cent fois j'aurais interrompu Déter- ville , pour lui dire tout ce que la recon- naissance m'inspirait ; mais je n'oubliais LETTERS OF A PERUVIAN. 3oi » inflict torment on me. Is a moment's sight ^> of you too much lo require , in recom- y> pence for the cruel sacrifice I am going to )> make you ? Then , without giving me » time to answer , here , says he , is a let- i> ter from that relation you was spoken of. :i> This will in form you of Aza's situation , y> and , in so doing , prove better than all )> my oaths , how great is the excess of » my love. » He then read the letter through. Oh ! my dear Aza , could I hear it , and not die for joy ? It informed me that thy days are preserved y that thou art free , that thou Jivest out of danger at the court of Spain. What an unhoped-for happiness ! This admi- rable letter was writ by a man w^ho knows thee , who sees thee , who converses with thee. Perhaps thy looks were fixed a mo- ment upon this precious paper. I could not take mine off from it. It was with pain I suppressed the joyous exclamations that were ready to escape , and tears of love overflowed my countenance. If I had followed the motions of my heart , a hundred times should I have in- terrupted Deterville , to tell him all that my gratitude inspired : but I did not forget 3o2 LETTRKS D'UXE PERUVIENNE. point que mon bonheur devait augmenter ses peines 3 je lui cachai mes transpoiMs , il ne vit que mes larmes. « Eh bien ! Zilia , » me dit-il après avoir cessé de lire , j'ai i> tenu ma parole , vous êtes instruite du » sort d'Aza ; si ce n'est point ass-'z , que » faut-il faire de plus ? Ordonnez sans ron- ">) trainte , il n'est rien que vou;^ ne soyez » en droit d'exiger demon amour, pourvu » qu'il contribue à votre bonheur. » Quoi- que je dusse m'attendre à cet excès de bonté , elle me surprit et me toucha. Je fus quelques momens embarrassée de ma réponse , je craignais d'irriter la douleur d'un homme si généreux. Je cherchais des termes qui exprimassent la vérité de mon cœur , sans offenser la sensibilité du sien^ je ne les trouvais pas , il fallait parlei*. « Mon » bonheur , lui di!--je , ne sera jamais sans y> mélange, puisque je ne puis consilier les » devoirs de l'amour avec ceux de l'amitié ; » je voudrais regagner la vôtre et celle de }i> Céline , je voudrais ne vous point quitter , > admirer sans cesse vos vertus , payer )> tous les jours de ma vie le tribut de re- » connaissance que je dois à vos bontés. LETTERS OF A PERUVIAN. 3o3 lîiat my fecility would augment his pain , and so concealed my transports , that only my tears were visible. « You see , Zilia , y> said he , after he had done reading , that » I have kept my word : you are informed » of Aza's situation : "V\ hat is there more V to be done ? Give your orders without }> reserve ; there is nothing that vou have » not right to exact of my love , provided » it contributes to your felicity. » Though » I might have expected this excess of » goodness , it nevertheless surprised and affected me. I was some moments per- plexed for an answer , fearing to aggravate the grief of so generous a man. 1 sought for terms that might express the truth of .my heart , ^vilthout offending the sensibility of his : I could not find them, and yet was obliged to speak. « My happiness , » said I , will never be without mixture , y> since I cannot reconcile the duties of }> love with those of friendship. I would re- )> gain the friendship both of y ou and Célina; )> would never leave ^^ou ; would for ever » admire your virtues , and through my )> v\diole life pay the tribute of gratitude » which I owe for your goodness. I know 3o4 LETTRES D'UNE PERUVIENNE. » Je sens qu'en m'éloignant de deux: » personnes si chères , j'emporterai des y> regrets éternels. Mais! » « Quoi ! Zilia , s'écria-t-il , vous voulez » nous quitter ? Ah ! je n'étais point préparé » à cette funeste résolution , je niancjue de » courage pour la soutenir. J'en avais assez » pour vous voir ici dans les bras de mon » rival. L'effort de ma raison , la délica- » tesse de mon amour m'avaient affermi }> contre ce coup mortel -, je l'aurais préparé y> moi-même , mais je ne puis me séparer » de vous 3 je ne puis renoncer à vous voir: » non, vous ne partirez point , continua-t-il » avec emportement , n'y comptez pas : » vous abusez de ma tendresse , vous déchi- }> rez un cœur perdu d'amour. Zilia , cruelle » Zilia ! voyez mon désespoir, c'est votre » ouvrage. Hélas ! de quel prix payez-vous » l'amour le plus pur ! c'est vous , lui dis-je, » effrayée de sa résolution , c'est vous que » je devrais accuser. Vous flétrissez mon » âme en la forçant d'être ingrate j vous dé- i> solez mon cœur par une sensibilité in- y fructueuse. Au nom de l'amitié , ne ter- j> nissez pas une générosité sans exemple, LETTERS OF A PERUVIAN. 3o5 » that , in removing to a distance from » two persons so dear , I shall carry with i> me elernal regret. But. «. How, Zilia, cried he , would you leave » us then ? Alas ! I was not prepared for this » fatal rsolulion , and want courage to sup- » port it. I had strength enough to see y> you here in the arms of my rival : the 5> efforts of my reason , and the delicacy :» of my love , had confirmed me to bean » that mortal blow which I had contrived 3> for myself 3 but I cannot be separated » from you , I cannot renounce the sigiit » of you. No , you shall not depart , » continued he with warmth , do not > think of it : you abuse my tenderness , » and tear , without pity , a heart dis* » tracted with love. Zilia ! cruel Zilia ! » see my despair : it is your work. Alas ! y> what return do you make for the most » pure love ! « T( is you , answered I , 2> ( frightened at his resolution ) « it is you :» that ought to be blamed. You blast my » very soul by forcing it to be ungrateful 3 » you lay w^aste my heart by a fruitless 3i> sensibility ! In the name of friendship , y> do not tarnish a generosity without Tome I. y 3o6 LETTRES D'UNE PERUVIENNE. » par un désespoir , qui ferait l'amertume » de ma vie sans vous rendre heureux. Ne » condamnez point en moi le môme sen- }» timent que vous ne pouvez surmonter 3 :» ne me forcez pas à me plaindre de vous j i> laissez-moi chérir votre nom , le porter }> au bout du monde , et le faire révérer à » des peuplées adorateurs de la vertu. » Je ne sais comment je prononçai ces pa- roles; mais Dcterville , fixant ses yeux sur moi , semblait ne me point regarder : ren- fermé en lui-même , il demeura long-tems dans une profonde méditation 3 demon côté ;, je n'osais l'interrompre : nous observions un é2;al silence quand il reprit la parole , et me dit avec une espèce de tranquillité : <{ Oui , Zilia , je connais , je sens toute mon » injustice ; mais renonce-t-on de sang-froid :«> à la vue de tant de charmes ! vous le vou- » lez ; vous serez obéie. Quel sacrifice , ô y> ciel! mes tristes jours s'écouleront, fini- •» ront sans vous voir. Au moins, si la mort.... >> N'en parlons plus , ajouta-l-il en s'inter- » rompant; ma faiblesse me trahirait: don- » nez-moi deux jours pour m'assurer moi- » même 3 je reviendrai vous voir , il est LETTERS OF A PERUVIAN. So? 5> example, by a despair which would cause » the bitterness of my life , and not render }> you happy. Do not condemn in me the » same sentiment ^vhicîl you cannot sur- }> mount , and force me to complain of you > urnvillingly. Let me cherish your name , >? bear it to the utmost limits of the world, i> and make it revered by people who are )> the adorers of virtue. » I know not how I pronounced these words , but Deter* ville fixing his eyes upon me , and yet not perceiving to look , but shut up , as it were in himself , continued a long time in pro- found meditation. I did not dare to inter- rupt him, and we kept equal silence till he resumed his speech , and with a sort of tranquillity, said to me. « Yes, Zilia, I » knovN^ I feel my own injustice : but can » one coolly renounce the sight of so many » charms ? You vvill have it so , and you jo shall be obeyed. O heaven ! w^hat a sa- 7> crifite ! My sorrowful days shall roll on , }> and end without seeing you. At least , if )) death... Lot us talk no more of it , added }> he interrupting himself : my Aveakness » betrayed me : give me two days to con- ^ firm myself, and I will wait upon you V 2 3o8 LETTRES D'UNE PÉRUVIENNE. » néces^saire que nous prenions ensemble des )> mesures pour voire vo3'age. Adieu , Zilia 3 i> puisse l'heureux Aza sentir tout son » bonheur ! » En même temps il sortit. Je te l'avoue , mon cher Aza , quoique Détcrville me soit cher , quoique je fusse pénétrée de sa douleur , j'avais trop d'im- patience de jouir en paix de ma félicité , pour n'être pas bien aise qu'il se retirât. Qu'il est doux , après tant de peines, de s'abandonner à la joie ! Je passai le reste de la journée dans les plus tendres ravisse- mens. Je ne t'écrivis point ; une lettre était trop peu pour mon cœur , elle m'aurait' rappelé ton absence. Je te voyais , je te parlais , cher Aza ! Que manquerait-il à mon bonheur , si tu avais joint à la pré- cieuse lettre que j'ai reçue , quelques gages de ta tendresse? Pourquoi ne l'as -tu pas fait ? On t^'a parlé de moi 3 tu es instruit de mon sort,, et rien ne me parle de ton amour ! Mais puis-je douter de ton cœur ? Le mien m'en répond. Tu m'aimes 3 ma joie est égale à la .tienne , tu brûles des mêmes feux 3 la même impatience te dé- LETTERS OF A PERUVIAN. 3o^ > again that we may together take the » measures necessary for your jouriiey. » Adieu 5 ZiUa. May the happy Aza tasle » all his fehcity. » At saying these words he went out. I confess to thee , my dear Aza , though Dejtervilie is so dear to me , though I was deeply affected with his grief, I had too much impatience to enjoy my felicity in peace not to be well pleased wi-lh his going off. How delightful is it , after so much pain, to give one's self up to joy Î I passed the rest of the day in the most ten- der raptures. I did not write to thee : a letter would have been too little for my heart , it would have recalled thy absence to my mind. I saw thee, I spoke to thee, dear Aza! What had been vs^anting to my happiness, if thou hadst joined to that pre- cious letter some tokens of thy tenderness ? Why didst thou not do it? They spoke to thee concerning me 3 thou knowest my si- tuation , and I hear not a word of thy love. But can 1 doubt of thy heart ? mine is answ^erable for it. Thou lovest me 3 thy joy is equal to mine : thou burnest with the same fire , and the same impatience devours 3lO LETTRES d'une PÉRUVIENNE. vore , que la crainte s'éloigne de mon âme , que la joie y domine sans mélange. Ce- pendant tu as embrassé la religion de ce peuple féroce. Quelle est-elle ? Exige-l-elle que tu renonces à ma tendresse , comme celle de France voudrait que je renonçasse à la tienne. Non ; tu l'aurais rejetée. Quoi- qu'il en soit , mon cœur est sous tes lois ; soumise à tes lumières , j'adopterai aveu- glément tout ce qui pourra nous rendre in-^. séparables. Que puis-je craindre ? bientôt réunie à mon bien , à mon être , à mon tout : j e ne penserai plus que par toi , je ne vivrai plus que pour t'aimer. LETTERS OF A PERUVIAN. 3ll thee. Let fear be far from my soul , and joy reign there without mixture. Yet thou hast embraced the rehgion of that savage people. What is that rehgion?Does it re- quire the same sacrifices of affection as that of France ? No : thou wouldst not then have submitted to it. However that be , my heart is under thy laws : submitted to thy unders- tanding , I will blindly adopt whatever may render us inseparable. What can I fear? Soon reunited to my bliss , to my being , to my all : I shall hereafter think for thee only and live for nothing but to love thee. LETTRE XXVI. A AzA : Elle déclare sa résolution de l'attendre en France. \_i'EST ici , mon cher Aza, que je te re- verrai : mon bonheur s'accroit chaque jour par ses propres circonstances. Je sors de l'entrevue que Déterville m'avait assignée j quelque plaisir que je me sois fait de sur- monter les difficultés du voyage , de te pré- venir , de courir au-devant de tes pas , je le sacrifie sans regret au bonheur de te voir plutôt. Déterville m'a prouvé avec tant d'é- vidence que tu peux être ici en moins de tems qu'il ne m'en faudrait pour aller en Espagne , que , quoiqu'il m'ait généreuse- ment laissé le choix , je n'ai pas balancé à l'attendre ; le tems est trop cher pour le prodiguer sans nécessité. Peut-être , avant de me déterminer , aurais- je examiné cet avantage avec plus de soin , si je n'eusse tiré des écîaircissemens sur mon voyage, LETTER XXVI. To Az \ : Slie declares her resolution of waiting for him in France. X T is here , my clear Aza , that I shall see thee again : my felicity increases every day by itB particular circumstances. The inter- view assigned me by Deterville is just over, and whatever pleasure T promised myself in surmounting the difficulties of a long journey , of preventing thee , of meeting thy footsteps , I sacrifice it without regret to the happiness of seeing thee sooner. Dé- terville has proved to me , with such strong evidence , that thou mayest be here in less time than I can travel into Spain , that , though he generously left me the choice , I did not hesitate to wait for thee here , time being too precious to be wasted wi- thout necessity. Perhaps I should have examined this advantage with more care , if, before I had chosen , I had not gained such lights with respect to my journey as 3l4 LETTRES d'une PERUVIENNE. qui m^ont décide en secret sur le parti que je prends , et ce secret je ne puis le con- fier qu'à toi. Je me suis souvenue que , pendant la longue route qui m'a conduite à Paris , Délerville donnait des pièces d'argent , et quelquefois d'or , dans tous les endroits où nous nous arrêtions. J'ai voulu savoir si c'était par obligation , ou par simple li- béralité 3 j'ai appris qu'en France , non- seulement on fait payer la nourriture aux voyageurs, mais encore le repos (i). Hélas! je n'ai pas la moindre partie de ce qui se- rait nécessaire pour contenter l'avidité de ce peuple intéressé -, il faudrait le recevoir des mains de Déterville. Mais pourrais-je me résoudre à contracter volontairement un genre d'obligation , dont la honte va pres- que jusqu'à l'ignominie ? Je ne le puis, mon cher Aza 5 cette^ raison seule m'au- (i) Les Iiicas avaient établi sur les chemins de grandes maisons , où l'on recevait les voyageurs sans aucuns frais. LETTERS OF A PERUVIAN. 3lS defermined me in secret what party to take, and tliat secret I can trust only to thee. T remember that , in the long road which brought me to Paris , Deterville gave pieces of silver , and sometimes of gold , at all the places where we stopped. I desired to know if this was required of him , or if he did it of mere generosity : and was informed , that , m France , travellers pay not only for their food , but even for their repose (i). Alas ! I have not the least portion of that which w^ould be necessary , to satisfy the cravings of this greedy people : all must come from Deterville. Thou knowest w hat I owe him , and how shameful \voiild it be to contract fresh obligations Î I should accept his favour with a repugnance , which nothing but absolute necessity could vanquish. Can I voluntarily make m^^self a greater debtor to him who has already done and suffered so much for me ? I could not resolve on it , my dear Aza , and this (l) Tlie Incas eslablishcd large liouses upon ihe roads, where all travellers were entertained wilhoiit expence. 3l6 LETTRES d'une PERUVIENNE. rait déterminée à demeurer ici ', le plaisir de te voir plus promptement n'a fait que confirmer ma résolution. Déterville a écrit devant moi au ministre d'Espagne. Il le presse de te faire partir , avec une généro- sité qui me pénètre de reconnaissance et d'admiralion. Quels doux niomens j'ai passé pendant que Déterville écrivait ! Quel plaisir d'être occupée des arrangemens de ton voyage , de voir les apprêts de mon bonheur , de n'en plus douter! Si d'abord il m'en a coûté pour renoncer au dessein que j'avais de fe prévenir , je l'avoue , mon cher Aza , j'y trouve à présent mille sources de plaisirs , que je n'y avais pas apperçues. Plusieurs circonstances , qui ne me paraissaient d'au- cune valeur pour avancer ou retarder mon départ , me deviennent intéressantes et agréables. Je suivais aveuglément le pen- chant de mon cœur j j'oubhais que j'allais te chercher au milieu de ces barbares Espa- gnols, dont la seule idée me saisit d'horreur. LETTERS OF A PERUVJAN. 3l^ reason alone would have determined me to remain here. The pleasure of seeing thee sooner only confirmed my former resolu- tion. Deterville has written in my presence to the Spanish minister : he presses him to let thee come , and points out to him the means of getting thee conducted hither , with a generosity that warms at once my gratitude and admiration. How pleasant were the moments that passed while Deterville was writing Î how delightful to plan out the dispositions for thy journey, to settle the preparations for my happiness , of which I can no longer doubt ! If at first it cost me dear to renounce the design of preventing thy journey , I confess my dear Aza, I have found in so doing the source of a thousand pleasures , which I had not before perceived. Many circumstances , which at first appeared not considerable enough either to hasten or retard my journey , become to me interes- ting and agreeable. I followed blindly the bias of my heart 3 and forgot that I was coming in search of thee among those cruel Spaniards , the very idea of whom strikes me with horror. The certaiiity of not seeing 3l8 LETÏRES d'une PERUVIENNE. Je trouve une satisfaction dans la cerlitude de ne les revoir jamais : la voix de l'a- mour éteignait celie de l'amitié. Je goûte sans remords la douceur de les réunir. D'un autre côté, Délerville m'a assuré qu'il nous était à Jamais impossible de revoir la ville du Soleil. Après le séjour de notre patrie , en est-il un plus agréable que celui de la France ? Il te plaira, mon cher Aza; quoi- que la sincérité en soit bannie , on y trouve tant d'agrémens , qu'ils font oublier les dan- gers de la société. Après ce que je l'ai dit de l'or, il n'est pas nécessaire de t'avertir d'en apporter î tu n'as que faire d'autre mérite ; la moin- dre partie de tes trésors suffit pour te faire admirer et confondre l'orgueil des magni- fiques indigens de ce ro^^aume : tes vertus et tes sentimens ne seront estimés que de Déterville et de moi ; il m'a promis de te faire rendre liies nœuds et mes lettres ; il m'a assuré que tu trouverais des interprètes pour t'expliquer les dernières. On vient me demander le paquet 3 il faut que je te quitte : adieu, cher espoir de ma vie - je eonîiniiêrai LETTERS OF A PERUVIAN. Sip them any more gives me infinite satisfaction. Though the voice of love at first suppressed that of friendship, I now taste without remorse the sweetness of uniting them. Deter villa has assured me , that it will be impossible for us ever to visit the ci!y of the sun : and, after our own country , can there be a more agreeable place of re- sidence than France ? It will please thee , my dear Aza , though sincerity is banished from it. Here are so many agree- able things , that ihey make one forget the dangers of the society. After what I have said to thee of gold , it is unnecessary to caution thee to take some of it with thee : thou wantest no other merit. A small part of thy treasures would amaze and confound the pride of the magnificent indigents of tliis kingdom : thy virtues and thy sentiments will be cherished by me only. Deterville has pro- mised to transmit to thee my knots , and my letters , and assured me that thou wilt find interpreters to explain the latter. They are come to demand my packet , and I must have done. Farewel , dear hope of my Ufe : I will contiaue to write 320 LETTRES D*UNE PERUVIENNE. à t'écrire : si je ne puis te faire passer mes lettres je te les garderai. Comment suppor- terais-je la longueur de ion voyage , si je me privais du seul 11103 en que j'ai de m'en- treteuir de ma joie , de mes transports , de mon boaheur. LETTERS OF A PERUVIAN. 321 to thee , and , if I cannot send my letters, will keep them for thee. How should I support the length of thy journey, if I were to deprive myself of the only means I have of conversing with my joy, my transports , my felicity ? Tome I. L E T 1 R E X X V 1 I. A AzA ; Tendresse de Céline. Delerville lui envoie toutes les de'poullles du leniple du soleil. EPUis que je sais mes lettres en che- min , mon cher Aza , je jouis d'une tran- quiUité que je ne connaissais plus. Je pense sans cesse au plaisir que tu auras à les re- cevoir, je vois tes transports , je les partage j mon âme ne reçoit de toute part que des idées agréables ; et , pour comble de joie , la paix est rétablie dans notre petite société. Les juges ont rendu à Céline les biens dont sa mère l'avait privée. Elle voit son amant tous les jours ; son mariage n'est retardé que par les apprêts qui y sont nécessaires. Au comble de ses vœux , elle ne pense plus à me quereller , et je lui en ai autant d'obli- gation , que si je devais à son amitié les bon- lés qu'elle recommence à me témoigner. Quel qu'en soit le motif, nous sommes tou- jours redevables à ceux qui nous font éprou- ver un sentiment si doux. Ce matin elle m'en LETTER XXVII. To A Z A : Celina's lenderness : Deterville sends her all the spoils of the temple of the sun. OiNCE T know my letters to be upon the road , ni}^ dear Aza , I enjoy a tranquillity to which I was before a stranger. I think for ever of the pleasure thou wilt have in receiving them 3 I see and receive thy transports : my soul admits only agreeable ideas , and , to complete my joy, peace is again estabUshed in our little society. The judges have restored to Célina the effects of which her mother had deprived her : she sees her lover every day , and her marriage is retarded only by the necessary preparations that are making for it. Thus happy to her wishes, she thinks no more of quarreling with me j and I have as much obligation to her , as if the kindnesses she begins again to shew me w^ere owing to her friendship. Whatever the motive be, we are always in debt to those who help us to the enjoyment of agreeable sentiments. X 3 324 1.ETTRES d'une PERUVIENNE. a fait sentir tout le prix , par une complai- sance t]ui m'a fuit passer d'un trouble fâ- cheux à une tranquillité agréable. On lui a apporté une quantité prodigieuse d'étoffes , d'habits, de bijoux de toutes espèces 3 elle est accourue dans ma chambre, m'a em- mené dans la sienne , et après m'av^oir con- sulté sur les différentes beautés de tant d'a- justemens , elle a fait elle-même un tas de ce qui avait le plus al tiré mon attention , et d'un air empressé elle commandait déjà à nos Chinas de le porter chez moi , quand je m'y suis opposée de toutes mes forces. Mes instances n'ont d'abord servi qu'à la divertir; mais Voyant que son obstination augmentait avec mes refus , je n'ai pu dissimuler da- vantage mon ressentiment. « Pourquoi , lui » ài-je dit , les yeux baignés de larmes , }> pourquoi voulez-vous m'humilier plus que » je ne le suis ? Je vous dois la vie et tout » ce que j'ai -, c'est plus qu'il n'en faut pour > ne point oublier mes malheurs. Je sais » que, selon vos lois, quand les bienfaits » ne sont d'aucune utilité à ceux qui les re- » çoivent , la honte en est effacée. At- » tendez donc que je n'en ai plus aucun be- )> soin pour exercer votre générosité. Ce n'est: j) pas sans répugnance ; ajoutai-je d'un ton LETTEÎIS OF A PERUVIAN. 32-5" This morning she made me fully sensible of it by an act of complaisance , which at once transported me from tiresome anxiety to the most calm tranquillity. They had brought her a prodigious quantity of stuff -^ , garments , and toys of all kinds. She ran and fetched me into the chamber , and , after having consulted me upon the different beauties of so many ornaments , she put togelher a heap of those which had most attracted my attention , and hastily com- manded our Chinas to carry them into my apartment , though I opposed it with all my po\ver. My refusal at first diverted her onlyj but perceiving that the more I decli- ned the present , the more she persisted in making it, I could no longer dissemble my resentment. » A^ hysaid I to her (w^ilhmy eyes full of tears ) why will you humble » me more than T am ? I owe to you my » life and all that I have : but so much » bounty is not necessary to keep my mis- » fortunes in remembrance. I know that, » according to your laws , when benefits » are of no advantage to those who receive » tliem, tlie shame is effaced. It is not wi- » ihout repugnance , added I in a more 326 LETTRES D'l^E PÉRUVIENNE." » plus modéré , que je me conforme à des j> seritimens si peu naturels. Nos usages sont » plus humains 3 celui qui reçoit s'honore au- » tant que celui qui donne : vous m'avez ap- » pris à penser autrement 3 n'était-ce donc '» que pour me faire des outrages? » Cette aimable amie , plus touchée de mes larmes qu'irritée de mes reproches , m'a ré- pondu d'un ton d'amitié : « Nous sommes bien » éloignés , mon frère et moi , ma chère Zilia, y> de vouloir blesser votre délicatesse : il nous » siérait mal de faire les magnifiques avec » vous , vous le connaîtrez dans peu ; je vou- 5> lais seulement que vous partageassiez avec > moi les présens d'un frère généreux; c'é- 3> tait le plus sûr moyen de lui en marquer y> ma reconnaissance: l'usage, dans le cas y> où je suis , m'autorisait à vous les offrir ; )> mais puisque vous en êtes offensée , je ne » vous en parlerai plus. » Vous me le pro- mettez donc , lui ai-je dit? Oui, m'a-t-elle répondu en souriant ; mais permettez-moi d'en écrire un mot à Déterville. Je l'ai laissée faire , et la gaîté s'est réta- blie entre nous : nous avons recommencé à LETTERS OF A PERUVIAN. 827 » moderate tone, thatlconformto sentimentâ ;> which have so little of nature in them. Our » customs are more humane :he that receives }} is honoured as much as he that gives. You » have taught me to think otherwise -, and is » not this, therefore, to offer me an outrage? » This amiable friend , melted by my tears more than irritated by my reproaches , answered in a most kind and gentle tone : « Both my brother and J , my dear Zilia , » -svould be far from offending your deli- » cacy. It would ill become us , as you shall y> know presently , to affect magnificence » in our behaviour to you. I only desired » that you would partake with me the pre- » sents of a generous brother ; and I knew » this was the most certain method of » shewing him my gratitude. Custom , in » my situation , authorises me tr offer you }> these things : but , since you are offended, » I will say no more to you upon the sub- » ject. You promise me then ? » said I. Yes , answered she with a smile 3 but give me leave to write a word or two to Deterville. I let her do as she desired , and freedom was restored betwixt us. We began to 328 LETTRES D*UNE PERUVIENNE." examiner ses parures plus en détail , jus- qu'au tems où on l'a demandt'e ;?u parloir : elle voulait m'y mener; mais, mon cher Aza, est-il pour moi quelques amusemens compa- rables à celui de t'écrire ! Loin d'en chercher d'autres , j'appréhende ceux que le mariage de Céline me prépare. Elle prétend que je quitte la maison religieuse , pour demeurer dans la sienne , quand elle sera mariée ; mais si j'en suis crue.,... Aza, mon cher Aza , par quelle agréable surprise ma lettre fut-elle liier interrompue ? Hélas! je cro3'ais avoir perdu pour jamais ces précieux monumens de notre ancienne splendeur, je n'y comptais plus , je n'y pensais même pas ; j'en suis en- vironnée , je les vois, je les touche, et j'ea crois à peine mes yeux et mes mains. Au moment où je t'écrivais , je vis entrer Céline suivie de quatre hommes accablés sous le poids de gros coffres qu'ils portaient ; ils les posèrent à terre et se reîirèrenl ; je pensai que ce pouvait être de nouveaux dons de Déterville. Je murmurais déjà en secret, lorsque Céline me dit , en me présentant des LETTERS OF A PERUVIAN. 399 examine her dress more particularly , till she was called into the parlour. She would have had me go with her, but , my dear Aza , can I have any amusement compa- rable to that of writing to thee ? Far from seeking any other , I am apprehensive be- fore-hand of the diversions intended for me. Célina is going to be married , and she talks of taking me with her : she would have me quit this religious house , and live in hers. But , if I may be believed Aza , my dear Aza , by what an agreeable sur- prise was my letter interrupted ! I believed I had for ever lost this precious monument of our ancient splendour ; Î had even left off thinking of it : but now I am surroun- ded with the magnificence of Peru ; I see it , I feel it , and scarce can I believe my eyes or my hands. Whilst I was writing to thee, Célina came into my chamber , follo\ved by four men crouching under the weight of heavy chests, w hich they had on their backs : they set" them down and retired , and I imagined they had brought some new presents from Deterville. I already murmured to myself , when Célina, giving me some keys , said, 33o LETTRES D'uNE PERUVIENNE. clefs : « Ouvrez , Zilia , ouvrez sans vous > effaroucher , c'est de la part d'Aza. » Je la crus. A ton nom est-il rien qui puisse arrêter mon empressement ? J'ouvris avec précipitation , et ma surprise confirma mon erreur , en reconnaissant tout ce qui s'of- frait à ma vue pour des ornemens du temple du Soleil. Un sentiment confus , mêlé de tristesse et de joie , de plaisir et de regret , remplit tout mon cœur. Je me prosternai devant ces restes sacres de notre culte et de nos autels , je les couvris de respectueux baisers , je les arrosai de mes larmes , je ne pouvais m'en arracher : j'avais oublié jus- qu'à la présencie de Céline 3 elle me tira de mon ivresse, en me donnant une lettre qu'elle m'a prié de lire. Toujours remplie de mon erreur , je la crus de toi, mes transports redoublèrent ; mais quoique je la déchiff'rasse avec peine, je connus bientôt qu'elle était de Déterville, Il me sera plus aisé, mon cher Aza,'de te la copier, que de t'en expliquer le sens. LETTERS OF A PERUVIAN.' 33 1 y> Open Zilia , open without being angry , )> it comes from Aza. » Truth , Tvhich I fix inseparably to the idea of thee , did not leave me in the least doubt. I opended hastily , and my surprise confirmed my error , when I saw that all which I beheld were the ornaments of the temple of the Sun. A confusion of thoughts, mixed up of sorrow and joy, of pleasure and regret , filled all my heart. I threw myself prostrate before these sacred re- mains of our worship and our altars , covered them with respectful kisses , wa- tered them with my tears , and could not be disengaged from them : I even forgot that Celina was present , till she roused me from my trance by giving me a letter, which she desired to me read. Still given up to my error , I thought it came from thee , and my transports redoubled : but , though I made it out with pain , I soon perceived that it was Deterville's writing. It will be easier for me to copy it , my dear Aza , than to explain to thee the sense of it. 332 LETTRES D'UNE PÉRUVIENNE. * LETTRE DE DÉTERVILLE. « Ces trésors sont à vous , belle Zilia , » puisque je les ai trouvés sur le vaisseau » qui vous portait. Quelques discussions ar- » rivées entre les p;ens de l'équipage, m'ont )> empêché jusqu'ici d'en disposer librement, » Je voulais vous les présenter moi-même , » mais les inquiéludes que vous avez té- )) moignées ce matin à ma sœur, ne me » laissent plus le choix du moment. Je ne :» saurais trop tôt dissiper vos craintes ; je » préférerai toute ma vie voire satisfaction » à la mienne. » Je l'avoue en rougissant , mon cher Aza, je sentis moins alors la générosité de Déter- ^•ille , que le plaisir de lui donner des preuves de la mienne. Je mis promptement à part un. vase que le hasard , plus que la cupi- dité, a fait tomber dans les mains des Espa- gnols. C'est le même ( mon cœur l'a reconnu) quêtes lèvres touchèrent le jour où tu vou- lus bien goûter de YAca (i) , préparé de ma (i) Boisson des Indiens. LETTERS OF A PERUVIAN. 333 déterville's letter. « These treasures are yours , fair Zilia, » since I found them in the ship that i> carried you. Some disputes that arose }> among the crew , hindered me from 3> disposing of them freely till now I would }> have presented them to you myself , but i> the uneasiness you discovered to my sister ^ this morning would not permit me to y> follow my inclination. I could not too }> soon dissipate your fears , and I will » all my life long prefer your satisfaction » to mine. » T confess with a blush , my dear Aza , that I was at that instant less sensible of Déterville's generosity , than of my own pleasure that I was able to give him proofs of mine. Immediately I set apart a vase , which chance rather than avarice , had caused to fall into the hands of the Spa- niards. It was the same ( my heart knew it) which thy lips touched on that day when it was thy pleasure to taste some Aca ( I ) prepared by my hand. Richer (i) A drink of the Indjaus. 334 LETTERS OF A PERUVIAN. main. Plus riclie de ce tn'sor (jue de tout ce qu'on me rendait , j'appelai les gens qui les avaient apportés , je voulais les leur faire reprendre pour les renvoyer à Déter- ville 3 mais Céline s'opposa à mon dessein. « Que vous êtes injuste , Zilia , me dit- » elle ? Quoi ! vous voulez faire accepter des » richesses immenses à mon frère , vous que i> l'offre d'une bagatelle offense ? Rappelez )> votre équité, si vous voulez en inspirer aux » autres. » Ces paroles me frappèrent. Je craignis qu'il n'y eût dans mon action plus d'orgueil et de vengeance , que de générosité. Que les vices sont près des vertus! J'avouai ma faute, j'en demandai pardon à Céline 3 mais je souffrais trop de la contrainte qu'elle voulait m'imposer , pour n'y pas chercher de l'adoucissement. « Ne me punissez pas » autant que je le mérite , lui dis-je d'un air }> timide 5 ne dédaignez pas quelques modè- » les du travail de nos malheureuses con- » trees; vous n'en avez aucun besoin, ma » prière ne doit point vous offenser. » LETTERS OP A PERUVIAN. 335 in this treasure than in all the rest that was restored to me , I called the men who brought the chests , and would have had them take the whole back again as a present to Deterville , but Celina opposed my design. « How unjust you are , Zilia ! said she. » What would you , v^^ho are offended at » the offer of a trifle , desire my brother » to accept of immense riches ? Observe » equity in your own actions , if you » vN'^ould inspire others with it. i> These words struck me , and I perceived there was more of pride and vengeance than of gene- rosity in my action. How near do the vices and virtues approach each other ! I confessed my fault , and asked Célina's pardon : but what afflicted me the most, was the constraint she laid me under , not to endeavour to repair what I had done. « Do not punish me , ' said I , with » a timid air , ^ as much as I deserve : dis- ;> dain not to accept of a few specimens » of the workmanship of our unfortunate » countries : you have no need of them, » and my request ought not to give you » off'ence. » 336 LETTRES d'une PÉRUVIENNE. Tandis que je parlais , je remarquai que Céline regardait attenfivenienl deux arbustes d'or chargés d'oiseaux et d'insectes d'un travail excellent ; je me hâtai de les lui présenter , avec une petite corbeille d'ar- gent, que je remplis de coquillages de pois- sons et de fleurs les mieux imités : elle les accepta avec une bonté qui me ravit. Je choisis ensuite plusieurs idoles des nations vaincues (i) par tes ancêtres, et une pe- tite statue (2) qui représentait une vierge du soleil 3 j'y joignis un tigre , un lion et d'autres animaux courageux et je la priai de les envoyer à Déterville. a Ecrivez-lui » donc , me dit-elle en souriant ; sans une }) lettre de votre part, les présens seraient » mal reçus. » J'étais trop satisfaite pour lui rien refu- ser , j'écrivis tout ce que me dicta ma (i) Les Iiicas faisaient déposer dans les temples du Soleil les idoles des peuples qu'ils soumettaient , après leur avoir fait accepter le culte du Soleil. Ils en avaient eux-mêmes , puisque V Iiica-Huqrna consulta l'idole de Rimace. Histoire des 1/icas , torn, il , pag. 35o. (2) Les Incas ornaient leurs maisons de statues d'or de toute grandeur , el même de gigantesques. u him then , said she with a smile : without » a letter from you, the present will not be :*> well received. » I was too well satisfied to refuse any thing ; and wrote all that my gratitude die- (i) The Incas caused the idols of the people ihey subdued to be deposited in the temple of the sun , after they had conformed to the worship of that luminary. They had idols also ihemselves , the Inca-Huajna having consulted that of Rimace. Sec the history of the Incas, (2) The Incas adorned their houses \Yith stalues of gold of all magnitudes , even lo gigantic size». Tome L y 338 LETTRES d'une PERUVIENNE. recojinaissaiice : et , lorsque Céline fut sor- tie je distribuai de petits préseiis à sa China et à la mienne , et j'en mis à part pour mon maître à écrire. Je goûtai enfin le dé- licieux plaisir de donner. Ce n'a pas été sans cîioix , mon cher v^za j tout ce qui vient de toi 5 tout ce qui a des rapports intimes avec ton souvenir , n'est point sorti de mes mains. La chaise d'or (i) que l'on conservait dans le temple pour le jour des visites du Capa-Iîica , ton auguste père , placée d'un côté de ma chambre eu forme de trône , me représente ta grandeur et la majesté de ton rang. La grande figure du soleil, que je vis moi-même arracher du temple par les perfides Espagnols , suspendue au-dessus , excite ma vénération , je me prosteriie devant elle : mon esprit l'adore et mon cœur est tout à toi. Les deux palmiers que tu donnas au soleil pour offrande et pour gage de la foi que tu m'avais jurée , placés aux deux côtés du (i) Les Incas ne s'asseyaient que sur des sièges d'or m^issif'. LETTERS OF A PERUVIAN, 389 tated : and when Cc'lina was gone out , I distributed small presents to her China and mine , and put others aside for my wri- ting master. Then it ^vas that I enjoyed the delicious pleasure of being able to give. T did not do this without choice , my dear Aza , all that came from thee , Avhatever can particulary call thee to my remembance^ has not' gone out of my hands. The golden chair (i) , ivhich was kept in the lemple for the visiting days of the Capa-Inca, thy august father, placed in a corner of my appartment , in form of a throne, represents to me thy grandeur , and tKe majest37^ of thy rank. The great figure of the sun , which I myself saw torn from the temple by the perfidious Spaniards , suspended over it excites my veneration. I fall down before it , and adore it in mind, while my heart belongs all to thee. The two palm-trees , which thou gavest to the sun as an offering , and a pledge of the faith thou hadst sworn to me , placed (i) The Incas never sat but upon scats of massy J2;old. Y 1 34<> LETTRES D'U^E PÉRUVIENÎ^E. trône , me rappellent sans cesse les tendres sermens. Des fleurs (i), des oiseaux répandus avec symétrie dans tous les coins de ma chambre , forment en raccourci l'image de ces magnifiques jardins , où je me suis si souvent entretenue de ton idée. Mes yeux satisfaits , ne s'arrêtent nulle part sans me rappeler ton amour, ma joie, mon bonheur, enfin tout ce qui fera jamais la vie de ma vie. (i) On 9 déjà dit que les jardins du temple, cl ceux des maisons royales , étaient remplis do toutes sortes d'imitations eu or et en argent. Les Péruviens imitaient jusqu'à l'herbe appelée Mays , dont ils fai- saient d